LE LOUP DE ROUMANIE

Publié le 8 Décembre 2015

Bucarest, Octobre 2011

La nuit était tombée sur la ville. Un à un, les néons des restaurants qui entouraient la petite place s’étaient éteints. Il ne restait plus que celui qui surplombait, en clignotant, la porte d’un club. Une Mercedes attendait, garée devant la porte. L’homme vêtu de noir fit quelques mouvements pour détendre ses muscles ankylosés puis recolla son œil au viseur du fusil d’assaut posé sur le rebord de la fenêtre. L’endroit qu’il avait choisi était idéal, à l’opposé du club. A cette distance, personne ne pouvait repérer sa silhouette derrière la fenêtre de cette chambre d’hôtel plongée dans le noir. La porte du club s’ouvrit. L’homme en noir posa son doigt sur la détente. Fausse alerte. Il faudrait attendre encore un peu. Ce fut l’affaire de quelques minutes. La porte s’ouvrit de nouveau. Un homme, plutôt grassouillet, sortit, accompagné d’une jolie brune. Le doigt de l’homme en noir caressa la détente. Il y eu un bruit sourd, celui de la détonation qui se perdait dans le long silencieux. La balle mit moins d’une seconde pour traverser la place. La tête de l’homme grassouillet vola en éclats. Pavel Tomcek recula sous l’impact et s’affaissa, glissant lentement contre le mur. Les deux hommes qui l’accompagnaient sortirent leurs armes et se tapirent derrière la grosse berline. La jeune femme brune le regarda médusée puis se mit à hurler en découvrant le sang et les morceaux de cervelle qui maculaient sa robe et son visage. Ses cris réveillèrent la petite place. Des lumières jaillirent aux fenêtres et quelques voisins se précipitèrent dans la rue. L’homme en noir ferma la fenêtre, tira soigneusement les rideaux et alluma la lumière. Il démonta tranquillement son fusil.

L’inspecteur Malewski allait quitter son bureau lorsqu’on lui transféra l’appel d’une patrouille. Quelques minutes plus tard, il se penchait sur le cadavre assis sur le trottoir. Il eut du mal à dissimuler un sourire en découvrant son identité. Un homme portant un étui de violoncelle se mêla à l’attroupement qui s’était formé autour du corps. Jouant un peu des coudes, il s’adressa à un policier :

- Eh bien, sale affaire. On l’a pas raté.

- Comme vous dites. Mais, ne restez pas trop ici.

- Je comprends. Dites-moi, qui est l’homme agenouillé près du corps ? Il me semble le connaitre…

- C’est l’inspecteur Malewski.

- Ah. Non, je ne le connais pas. J’ai dû le confondre avec quelqu’un d’autre. Merci.

- Bonne soirée Monsieur.

- Bonne soirée, Monsieur l’agent.

L’homme au violoncelle s’éloigna en souriant. Malewski était sur les lieux, il allait s’occuper de l’affaire Tomcek. Le plan fonctionnait à merveille. Il regagna son hôtel. Dans sa chambre, il ouvrit son étui et en sortit les pièces d’un fusil d’assaut. Avant de se mettre à les nettoyer, il prit un téléphone et composa un numéro.

- Bonjour Oncle Sam.

- Steve! Mon cher neveu! Alors? Bien arrivé en Roumanie ? Tu es bien installé ?

- Très bien. Ce pays m’a l’air très accueillant. Je crois que mon séjour ici va être très agréable.

- Tu as rencontré des gens ?

- Mon premier rendez-vous a tourné court mais je pense que le suivant sera beaucoup plus long et constructif.

- Bien. Tu me tiendras au courant ?

- Je vous enverrai des cartes postales…

Steve Powells éteignit le téléphone et le rangea soigneusement puis il se mit au travail. Une heure plus tard, vérifié, nettoyé, le fusil d’assaut rejoignit l’étui à violoncelle. L’américain connecta son ordinateur au réseau internet de l’hôtel en passant par un brouilleur. Il consulta longuement différentes pages, prenant de nombreuses notes qu’il mémorisa avant de les détruire. En souriant, il se dirigea vers la salle de bains. La soirée du lendemain serait sûrement passionnante…

Deux jours avaient passé. Dans son bureau du commissariat principal, Andreï Malewski était perdu dans ses pensées. Au fond, il n’était pas pressé d’avancer dans son enquête. Lorsqu’il l’avait découvert, la tête explosée sur un trottoir, l’inspecteur avait d’abord souri. Pavel… Il le connaissait depuis longtemps. Ils avaient grandi ensembles dans un immeuble où leurs pères, tous deux professeurs, avaient un logement de fonction spacieux et bien chauffé, un des privilèges accordés par la dictature communiste à ses brillants serviteurs. Les deux jeunes garçons avaient partagé les mêmes jeux, les mêmes écoles. Mais, le père d’Andreï avait eu le malheur de dire un peu trop fort ce qu’il pensait et de critiquer la bureaucratie. On l’avait arrêté et jeté en prison pendant quelques semaines puis on l’avait renvoyé. Lui et toute sa famille étaient devenus des parias. Le professeur Malewski ne l’avait pas supporté. Il s’était suicidé quelques mois plus tard. Ce n’est qu’après la chute de Ceausescu qu’Andreï avait pu reprendre des études normales et entrer à l’école de police. Pavel, lui, avait suivi un autre chemin. Après des études brillantes, ivre de liberté, il s’était lancé dans une vie de débauche qui lui avait ouvert les portes du banditisme. Intelligent, rusé, il avait fait son chemin et finit par devenir le plus grand proxénète de Roumanie. Ses filles travaillaient dans de nombreux hôtels de passe de Bucarest et de tout le pays. Il s’était acoquiné avec la mafia russe et dirigeait un réseau qui « exportait » des filles vers tous les pays d’Europe, surtout ceux de l’Ouest. Pavel était une ordure, un mafieux violent qui n’hésitait pas à faire supprimer tous ceux qui mettaient son autorité en cause. Quant à ses méthodes pour dresser les filles…

Malewski avait donc de bonnes raisons de ne pas se presser et de penser que l’assassinat de Tomcek était un simple règlement de comptes, même si la méthode n’était pas celle de la mafia. Le grésillement de l’interphone le fit sursauter.

- Inspecteur ?

- Oui.

- Il y a ici un homme qui demande à vous parler. Il ne veut voir que vous.

- Faites le monter dans mon bureau.

L’inspecteur soupira. On frappa à sa porte.

- Entrez !

Malewski examina celui qui venait d’entrer. Il était grand, athlétique. Son sourire se voulait sympathique mais son regard noir était froid et distant. Malewski eut cependant la désagréable impression d’être sondé jusqu’au plus profond de lui.

- Bonjour Inspecteur Malewski.

- Bonjour. Monsieur ?

- Mon nom a peu d’importance !

Malewski sonda à son tour son visiteur. Quelque chose clochait. Il laissa parler l’homme.

- Je suis celui que vous cherchez.

- Que voulez-vous dire ?

- C’est moi qui ai descendu Tomcek. Un joli coup, n’est-ce pas ?

L’inspecteur eut soudain le déclic. Il avait trouvé !

- Joli tir en effet. Mais, Monsieur dont j’ignore le nom, je ne vous crois pas.

- Comment ça ?

- Fini la comédie ! Vous n’êtes pas roumain, même pas slave. Alors, dites-moi qui vous êtes et ce que vous venez faire dans mon bureau ! Sinon, je vous fais coffrer.

Le regard de l’homme perdit un peu de sa froideur.

- Bien. On peut parler ? Je veux dire…

- L’époque du communisme et de ses micros est terminée. Ce bureau est sûr. Maintenant, je vous écoute. Dites ce que vous avez à dire et vite, parce que j’ai horreur de perdre mon temps, vous comprenez ?

- Du calme inspecteur. Admettez que la mort de Tomcek vous arrange bien, sur beaucoup de plans. Elle vous arrange autant qu’elle satisfait ceux qui m’emploient.

- Admettons. Poursuivez.

- En fait, si j’ai descendu Tomcek, ce n’est pas pour ses activités de proxénète. Les gens qui m’emploient s’inquiètent beaucoup de la montée des néonazis dans votre pays et nous savons que Tomcek les finançait par le biais de fonds venus de la mafia russe.

- Foutus fascistes ! Ils ont pignon sur rue ici. Nova Dreapta a même des députés à l’assemblée. Je savais que Tomcek fricotait avec eux mais j’ignorais pour les russes…

- Il y a beaucoup de choses que vous ignorez Malewski…

- Mais, vous savez très bien que la mort de Tomcek ne changera rien. Un autre le remplacera, les prétendants ne manquent pas.

- Je sais. Mais le temps qu’ils règlent leurs comptes et que celui qui remplacera Tomcek gagne la confiance des argentiers russes, cela nous laissera un peu de temps pour agir.

- Ah ! Parce que vous comptez allez plus loin, évidemment.

- Bien sûr ! Vous avez entendu parler du « Loup » ?

- Oui. Apparemment il tire toutes les ficelles du néonazisme ici et en Hongrie. Mais personne n’a la moindre idée de qui il est.

- Je suis là pour le découvrir. Et l’éliminer !

- Et vous pensez réussir là où nos services d’espionnage se sont cassé les dents ?

- Vous connaissez la tactique qu’on appelle « guerre de harcèlement », Inspecteur ? Je vais forcer ce loup à sortir de sa tanière.

- Et qu’attendez-vous de moi ?

- Une collaboration. Vous me renseignez sur les milieux fascistes, moi, je vous donne des billes sur les proxénètes et, éventuellement un coup de main pour vous en débarrasser même si je ne suis pas là pour ça.

- Je marche ! Mais, à une condition, on ne se voit plus ici. Et vous me dites votre nom.

- Steve Powells. Je suis américain. Voilà un numéro où vous pourrez me joindre. Soyez patient quand vous m’appellerez, les systèmes de brouillage sont parfois un peu longs.

- Merci. Retrouvons-nous ce soir, dans le club devant lequel vous avez fait votre carton. Disons, 20 heures. Nous discuterons.

- Hmmm !

- Je vois. Vous avez peur qu’on vous reconnaisse. Ce club est un point de ralliement pour les amis de Tomcek. Nous y apprendrons sûrement des choses intéressantes.

-- D’accord. Je prendrai mes dispositions. Une dernière chose. Comment avez-vous deviné ?

- Deviné quoi ?

- Que je n’étais pas roumain ?

- Votre langue est un peu trop académique et vous avez un léger accent. Mais je vous aiderai à corriger ça.

- Ok. A ce soir.

Powells quitta le bureau de l’inspecteur, satisfait de cette première entrevue. Sa collaboration avec Malewski se présentait sous les meilleurs hospices et l’inspecteur était à la hauteur des renseignements qu’il avait sur lui. Il flâna un peu dans les rues puis rentra à son hôtel. Il eut une longue conversation avec son oncle Sam.

Assis derrière sa table de travail surchargée de livres, l’homme réfléchissait. Pourquoi avait-on abattu Tomcek ? Et qui ? La mafia russe n’avait aucune raison de se priver d’un moyen de blanchir son argent. Financer un parti politique était un excellent moyen d’y parvenir, même si le parti en question soutenait des thèses qui auraient fait passer Hitler pour un enfant de chœur. Non, ce n’était pas eux. Ils étaient beaucoup plus discrets, d’habitude. De toute façon, même s’il était la pire des crapules, Tomcek était un type droit en affaires, il n’aurait jamais osé détourner une partie des fonds qui transitaient par lui. Qui alors ? Un concurrent ? Pourquoi pas. Mais le procédé était maladroit. Dans une guerre des gangs, il valait mieux éliminer les lieutenants avant de s’en prendre à la tête. Le contraire relevait de l’amateurisme. A moins qu’un des dits lieutenants n’ait eu l’envie de devenir calife à la place de Tomcek…

L’homme griffonna quelques mots sur un papier puis sortit de son bureau. Il prit plusieurs autobus et finit par entrer dans une petite librairie dans une rue du centre historique de Bucarest. Il flâna un moment dans les rayons. Celui qu’il attendait finit par faire son apparition dans la boutique. L’homme s’approcha du comptoir. Au moment de payer, il glissa le bout de papier soigneusement plié sous un billet.

- C’est urgent…

- Je vais faire au plus vite.

L’homme ressortit, son livre sous le bras. Il fit de longs détours pour regagner son bureau, empruntant un chemin différent de celui pris à l’aller. Toujours brouiller les pistes. Cela lui avait sauvé la vie à l’époque communiste. A plusieurs reprises. Il passa le reste de la journée à rédiger des notes, plongé dans ses livres, persuadé d’écrire l’avenir de la Roumanie ou, en tout cas, d’en poser les bases. Le peuple roumain allait enfin relever la tête et faire courber l’échine de l’Europe, il en était convaincu. Et ce qu’il imaginait pour y parvenir était terrifiant…

Steve Powells descendit dans le hall de l’hôtel, portant son étui de violoncelle. Il adressa un sourire au liftier, lui laissa un pourboire et se dirigea vers le garage. Quelques minutes plus tard, il s’arrêta devant une petite maison de la banlieue de Bucarest. Il ouvrit la grille et dissimula la voiture derrière la maison. Il passa un long moment à la décharger puis il disparut dans la maison pour n’en ressortir que quelques heures plus tard.

Il était à peine vingt heures lorsque l’homme se présenta à l’entrée du club. Le portier l’examina longuement puis le laissa entrer. L’homme entra dans le bar qui occupait tout le rez- de- chaussée et repéra celui qu’il venait rejoindre.

- Bonsoir Inspecteur.

Malewski eut un mouvement de recul. Il examina l’homme et reconnut son regard.

- Powells ? Mais…

- Je vous avais dit que je prendrai mes dispositions.

- C’est… Sidérant ! Vous prenez quelque chose ?

- Qu’est- ce que vous me conseillez ?

- La vodka est imbuvable, la bière trop amère. Par contre ce vin blanc…

- Va pour le vin !

L’inspecteur commanda une bouteille de vin.

- Alors, vous avez du nouveau Steve ? Vous permettez que je vous appelle Steve ?

- Bien sûr Andreï. J’ai eu une longue discussion avec mes employeurs. Ils sont très heureux de notre collaboration. La bonne nouvelle, c’est que ma mission a évolué, dans le bon sens pour vous.

- C’est- à – dire ?

- On m’a demandé de vous aider à faire tomber la petite entreprise de Tomcek.

- C’est ce que souhaitent mes supérieurs et j’aurai bien besoin de votre aide. Tiens ! Il ne manquait plus que ceux- là !

Powells se retourna et observa le trio qui venait d’entrer et se dirigeait vers le club privé, à l’étage.

- Ce sont les proches de Tomcek. Malev, celui qui marchait le premier, le remplacera sûrement à la tête du réseau.

- J’ai vu cet homme l’autre soir. Le lendemain de mon carton.

- Où ça ?

- Dans une réunion de Nova Dreapta. Il était assis en bonne place.

- Lui ?

- Il n’a pas pris la parole mais on le traitait avec beaucoup d’égards. Je pense que c’est lui qui faisait le lien entre Tomcek et le parti. A ce propos, qu’est-ce que vous pouvez me dire sur ce parti ?

- Comme tous les partis nationalistes, Nova Dreapta est une hydre à plusieurs têtes. Je veux dire par là que c’est une organisation qui en cache beaucoup d’autres. Des groupuscules violents, essentiellement. Le parti officiel n’est que la vitrine politiquement correcte. Mais, à part ses députés, c’est une coquille vide. Ce sont les groupes qui sont réellement actifs. Les groupes et celui que vous cherchez.

- J’ai failli vomir en écoutant leurs discours. Des propos très inquiétants, très proches, voire même pires, que ceux qu’on entendait il y a quelques décennies. Il faut absolument que je coupe les têtes de cette hydre sinon votre pays va replonger dans la nuit nazie sans même s’en rendre compte.

- Sans vouloir vous offenser, Steve, votre pays…

- Je sais ! Nous ne sommes pas un modèle de vertu en matière de racisme. Je suis de la génération née après Martin Luther King, celle qui a porté Obama à la présidence. Et je me bats contre ces idées autant aux Etats-Unis que partout dans le monde.

- Sans vouloir connaitre tous vos secrets, c’est quoi votre job, exactement ?

- Je suis une sorte de nettoyeur qu’on envoie un peu partout pour débarrasser le monde de sa vermine. J’ai reçu un entrainement spécial pour ça.

- Je vois. Vous êtes une sorte de Rambo.

Powells lui adressa un grand sourire.

- C’est ça. Mais un Rambo qui a fait des études. J’ai fait le M.I.T. avant d’entrer dans l’armée.

- Je n’ai pas été aussi brillant…

- Je connais votre parcours Andreï. N’ayez pas honte. Compte- tenu des circonstances, il est plus qu’honorable.

- Merci. Pour en revenir à notre affaire, les groupes sont assez disséminés…

- Je pense savoir où les trouver. Je sais que leurs cibles favorites sont les communautés de roms. Je vais m’approcher des endroits où vivent ces gens.

- Vous voulez dire les endroits où ils sont parqués. C’est honteux de traiter des hommes comme cela. Votre idée est bonne mais, méfiez-vous. En bande, ces types sont aussi dangereux qu’un troupeau d’hyènes.

- J’ai de quoi les calmer, rassurez-vous.

- Je me doute. J’ai une requête…

- Je vous écoute.

- Nous savons que Tomcek avait installé un centre de dressage pour ses filles mais nous ignorons où il se trouve. Alors, si au hasard de vos recherches…

- Je vous fais signe.

- Allez à Urzinec. C’est un petit village à une centaine de kilomètres d’ici. Il y a là une grande colonie de roms qui est souvent la cible de ces putains d’enfoirés.

- Vous commencez à parler comme un américain, Andreï.

- Et vous, vous avez tenu compte de mes remarques. Votre accent a quasiment disparu. Comment faites-vous ?

- L’entrainement. Et puis, il parait que je suis doué pour les langues.

Les deux hommes rirent, trinquèrent et discutèrent un long moment.

- Bien. Je vais disparaitre pendant quelques jours. Je vous donnerai des nouvelles à mon retour.

- D’accord. Soyez prudent Steve.

- Suivez Malev. Je pense qu’il vous apprendra beaucoup de choses.

Les deux hommes se séparèrent. Une fois dans sa voiture, Powells passa ses écouteurs et mit en route son lecteur MP3. « Votre accent a quasiment disparu » avait dit Malewski. Il fallait qu’il disparaisse complètement. De retour dans sa petite maison, l’américain consulta quelques pages sur internet et pris son téléphone. Il attendit de longues secondes. Il lui semblait entendre la sonnerie de son appel résonner dans le vide spatial qui séparait les satellites. On décrocha.

- Steve ! Alors ? Ce séjour en Roumanie ?

- Tout va bien. Je me suis fait un ami. Il est parfait et me guide bien.

- Content pour toi. Qu’as-tu au programme ?

- Je vais aller passer quelques jours dans une petite ville qui m’a l’air très animée. Je crois que je vais bien m’amuser.

- Fais pas trop le fou, quand même.

- Oncle Sam ! Vous me connaissez !

- C’est bien pour ça que je te dis d’être prudent. Tiens- moi au courant.

- Ok. Au revoir mon oncle.

Powells raccrocha en souriant. Celui que l’on appelait Oncle Sam était un brave type. Pour des raisons de sécurité et de discrétion, les deux hommes se rencontraient peu mais le jeune américain le considérait comme son père spirituel. Il y avait une réelle complicité entre eux. Oncle Sam avait commencé sa carrière dans la rue, simple policier dans un quartier difficile de New York. Il avait toujours refusé l’attitude ségrégationniste de son pays et, très tôt, avait accompagné le mouvement des noirs dans leur lutte pour la liberté et l’égalité. Au Vietnam, il s’était comporté en héros, toujours à la tête de sa section lorsqu’elle partait combattre les Khmers rouges mais, avec le souci constant de préserver les civils. Ses supérieurs avaient remarqué son sens de la tactique, son courage et son étonnante capacité à mener la guérilla. A son retour, on l’avait envoyé comme formateur à West Point. C’est là que ses élèves lui avaient donné son surnom : Oncle Sam. Puis, lorsque le président Clinton avait créé cette section secrète, c’est lui qu’on avait chargé de choisir les « nettoyeurs » et de les former. C’est là, dans un secteur secret de West Point, que Powells avait fait sa connaissance. Le courant était immédiatement passé entre les deux hommes et l’élève avait rapidement dépassé le maître. A présent, Oncle Sam dirigeait la partie opérationnelle de la section secrète. Pourvu que leur mission soit réussie, il laissait le champ libre à ses « neveux » et se coupait en quatre pour leur donner les moyens nécessaires à leur tâche, tout en les couvant comme une mère poule.

Le jeune américain quitta sa chambre et se rendit dans la pièce voisine. Faisant mentalement la liste de ses besoins, il contempla un moment les différentes caisses posées sur le sol, il les ouvrit l’une après l’autre, méthodiquement. La guerre allait vraiment commencer à Urzinec, il le savait. « Ne pas perdre de temps, et penser à tout », c’était une des leçons d’Oncle Sam à West Point. Tout en préparant son armement, Powells mettait au point sa tactique : D’abord approcher l’ennemi, le sonder, évaluer ses forces, son intelligence, prévoir ses coups, ensuite, se trouver des alliés potentiels puis donner le premier coup de semonce, mettre le bout du pied sur la fourmilière et observer ses réactions. Après…

Powells termina le chargement de sa voiture puis se coucha.

Urzinec était un vieux village, bâti sur une petite colline qui surplombait une rivière. Un petit village paysan que les années de dictature de Ceausescu avait plongé dans la misère. Urzinec avait, après la disparition des communistes, progressivement relevé la tête. Quelques petites entreprises étaient venues s’installer là, au bord de la route qui menait vers Bucarest. Au début des années 2000, l’état y avait installé une communauté de roms qui vivait en contrebas du village, dans des logements construits à la va-vite, une sorte de lotissement misérable, isolé du reste du village par une longue clôture de grillage. Les roms n’étaient pas les bienvenus à Urzinec et on le leur faisait bien sentir. Se contentant d’une timide compassion, discrètement mais abondamment corrompues par le parti néonazi, la police et les autorités locales fermaient les yeux sur les expéditions que les groupes soutenus par Nova Dreapta menaient dans « la verrue ».

Powells s’arrêta à l’entrée du village, sur le parking d’un bar, au bord de la route qui reliait Urzinec à Bucarest. Dans son rétroviseur, il vérifia son « camouflage » et descendit de voiture. Il les repéra dès son entrée dans le bar. Un groupe de six jeunes autour d’une table chargée de bouteilles de bière. Ils devaient avoir une vingtaine d’années. Tous avaient le crâne rasé ou le cheveu court et ils portaient des tenues de combat. Celui qui tournait le dos à la porte avait une croix gammée tatouée sur la nuque. L’américain commanda un café, s’installa à la table voisine de celle du petit groupe et écouta leur conversation.

- Ca fait un moment qu’on n’est pas allés chez les vermines.

- Le chef m’a dit qu’il allait passer cet après-midi. On aura peut-être du nouveau.

- J’espère ! Ca me démange. J’ai envie de casser du rom et ma batte de base- ball va finir par rouiller.

- T’es con ! Mais ça me démange aussi.

- Il faut les chasser ou les tuer tous, ces saloperies. Pourquoi on fout pas le feu direct à leurs taudis ?

- Tu oublies qu’ils nous sont utiles pour…

Le garçon se tut. Un homme, un peu plus âgé venait d’entrer dans le bar. Il jeta un regard circulaire sur la salle puis rejoignit les six jeunes. Sans un mot, il prit une chaise à la table de Powells et s’installa, bousculant l’américain.

- Alors ? T’as des nouvelles ?

- Ouais. On va bouger les gars. Y’a eu du grabuge à Bucarest, un type important s’est fait buter et j’ai reçu des consignes.

- Qu’est-ce qu’on doit faire ?

- Juste un petit tour ce soir, pour faire peur. On nous envoie des renforts et demain…

- Putain ! Ils vont prendre ces cons de roms. A quelle heure ce soir ?

- Rendez-vous au hangar à 20 heures. On va faire une petite ronde de nuit.

- On sera combien ?

- Douze. Je veux trois bagnoles.

- Pas de problème. Ca va être l’occasion de tester le nouveau joujou qu’on nous a amené d’Allemagne. Il te faut autre chose comme matos ?

- Non ! Ce soir, on fait juste du bruit et de la casse.

L’homme désigna trois jeunes du doigt.

- Par contre, vous trois, demain, vous préparerez l’arsenal.

- Sérieux ?

- J’ai l’air de plaisanter ? Et faites pas les cons demain. Faut montrer aux mecs de Bucarest qu’on est aussi bons qu’eux.

- On va leur montrer comment il faut faire ! On pourra…

- Tu verras ! Allez ! A ce soir. Soyez à l’heure.

L’homme se leva et quitta le bar. Powells l’imita quelques secondes plus tard. Il souriait. Ces types étaient trop sûrs d’eux. Ils avaient oublié la règle de base de tout combattant : La prudence. Il reprit sa voiture et s’engagea sur la route qui menait au quartier des roms. Il lui fallait maintenant convaincre ces derniers d’accepter son aide et ce ne serait pas la partie la plus facile de son plan. Il arrêta la voiture à l’entrée du campement, une simple allée boueuse, bordée de rangées de petits cabanons, quelques caravanes, deux ou trois voitures démontées. Powells tâta le holster de son 38, vérifia que le couteau était bien en place le long de son mollet et sortit de la voiture. Deux ou trois hommes occupés à couper du bois s’approchèrent.

- Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu fais ici ?

Powells jeta un coup d’œil à la hache que l’homme tenait en main puis plongea son regard dans les yeux du rom.

- Je viens en ami. Du calme.

- En ami ? Qu’est-ce qui nous dit que tu n’es pas un de ces…

- Je suis venu vous avertir qu’ils seront là ce soir et aussi demain. Encore plus nombreux.

- Et après, tu iras assister au spectacle avec les policiers et le maire !

- Quoi ?

- C’est ce qui s’est passé la dernière fois qu’ils sont venus.

- Je serai avec vous. Vous avez un chef ?

- On a un patriarche. C’est comme ça que ça fonctionne chez nous.

- Je veux lui parler.

- Je vais t’emmener le voir. Marche devant.

Powells se laissa guider jusqu’à un des bungalows. L’homme à la hache entra pendant quelques minutes puis ressortit.

- Tu peux venir.

L’américain pénétra dans la pièce. Assis sur un fauteuil, un vieil homme tirait sur sa pipe. Il fixa Powells de ses yeux dorés.

- Mon fils me dit que tu sais quand les crânes rasés vont revenir.

- Ils ont prévu de venir ce soir…

- Comment le sais-tu ?

- Je les ai entendus en parler tout à l’heure, au bar du village. Ils viendront ce soir et demain, encore plus nombreux.

- Et comment puis-je te faire confiance ?

Powells hésita puis décida d’abattre ses cartes. Il décrocha la chaine qu’il portait autour du cou et la tendit au vieil homme.

- Regardez le médaillon.

Le patriarche examina longuement la petite plaque de métal.

- Tu es américain ? Un soldat américain ?

- Oui. C’est mon gouvernement qui m’envoie ici.

Les hommes regardèrent chacun leur tour le médaillon puis le rendirent à l’américain.

- Tu dis que tu les as vus tout à l’heure. Sils te voient ici, ils vont te reconnaitre.

- Ca m’étonnerait beaucoup.

Powells retira sa perruque et les lentilles colorées qu’il portait aux yeux.

- Voilà ! Maintenant, expliquez- moi comment se déroulent les attaques.

- Ils arrivent toujours par la route, avec de grosses voitures. Après, ils commencent à tout casser et ils frappent tous ceux qui essaient de s’interposer…

- Les deux dernières fois, ils ont brûlé des caravanes…

- Et ils ont pris deux de nos filles !

- Comment ?

- Ils ont emmené les filles dans leurs voitures. C’était il y a trois mois et on ne les a pas revues.

- C’était la première fois qu’ils faisaient ça ?

- Ici, oui. Mais j’ai entendu dire que c’était arrivé ailleurs.

- Vous l’avez signalé aux policiers ?

- La police se moque bien qu’on enlève nos filles.

Powells sera mentalement les poings. Il venait de comprendre comment Tomcek « recrutait » une partie de son « personnel ». Une contrepartie à ses bons et loyaux services envers Nova Dreapta…

- Que comptes-tu faire ?

- Je vais les arrêter avant qu’ils n’arrivent ici. Pour ce soir, je me débrouillerai seul. Cela nous laissera le temps de nous préparer pour demain, si jamais ils ne comprennent pas la leçon et décident de revenir. Restez tous chez vous. Personne dehors après la tombée de la nuit, d’accord ?

- D’accord. Je ne sais pas pourquoi mais quelque chose me dit de te faire confiance. Mon fils va aller prévenir les autres. Si tu as besoin d’aide, n’hésites pas à demander

- Je vous remercie. Je vais aller inspecter les environs et me préparer.

Powells passa un moment avec le vieil homme puis il quitta le bungalow et remonta l’allée. Il croisa l’homme à la hache. Celui-ci fit quelques pas et se retourna.

- Hé ! L’américain !

- Oui ?

- Merci de nous aider.

- Je vais faire de mon mieux.

- Ma nièce a été enlevée par les crânes rasés…

- Je comprends. Je ferai en sorte que ça n’arrive plus.

- Plus tu en tueras, mieux ce sera.

L’américain poursuivit son chemin. Les poings serrés. Oui, il allait faire son possible. Mais pour cette pauvre fille, il était peut-être déjà trop tard. Il ouvrit le coffre de sa voiture et passa sa tenue de combat, une combinaison et une cagoule noires. Il monta son fusil d’assaut et prit sa ceinture, vérifiant que tout était bien en place dans les différentes poches. Une fois équipé, Powells s’engagea dans les bois. Au bout de quelques minutes, il trouva l’endroit idéal. Un arbre abattu lui offrait une bonne cachette, un appui pour le fusil et une vue dégagée sur la route, suffisamment loin de l’entrée du quartier rom. Adossé au tronc d’arbre, il prépara ses chargeurs, les empilant soigneusement à côté de lui. Il n’avait pas l’intention de mener une grande bataille mais il valait mieux être prévoyant. La dernière cartouche qu’il engagea était un peu spéciale. Il hésita un moment. Non. Pas besoin d’une autre cartouche. Il ne raterait pas sa cible. Il ne la ratait jamais. L’américain chercha un moment la position de tir la plus confortable et la mémorisa. Le jour commençait à décliner. Powells engagea le chargeur dans le fusil et attendit. Il commençait à trouver le temps long et allait consulter sa montre lorsqu’il entendit un bruit de moteur. Trois voitures s’engageaient sur la route. Il se mit en position de tir, calculant l’instant idéal pour presser la détente. Il fit feu. La balle explosa en pénétrant dans la calandre de la première voiture, la stoppant net. Les deux véhicules suivants s’arrêtèrent dans un crissement de freins. Les hommes sortirent des voitures. Certains avaient des battes de base – ball. L’un deux s’avança vers le bord de la route. Powells reconnut le chef. S’assurant que tous étaient hors des voitures, l’américain tira une seconde fois. Il ne voulait pas tuer ou blesser, juste impressionner. La balle fit éclater le pare-brise de la première voiture.

- Bande d’enfoirés ! Montrez- vous et venez vous battre

- Une bande ? Tu as la vue qui baisse mon ami.

- Je n’ai pas d’amis dans ce coin !

- J’oubliais. C’est vrai que tu n’es pas très fréquentable.

L’homme s’avança sur le bord du talus.

- Stop ! Pas un pas de plus.

- Je n’ai pas d’ordres à recevoir. On va te casser la gueule, connard. Qui que tu sois.

- Douze secondes ! C’est le temps qu’il me faudra pour vous loger, à chacun, une balle entre les deux yeux si l’un d’entre vous fait un pas. T’as entendu parler de ce qui s’est passé à Bucarest ?

- Salopard ! C’était toi !

- Ca se pourrait. Je vais te donner un conseil : Toi et tes copains, vous allez remonter dans vos voitures et gentiment aller vous coucher. Sinon, je me fais une partie de tir aux pigeons.

L’homme marqua un temps d’hésitation et se retourna vers les autres.

- T’as peut-être raison. Mais on reviendra. Et il te faudra beaucoup de cartouches. Beaucoup plus !

- Comme tu voudras. Maintenant, dégagez ! Et je ne plaisante pas.

Powells fit feu une nouvelle fois. La balle vint se planter dans le goudron, juste entre les pieds du néonazi. Celui-ci fit un bond et tendit le poing.

- On t’aura, connard !

« Essaye toujours » marmonna l’américain. Les assaillants s’entassèrent dans les deux voitures restantes et repartirent vers le village. Tout en savourant sa petite victoire, Powells attendit un moment. Ne voyant pas les véhicules revenir, il rejoignit sa voiture, rangea calmement son fusil et démarra. Il roula un moment puis finit par trouver l’endroit qu’il cherchait. Les deux berlines allemandes étaient garées devant un entrepôt. Powells dépassa le bâtiment et rangea sa voiture dans un sous-bois. Il compléta son équipement, repris son fusil, mit ses lunettes de vision nocturne et se dirigea silencieusement vers le bâtiment. Dissimulé derrière un taillis, il observa longuement les lieux, mémorisant chaque détail. Il songea un moment à passer à l’action. Non. Il valait mieux attendre le lendemain, que les autres soient là. Powells souriait d’un sourire carnassier. Fonctionnant à toute vitesse, son esprit lui avait donné une autre idée. L’américain reprit son attente, en profita pour se détendre. Il y eut des bruits de moteur, celui des lourdes portes de métal qu’on refermait. Les lumières qui éclairaient la cour s’éteignirent. Quand les feux des deux voitures eurent disparu, il se faufila jusqu’à l’entrepôt. Les portes étaient cadenassées. Il fit le tour du bâtiment et trouva ce qu’il cherchait. Une tôle mal fixée. Il l’écarta et entra.

« Organisation et discipline. Bienvenue chez les néonazis » songea-t-il. Le hangar était impeccable. Un côté servait d’atelier. Des établis, soigneusement rangés et propres encadraient une voiture dont les plaques avaient été démontées. Sûrement celle dont le jeune homme avait parlé dans le café. Powells nota la présence de fûts d’huile et d’essence puis se concentra sur le reste du bâtiment. Il contourna la grande table et s’approcha des armoires alignées contre le mur. Il en ouvrit une et découvrit des armes. Le petit groupe possédait un véritable arsenal. L’américain réfléchissait à toute vitesse. Il y avait là de quoi éliminer toute la petite colonie de roms et rayer leur bidonville de la carte. Sa petite intervention de la soirée avait dû mettre les néonazis très en colère. Il ne fallait pas qu’ils retournent en bas du village. Powells retourna à sa voiture et revint quelques minutes plus tard, un sac sur l’épaule. Il passa un long moment dans le hangar. Il reprit sa voiture, s’engagea sur une petite route qu’il avait repérée en arrivant. Il se gara et marcha jusqu’à l’orée du bois.

« Parfait ! » Powells revint à son véhicule. Il consulta sa montre et la régla. Il s’installa confortablement sur son siège. Quatre heures de repos, ce serait largement suffisant. Il s’assoupit rapidement.

Bucarest

Andreï Malewski gara sa voiture à une cinquantaine de mètres de la Mercedes. Suivant les conseils de l’américain, il s’était accroché aux basques de Malev. Celui-ci n’avait pas mis longtemps pour remplacer Tomcek et avait passé la journée à faire le « tour des popotes » pour se montrer, des adresses que l’inspecteur avait soigneusement notées. Ce soir, la Mercedes avait pris la route et s’était dirigée vers un immense bâtiment, construit en pleine forêt, à une vingtaine de kilomètres de Bucarest. La voiture s’arrêta devant le portail électrique et s’engouffra dans la cour. Pendant que la lourde porte se refermait, Malewski repéra les caméras de vidéo- surveillance. Il connaissait ce bâtiment. C’était une ancienne caserne soviétique où le K.G.B. formait les agents de la Securitatea, la police politique de Ceausescu. L’inspecteur pensa à son père. Un frisson lui parcouru le dos. Il se reconcentra sur son travail. En observant un peu mieux le bâtiment, il aperçut des gardes. Il nota soigneusement ses observations et sourit, satisfait. Depuis l’avènement de Tomcek, la police avait cherché, en vain, l’endroit où il cachait ses filles pour les « dresser ». Le proxénète était un malin. Il avait créé des leurres, faisant croire aux policiers que son repère se trouvait à Bucarest ou dans la région dont ses parents étaient originaires. A chaque fois, les policiers étaient tombés sur des coquilles vides ou des maisons closes. Malewski sourit. Lui, il avait trouvé. Il remercia Powells du conseil qu’il lui avait donné. Il remercia aussi Malev. Le truand, ivre de son nouveau pouvoir, avait commis une erreur et mené le policier là où il voulait aller. La chance... L’inspecteur pensa à Powells. Que faisait-il en ce moment ? Où était-il ? A Urzinec ? L’inspecteur était fasciné par l’américain, par son apparente décontraction qui cachait un esprit sans cesse sur le qui – vive, par son sang- froid et son audace. Malewski démarra. Tous feux éteints, il fit demi- tour et reprit la route de Bucarest. Il aurait pu lancer une attaque d’envergure contre l’ancienne caserne mais il préférait avoir l’avis de Powells…

Urzinec

Powells sortit de sa voiture et s’étira. Pendant son entrainement, à West Point, on lui avait appris à faire le vide dans son esprit pour s’endormir très vite et profondément. Ces quelques heures de sommeil lui avait fait du bien. Il avala deux ou trois barres vitaminées et se prépara longuement. Il fit plusieurs aller- retours entre la voiture et le poste d’observation qu’il avait choisi. Lorsque le soleil se leva, il était prêt. Il ne manquait plus que les adversaires. Parce que, pour lui, le combat se résumait à cela : De longues heures de traque et d’attente pour quelques instants de furia intense. Pour s’occuper l’esprit, il songea à cet appartement qu’il venait d’acheter à Manhattan, aux travaux qu’il comptait y faire. Il avait pu se le payer avec son salaire d’officier et les primes rondelettes qui accompagnaient chaque mission. Un grand appartement qui, hélas, ne résonnerait que de ses pas. Il était seul. Ses parents étaient morts comme la seule femme qu’il n’ait jamais aimée, décapitée par des islamistes en plein désert malien. D’ailleurs, qui aurait voulu de lui, qui partait du jour au lendemain sans être sûr de revenir et ne pouvait même pas expliquer pourquoi il s’en allait. Lorsqu’il avait rencontré cette journaliste, il avait demandé à être retiré du service actif. Un service qu’il avait repris pour la venger et pour l’oublier.

Un bruit de moteur. Deux voitures arrivaient devant le hangar et se garèrent soigneusement, prêtes à repartir. Toujours la discipline quasi militaire des néonazis. Trois autres véhicules vinrent se ranger devant le bâtiment. Powells compta les occupants. Pour finir deux minibus firent leur entrée sur l’esplanade, sûrement le groupe de renfort qui arrivait de Bucarest. Ils se garèrent devant les portes. L’américain eut un sourire. Malgré leur organisation, ces types étaient des idiots et lui facilitaient la tâche. Il prit une profonde inspiration. La guerre venait de commencer. Depuis sa visite nocturne dans le hangar, Powells avait pris sa décision. Il n’y aurait pas de survivant. Sur l’esplanade, la discussion s’était engagée. Les derniers arrivés sortirent des armes puis tout le monde entra dans l’entrepôt. L’américain attendit quelques minutes. Il prit son fusil. Dans sa mire, il ajusta le réservoir d’un des minibus. La balle explosive arriva avant le bruit de la détonation. Le véhicule s’embrasa immédiatement. Une deuxième balle fit subir le même sort à l’autre minibus. Les deux véhicules en feu empêchaient désormais toute sortie. Il était temps de lancer la seconde phase. Powells saisit une télécommande et appuya sur un bouton.

Dans le bâtiment, après quelques secondes d’incrédulité, quelques néonazis se précipitèrent vers les armoires remplies d’armes. Ils n’eurent même pas le temps de les ouvrir. Le cycle infernal était enclenché. Une première explosion propulsa une armoire à travers le bâtiment. Les deux hommes qui se trouvaient sur son passage furent écrasés. Durant la nuit, Powells avait disséminé des charges partout. La seconde explosion fit sauter les fûts d’huile et d’essence et embrasa le hangar. La séquence programmée par l’américain s’enchaina. La dernière charge s’alluma dans l’armoire contenant les explosifs. Le toit se souleva puis retomba dans un grand fracas de tôles et de poutrelles d’acier, entrainant les murs avec lui. Powells sortit de sa cachette. Mitraillette à la hanche il descendit vers ce qui avait été le repère des néonazis. Devant l’amas de tôles sous lesquelles le feu brûlait encore il comprit vite que son attaque avait été d’une terrible efficacité et remonta vers sa voiture. Il attendit de longues minutes. Arc-bouté sur son volant, il chassa de son esprit ce qui venait de se passer et la quarantaine de jeunes vies qu’il venait d’arrêter. C’était la guerre. C’était son job. Ces hommes étaient des fanatiques. Eux aussi auraient tué et commis des exactions à un moment ou un autre, alors…Lorsqu’il pensa que tout ce qu’Urzinec comptait de pompiers et de policiers était sur place, Powells démarra. Il était temps de rentrer mais il avait une dernière chose à faire.

Le patriarche prenait le soleil devant son bungalow. Il plissa les yeux en voyant arriver le jeune américain.

- Beau travail hier soir.

- Ce n’était que l’ébauche. Je viens de le terminer.

- Comment ça ?

- Vous en entendrez sûrement parler. Ce que je peux vous dire, c’est que vous êtes tranquilles pour un petit moment.

- Je te remercie.

- Mon travail n’est pas achevé. Je vais repartir. Je dois en finir avec ces fous et surtout avec celui qui les dirige.

Le regard du vieil homme s’assombrit.

- Tu crois que tu retrouveras ma petite-fille ?

- Je vais faire tout mon possible.

- Je sais. Que Dieu te garde.

Dieu n’avait pas grand-chose à voir là-dedans, Powells le savait bien. Il salua le vieil homme et reprit la route.

Bucarest

L’homme raccrocha le téléphone et frappa rageusement du poing sur son bureau. Un de ses informateurs venait de l’avertir de ce qui s’était passé à Urzinec. Il lui avait parlé d’un type, un tireur d’élite qui, la veille, avait défié, seul, le groupe local. Il était sûrement le ou un des responsables du massacre. Les roms avaient donc trouvé un moyen de se défendre. Il faudrait se venger, les éradiquer. Il avait prévu ça dans ses plans démoniaques. Mais, dans l’immédiat, il fallait retrouver cet inconnu et l’éliminer. L’homme prit son veston et sortit. Il marcha longuement, vérifiant sans cesse s’il était suivi. Dans une boutique, il acheta un de ces téléphones à carte prépayée et passa plusieurs appels avant de de s’en débarrasser. Une heure plus tard, il s’engouffra dans la cour d’un vieil immeuble, grimpa dans les étages et frappa à une porte du cinquième. On vint lui ouvrir.

- Entrez. Les autres ne sont pas encore là.

L’homme s’engouffra dans l’appartement. Un à un, ceux qu’il avait convoqués arrivèrent. Ils étaient six autour du Loup. Ceux qui, dans l’ombre, utilisaient Nova Dreapta pour leurs desseins. Ceux dont l’ambition était d’instaurer en Roumanie et en Europe un régime à côté duquel le national- socialisme d’Hitler et la dictature communiste de Ceaucescu seraient passés pour des démocraties. L’Europe, dont ils avaient la haine, contrariait leurs plans autant qu’elle les servait. Ces plans étaient simples : Créer dans toute la zone Europe un climat d’insécurité et une instabilité économique ce qui aurait pour effets le repli sur soi du vieux continent et la montée des nationalismes qui se manifestait déjà en France, en Allemagne, en Autriche et en Hongrie. Il faudrait alors fédérer tous les partis d’extrême droite et favoriser leur accession au pouvoir et les y maintenir, ensuite, par un contrôle strict de l’économie et des moyens d’informations. Les emplois seraient réservés aux européens de souche et les étrangers, réduits à la misère, partiraient d’eux- mêmes ou seraient expulsés. Quant à ceux, originaires du continent, qui avaient eu l’idée de se fédérer sous le nom de peuple rom, ils deviendraient, par le biais d’une astucieuse et intense propagande, les boucs-émissaires de l’opération, une verrue qu’il faudrait éliminer petit à petit. Le Loup avait son idée sur ce point. Il n’était pas question de recommencer ce qu’avaient fait Staline ou Hitler. Non. Sous prétexte de les sédentariser et de les intégrer, on offrirait aux roms des quartiers où ils pourraient vivre entre eux, on les laisserait même se mêler au reste de la population, avoir un travail. Mais, petit à petit, des groupes comme ceux soutenus par Nova Dreapta mèneraient des actions de saccages et de meurtres dans les quartiers roms. Des groupes qui, bien sûr, ne seraient jamais identifiés par la police…

Voilà ce que projetaient ces hommes, réunis autour de leur chef. La discussion s’engagea.

- Messieurs, je suis très inquiet de ce qui se passe depuis quelques jours. D’abord, il y a eu l’assassinat de notre ami Tomcek et maintenant, ce massacre à Urzinec. Je vous rappelle que, dans cinq jours, nous avons une rencontre importante avec les russes.

- Tomcek a peut-être été abattu par un concurrent dans ces affaires, ou par quelqu’un de chez nous.

- Tomcek était peut-être une ordure mais il était correct. Son implication dans notre projet était sans tâche. Je n’ai donné aucun ordre le concernant et, si quelqu’un avait pris l’initiative pour prendre sa place, nous le saurions déjà.

- Qui alors ? Les russes ?

- La mafia n’emploie pas ces méthodes. Général, vous vouliez dire quelque chose ?

- Oui. Je pense que Tomcek a été abattu par un tireur d’élite et qu’on voulait nous faire passer un message.

- Lequel, selon vous ?

- Que nous n’étions pas à l’abri. Je pense que quelqu’un est en route pour nous éliminer.

- Bah ! Personne ne connait nos activités. Officiellement, nous avons tous un métier, nous menons des vies ordinaires et bien rangées. Pavel était le seul à fricoter avec le banditisme. Je suis persuadé qu’on la descendu pour s’approprier son empire de proxénète.

- Et moi, je ne le crois pas.

Le Loup se tourna ostensiblement vers son voisin et le regarda droit dans les yeux.

- Expliquez-vous, Général.

- La mort de Tomcek pourrait passer pour un simple assassinat mais, ce qui s’est passé à Urzinec est beaucoup plus inquiétant. J’ai vu des photos du lieu du massacre de ce matin. Je peux vous assurer que celui qui a fait ça avait minutieusement préparé son coup. Nos hommes sont tombés dans un piège infernal.

- Celui ? Vous pensez qu’il était seul ?

- Oui, c’est tout à fait possible. Dans son rapport d’hier soir, le responsable local parlait d’un excellent tireur qui avait affirmé agir seul.

- Et vous en déduisez ?

- Que quelqu’un est venu de l’extérieur, sur ordre, pour nous éliminer. Je pense qu’une organisation étrangère a découvert notre existence et veut nous arrêter.

- Les russes ne feraient jamais ça ! Nous sommes leur point d’entrée en Europe et, en nous finançant, ils blanchissent une grande partie de leur argent sale. Et vous connaissez comme moi les liens qui unissent la mafia et le pouvoir en Russie.

- Je ne pensais pas vraiment aux russes, Professeur.

- A qui alors ?

- Aux américains. Reconnaissez que nos projets ont largement de quoi les inquiéter.

- Russe ou américain, je m’en moque. Il faut capturer cet homme, le faire parler et l’éliminer. Vous avez cinq jours, Général, pas un de plus.

- Je vais activer tous les réseaux. Mais…

- Mais quoi ?

- Ce type est sûrement hyper entrainé, formé à toutes les formes de guerre…

- Combien avez-vous d’hommes, Général ? Plus d’un millier. Alors faites votre travail.

- Bien. Je vais y aller tout de suite. Messieurs.

Le général quitta l’appartement.

- Bien. Parlons maintenant de notre rencontre avec les russes. Il faudra leur présenter Malev puisque c’est lui qui succède à Tomcek. Sommes-nous sûrs de lui, Professeur ?

- J’ai personnellement suivi Malev. Il était le bras droit de son patron depuis cinq ans. Il est intègre, moins violent et colérique que Tomcek, nous n’aurons aucun problème avec lui.

- Je l’espère. Il faudra que je le rencontre avant la réunion avec les russes. Demain soir ?

- Je vais arranger ça.

La réunion se prolongea encore plusieurs heures. Le loup resta seul avec le propriétaire des lieux.

- Tu vas bien ?

- Oui. Tout ça est alarmant mais nous avons connu pire, il y a quelques années.

- C’est vrai. Et la Securitatea ne nous a jamais eus. Tu veux rester ici ce soir ?

- Non. Il nous faut continuer à vivre normalement pour ne pas éveiller les soupçons. Par contre, j’irai au meeting de Nova Dreapta, après-demain. Assure-toi de ma sécurité. Je te ferai passer une déclaration qui devra être lue pendant le meeting.

Le Loup s’en alla. Il rentra chez lui à pied, empruntant les rues suivant son humeur, fidèle à son habitude de brouiller les pistes. Pour la première fois depuis des années, il était inquiet. Le général avait raison. Quelque part, un type était en marche pour détruire son organisation et l’éliminer. Mais il ne laisserait pas faire. Le Loup allait montrer les dents.

Powells rangea sa voiture derrière la maison. Il prit une longue douche. Tout en se séchant, il composa un numéro sur son téléphone. Il y eut des bruits bizarres, un déclic puis la voix enrouée d’Oncle Sam.

- Bonjour Steve. Je croyais que tu devais t’absenter plusieurs jours.

- La fête a été plus courte que prévue. Je suis rentré.

- J’espère que tu t’es bien amusé.

- Il y a eu un joli feu d’artifices, à la fin. Mais tous les invités sont partis pendant le bouquet final.

- Ah ? Ils étaient nombreux ?

- Une petite quarantaine.

- Je vois.

- Par contre, j’ai rencontré des gens charmants et je vais avoir beaucoup de choses à raconter à mon ami. Vous allez bien, Oncle Sam ?

- Juste un rhume. Ma secrétaire a pris les choses en main.

- Votre secrétaire ? Mais…

- Je dois te laisser. C’est l’heure de mon médicament. Sois prudent et envoie mon bonjour à ton ami.

- Ce sera fait. Soignez-vous bien !

Powells raccrocha. Il éclata de rire. Oncle Sam était décidément incorrigible. L’américain composa un autre numéro.

- Oui. Malewski.

- Bonjour Andreï. C’est Steve.

- Bonjour. Déjà rentré ?

- Ce fut court. Mais vous avez sûrement des échos de mon passage à Urzinec.

- Des échos ? Vous voulez dire un coup de tonnerre ! On ne parle que de ça dans le commissariat. Vous n’avez pas fait semblant.

- On ne fait jamais semblant à la guerre, Andreï. J’espère juste que ce sera suffisant.

- Moi aussi. J’ai entendu parler de trente- huit morts.

- C’est le chiffre exact.

- Hum ! J’ai suivi vos conseils et j’ai avancé dans mon enquête.

- J’ai, moi aussi, des choses à vous dire. Mais il faut que je me repose. Nous nous verrons plus tard.

- D’accord. Où et quand ?

- Ce soir, à 18 h. Un vieil homme sera accoudé au parapet du pont qui enjambe la Dâmboviţa sur le boulevard Mãrsesti.

- Je serai là. A ce soir.

- A ce soir.

Powells consulta sa montre, régla le réveil. Allongé sur son lit, il s’endormit profondément.

Revenu à son bureau, le général avait lancé la chasse. Un informateur d’Urzinec lui avait donné la description d’un homme qui, la veille, avait rendu visite aux roms. Ses hommes circulaient partout en ville, et, dans les cafés où se réunissaient les groupes d’action, certains se fondaient dans la clientèle pour observer les salles. Si le salopard qui avait commis le massacre montrait le bout de son nez, il serait repéré et mis hors d’état de nuire.

La circulation était encore assez dense sur le boulevard. L’inspecteur Malewski s’approcha de l’homme qui, accoudé au parapet, observait les bateaux sur la Dâmboviţa. Le déguisement était parfait, sidérant.

- Bonsoir.

-Bonsoir Andreï. Content de vous revoir.

- Moi aussi. Vous avez récupéré ?

- Oui. Quelques heures de sommeil ont suffi. Alors ?

- En suivant Malev, je crois avoir trouvé l’endroit où sont « éduquées » les filles mais, j’aimerais en être sûr.

- Et vous comptez sur moi pour vous en assurer.

Le regard de l’inspecteur se perdit dans le vide.

- Oui. Mais…

- Je vous ai dit que je vous aiderai. C’est où ?

- A une vingtaine de kilomètres de Bucarest, une ancienne caserne soviétique.

- Ca pourrait coller avec le business que Tomcek entretenait avec les russes. Venez avec moi. Marchons comme si nous étions deux vielles connaissances.

L’américain conduisit Malewski jusque dans une petite rue. Ils montèrent dans une voiture.

- Où allons-nous ?

- D’abord dans mon repère. Ensuite, nous irons jeter un coup d’œil à cette caserne.

Powells démarra.

- Vous m’avez dit que vous aviez des informations.

- J’ai appris que Tomcek faisait enlever des filles dans les quartiers roms. Les groupes néonazis s’en chargeaient lors de leurs expéditions.

- Quel salopard ! Quand je pense qu’on jouait ensembles quand on était gamins.

- C’est du commerce de truands, Andreï. Du troc. Je te permets d’avoir du fric pour ton parti, toi, tu me fournis en filles. C’est aussi simple et cruel que ça. Nous voilà chez moi. Nous allons prendre un peu de matériel et puis nous irons faire un tour en forêt.

- Vous m’emmenez avec vous ?

- C’est une simple reconnaissance. Nous allons juste nous assurer qu’il s’agit du bon endroit et visiter un peu les lieux.

- Et après ?

- Après, je devrai vous tuer, parce que vous savez où je me planque.

Malewski le regarda, médusé.

- Je plaisante, Andreï ! Tenez, mettez ça.

Les deux hommes enfilèrent des combinaisons noires, s’équipèrent puis prirent la direction de la forêt. Ils laissèrent la voiture à quelques centaines de mètres de la caserne et marchèrent à travers les bois.

- Il y a des caméras de surveillance au- dessus du portail d’entrée et des hommes armés surveillent depuis les fenêtres.

- Quand j’entre quelque part sans y être invité, je ne passe jamais par l’entrée principale. Venez.

Les deux hommes contournèrent le bâtiment. Powells finit par trouver ce qu’il cherchait, une ouverture, mal protégée. Il força le vasistas et éclaira brièvement l’intérieur du bâtiment.

- Entrons !

Les deux hommes se glissèrent dans la caserne. Ils traversèrent plusieurs pièces. L’aile dans laquelle ils se trouvaient semblait inoccupée. Powells ouvrit une porte qui donnait sur la cour, plongée dans le noir.

- Evitons de passer par là. Il y a peut-être des détecteurs de présence. Vous voyez cette partie du bâtiment, au fond de la cour ?

- Oui. C’est sûrement là qu’ils enferment les filles. Et là-bas, les fenêtres éclairées, c’est sûrement le quartier des salopards chargés de les surveiller et de…

- C’est un plaisir de bosser avec vous, Andreï. Continuons.

Ils parcoururent un long couloir puis montèrent dans les étages. Powells indiqua les fenêtres.

- A partir de maintenant, plus de lampe. Mettez vos lunettes.

Powells laissa le policier s’habituer à la vision nocturne et les deux hommes reprirent leur visite. Ils finirent par arriver dans une grande salle.

- Et merde ! Vous avez vu Powells ?

- Oui. Cette caserne sert aussi à Nova Dreapta. Ils ont besoin de lieux symboliques pour se retrouver. Ca permet aussi à ceux qui les dirigent de… Planquez-vous !

Les lumières de la cour venaient de s’allumer. Plaqués au mur, Powells et Malewski virent quatre hommes se diriger vers le fond du bâtiment puis revenir, quelques instants plus tard, avec deux filles.

- Les enfoirés !

- Venez. Nous avons vu ce que nous voulions voir et il est trop tard pour monter une opération.

Quelques minutes plus tard, ils furent de retour à leur voiture.

- Merci Powells. Maintenant, je suis sûr.

- Je vous donnerai un coup de main pour la caserne. Mais il me reste à débusquer le Loup.

- NOUS reste. Je marche avec vous si vous le voulez bien.

- Ok. Vous m’aider à le trouver. Je me charge de la suite.

- Il y a un meeting de Nova Dreapta demain. Nous pourrions y aller.

- Vous croyez qu’il va se montrer ?

- Avec le bazar que vous avez fichu, ce n’est pas impossible.

- Vous avez peut-être raison.

Powells déposa Malewski dans le centre de Bucarest et rentra chez lui. Il appela Oncle Sam.

- Steve. J’allais t’appeler.

- Ah ?

- Tu n’y es pas allé de main morte ce matin, dis-moi. Apparemment, ton numéro n’a pas plu à tout le monde. Il y a beaucoup de gens qui veulent te rencontrer et, tu t’en doutes, ce n’est pas pour te féliciter.

- On ne peut pas plaire à tout le monde. Je vais me méfier.

- Tu as récupéré ?

- Oui. Et j’ai passé une belle soirée avec mon ami. Nous avons vu des choses très intéressantes. Je crois que je donnerai bientôt une autre représentation.

- Et ?

-Je vais à une soirée demain avec mon ami. J’y rencontrerai peut-être des gens...

- D’accord. Fais gaffe à tes fesses. Bonsoir

- Bonsoir. Au fait, Oncle Sam…

- Oui ?

- Votre gorge va mieux ?

- Tu es un sale garnement, Steve !

Powells raccrocha, hilare. Il passa un long moment assis sur son lit. Comme ça, son petit spectacle n’avait pas plu aux néonazis. Le prochain allait être carrément indigeste…

Le loup avait passé la nuit à rédiger son discours, écrivant rageusement des mots remplis de haine. En fin de matinée, il quitta son bureau et se rendit à la librairie. La boutique était vide. Il remit des feuilles à l’employé.

- Il y a un exemplaire à remettre à qui vous savez. Le discours devra être lu ce soir. L’autre exemplaire doit être envoyé à nos amis hongrois du Jobbik. Le plus vite possible.

- Ce sera fait. Sale coup ce qui s’est passé à Urzinec.

- Ne vous préoccupez pas de ça.

Le loup sortit de la boutique et se rendit dans le parc, au bord du lac Cismigiu. Il s’assit sur un banc. Un homme le rejoignit au bout de quelques minutes.

- Ca va ?

- Je suis sur les nerfs mais je vais gérer. Après tout, nous avons connu pire quand la Securitatea nous courrait après.

- Tout est prêt pour ce soir. Tu seras en sécurité.

- Tu as eu des nouvelles du général ?

- Rien de nouveau pour le moment. Il a mis tous ses hommes sur le coup.

- Rentre chez toi. On se verra ce soir.

Le loup se leva et décida de rentrer chez lui.

L’inspecteur Malewski attendait dans sa voiture. Où pouvait donc être ce diable de Powells ? Qu’allait-il encore inventer ? La porte côté passager s’ouvrit et l’américain s’engouffra dans le véhicule.

- Powells ! J’ai failli attendre.

- Un léger contretemps. J’attendais que ceci soit terminé.

L’inspecteur regarda stupéfait le document que l’américain brandissait sous son nez.

- Vous vous êtes fait une fausse carte de police ? Vous êtes gonflé, Steve ! Sacrément gonflé !

- C’est la meilleure couverture que j’ai trouvée pour entrer là-dedans sans problème. A partir de maintenant, je suis l’inspecteur Dimitri Vlacek, votre collègue.

- Vous savez qu’on vous cherche ? Il y aura des types qui ne feront que ça dans la soirée.

- Personne n’a encore vu mon vrai visage, à part vous. Et s’ils cherchent le type qui était à Urzinec, ils vont courir longtemps. Prenez ceci.

- Mais ? J’ai déjà un téléphone portable.

- Ceux-là ont des cartes prépayées. Personne ne pourra remonter jusqu’à nous. Nous les utiliserons pour communiquer pendant le meeting. Après, je les détruirai.

- Toujours prudent, à ce que je vois.

- C’est pour ça que je suis encore en vie, Andreï. Allons-y.

Les deux hommes se présentèrent à l’entrée de la salle et montrèrent leurs cartes aux vigiles.

- Bien. Vous prenez le côté droit, Andreï.

- Ok.

- Si vous remarquez quoi que ce soit de bizarre, vous me le signalez par SMS.

- Ca marche Ste… Dimitri.

- A plus tard.

La salle se remplissait. Powells nota la présence des quelques jeunes hommes aux crânes rasés qui patrouillaient, observant avec attention tout ceux qui entraient. Il eut un sourire mauvais. Deux de ces hommes s’approchèrent de lui. Il leur montra sa carte de police. Après avoir jeté un coup d’œil sur la salle, il remonta vers l’entrée, observant les nouveaux arrivants. Ses sens se mirent en alerte quand l’homme entra dans la salle. La soixantaine, présentant bien, il aurait presque pu passer incognito. Mais, dès son arrivée, quatre hommes qui, jusque- là, discutaient tranquillement se mirent derrière lui. Ils semblaient sur le qui-vive. Powells observa la salle. D’autres hommes ne quittaient pas le petit groupe des yeux. L’homme vint s’asseoir. Les autres s’installèrent à quelques sièges de lui. Powells sortit son téléphone.

« L’homme en manteau marron, 4ème rangée en partant de l’estrade. Vous le connaissez ? »

« Non »

« J’ai pris une photo. Vous l’aurez plus tard »

« Ok. Attention aux crânes rasés »

Les intervenants s’installèrent à la tribune. Malev était parmi eux. Il fût le second à s’exprimer. Il rendit un vibrant hommage à Tomcek, son prédécesseur, parla de sa façon de travailler et se montra rassurant. Nova Dreapta continuerait à toucher des fonds. Les orateurs se succédèrent. L’un d’eux se lança dans un discours très virulent. Un discours dans lequel il mit en garde tous ceux qui voudraient s’opposer au parti. Powells ne quittait pas des yeux l’homme en manteau marron. Ce dernier savourait chaque mot du discours. Mieux, il semblait déjà le connaitre. L’instinct de chasseur de l’américain lui disait qu’il tenait sa proie. Restait à en avoir la certitude. Le meeting se termina. Powells sortit en même temps que l’homme, toujours suivi de près par les quatre autres. Malewski sortit à son tour.

- Alors ? Vous pensez que c’est lui.

- Oui. Prenez mon téléphone. Récupérez la photo et détruisez-le, ainsi que le vôtre. Trouvez qui est ce type. Je vais le suivre.

L’homme en manteau marron discuta un moment sur le trottoir puis il partit, à pied. Powells lui emboita discrètement le pas.

Le loup marchait, passant d’une rue à l’autre, comme à son habitude. Il était satisfait. Son discours avait fait mouche. Quelque chose pourtant le dérangeait. Il sentait une présence. Quelqu’un le suivait. Il entra dans un immeuble. Powells passa prudemment la porte quelques secondes plus tard. Il observa la cour. Pas une lumière aux fenêtres. L’américain aperçut la porte entr’ouverte. Il se précipita. La rue sur laquelle donnait la porte était vide. Powells serra les poings. Il s’était fait berner. L’autre l’avait senti. Le loup est un animal difficile à approcher, il aurait dû s’en souvenir. Il ne restait plus qu’à espérer que Malewski trouve rapidement l’identité de l’homme au manteau marron. Powells récupéra sa voiture et rentra. Il eut beaucoup de mal à s’endormir. Son sommeil fut agité. Il pensait à elle. Dans son cauchemar, il imaginait sa peur face aux islamistes, ce qu’ils lui avaient fait subir avant de la décapiter. Ils avaient tous payé. Powells entendait une sonnerie, lointaine. Il se réveilla. Son téléphone sonnait.

- Oui Andreï !

- Je vous réveille ?

- Presque. Vous avez du nouveau ?

- Oui. Je sais qui est notre homme. Il me semblait l’avoir déjà vu. Alors, hier soir, après votre départ, je suis repassé au bureau et j’ai fouillé un peu dans les archives.

- Qui est-ce ?

- Vaclav Madrianu. Il est professeur de sciences politiques à l’université.

- Tiens donc !

- La Securitatea l’avait fiché il y a quelques années pour ses idées d’extrême droite. Ils n’ont jamais rien pu prouver malgré la surveillance étroite dont lui et son frère étaient l’objet.

- Il a réussi à me semer hier soir. C’est un malin. Faites surveiller le frère.

- D’accord. Je vous envoie l’adresse de Vaclav par SMS. Qu’allez-vous faire ?

- Je ne sais pas encore. Bonne fin de journée, Andreï. Merci pour votre aide.

Powells composa un numéro.

- Bonjour Steve.

- Bonjour Oncle Sam. Ca y est ! Je sais qui il est. Mon ami m’a énormément aidé. J’espère qu’il sera récompensé.

- Je vais faire le nécessaire. Que vas-tu faire maintenant ?

- Je vais retourner à l’université. Juste pour quelques heures. Je vais vous envoyer ce que je sais de notre animal. Il est rusé mais il ne sait pas à quel chasseur il se frotte.

- Au meilleur. Sois prudent.

Powells raccrocha. Il fit des étirements, de la musculation. Sa mauvaise nuit l’avait laissé courbaturé. Tout en préparant son matériel, il mit au point sa tactique. A la nuit tombée, une silhouette noire se glissa dans le parc de l’université. Powells repéra le bâtiment administratif et monta jusqu’à l’étage où se trouvaient les bureaux des professeurs. Il avait longuement réfléchi. Si, pendant la dictature communiste, Madrianu avait dû se cacher aujourd’hui, il devait sûrement travailler depuis son bureau. Powells crocheta la serrure et entra dans la pièce. Il y passa un long moment, fouillant minutieusement tous les meubles, toutes les étagères. Rien. Il s’assit sur le fauteuil du professeur et avisa le bloc- notes posé sur le bureau. A la lueur de sa lampe, il repéra des marques sur la première page. Il la détacha et l’observa à contre-jour. Les mots qui apparurent étaient ceux du discours de la veille. Les tiroirs du bureau étaient fermés à clef. Powells les crocheta. Dans celui du haut, à droite, il trouva un révolver puis, dans d’autres tiroirs, des documents, des discours. Madrianu était bien celui qu’il cherchait. Il ouvrit son sac et s’agenouilla près du fauteuil.

Le loup raccrocha le téléphone et rangea son bureau. Sa secrétaire venait de l’avertir qu’un visiteur montait le voir. On frappa.

- Entrez !

- Bonjour professeur Madrianu.

- Bonjour. Asseyez-vous. A qui ai-je l’honneur ?

- Je suis celui que vos hommes cherchent depuis deux jours.

Le loup se recula.

- Vous serez mort avant d’avoir pu poser la main sur ce tiroir, Professeur.

- Soit. Qu’est- ce que vous voulez ? Me tuer ?

- Ce sera pour plus tard. Je voulais juste que vous sachiez qui je suis. C’est fait.

Powells se leva et recula vers la porte. Au moment où il allait la franchir, Madrianu ouvrit son tiroir et sortit son révolver. Aucun coup ne partit.

- Vous n’êtes pas raisonnable, Professeur.

L’américain referma la porte. Dans le bureau, Le loup s’enfonça dans son fauteuil, pris d’une crise de rage et de panique mélangées. Ce type était venu le narguer jusque dans son bureau ! Powells descendit dans la cour et observa les fenêtres. Il appuya sur le bouton d’une télécommande. Dissimulée sous l’assise du fauteuil, la charge de Semtex explosa, pulvérisant son occupant. La fenêtre du bureau vola en éclats. L’américain profita de la panique pour s’éclipser. Il arrivait dans sa maison quand son téléphone sonna.

- Salut Steve. C’est vous qui avez mis ce bordel à l’université ?

- Les nouvelles vont vite. J’ai juste rendu une petite visite de courtoisie à Madrianu.

- La rencontre a été explosive, à ce que je sais. J’ai deux nouvelles. La mauvaise, c’est que le frangin du professeur nous a repérés et filé entre les doigts.

- Et la bonne ?

- Nous avons arrêté un des hommes de Malev. Il a parlé. Il y a un gros truc qui se prépare à la caserne, une rencontre.

- Il est temps que nous retournions là-bas. Je ne serais pas surpris d’y retrouver le frère Madrianu. Prévenez vos hommes.

- Je vais alerter la section spéciale. On se retrouve là-bas ?

- Dans la forêt, là où nous sommes arrêtés l’autre jour. 17 heures. Soyez discrets.

- Ca marche.

Powells était déjà en place lorsque les policiers arrivèrent. Malewski et le chef de la section spéciale le rejoignirent.

- Bien. Je vais entrer dans la caserne. A la première explosion, vous foncez. Dites à vos hommes de ne pas trop tirer sur l’aile au fond du bâtiment.

- Soyez prudent, Steve. Il parait que de nombreux néonazis ont été amenés ici, en renfort.

- Ok. Si dans deux heures, rien n’a bougé, vous attaquez.

La nuit tombait. Powells se faufila jusqu’au vasistas et pénétra dans la caserne. Il se glissa jusqu’à la porte donnant sur la cour. Des minibus étaient alignés et des hommes, le crâne rasé et armés patrouillaient dans l’enceinte. L’américain en compta une dizaine. D’autres, dissimulés derrière des fûts, surveillaient l’entrée. Powells remonta le bâtiment, marchant prudemment dans le couloir qui longeait la cour, son révolver bien main. Deux hommes sortirent d’une pièce. Deux bruits sourds. Deux balles. Les hommes s’écroulèrent. Powells dissimula les corps et reprit sa progression. Il ouvrit une porte donnant sur la cour. Les deux groupes qui surveillaient l’entrée étaient à portée. L’américain lança deux grenades et se dissimula dans un recoin. Les deux grenades explosèrent, pulvérisant quelques corps. Les hommes présents dans la cour se mirent à tirer. Dans le bâtiment, ce fut le branle-bas. Au bruit de la fusillade, Powells comprit que les policiers étaient passés à l’action. Il prit un escalier et se rendit dans les étages. Deux hommes étaient postés à l’entrée de la grande salle. Il les abattit et entra dans la pièce. Six hommes étaient là. Le général tenta de sortir son pistolet. Powells lui logea une balle entre les deux yeux et sortit une grenade.

- Allons, Messieurs. Du calme. Ces engins sont particulièrement dangereux.

- Salopard ! C’est vous qui avait assassiné mon frère !

- C’est bien possible Monsieur Madrianu. Et je vous tuerais si vous ne faites pas ce que je vous dis.

- Vous êtes fou. Vous savez qui nous sommes ?

-Oui. Vous êtes des dangers pour la démocratie et pour l’espèce humaine. Mais, heureusement, votre carrière politique s’arrête là.

- Qu’allez-vous faire ?

- Rien. Par contre, vous cinq, vous allez gentiment descendre dans la cour et rejoindre les policiers. Le premier qui fait un geste de travers connaitra le sort de ce brave général, compris ?

Mains sur la tête, les cinq hommes se mirent en marche. Dans la cour, la fusillade se calmait. Powells conduisit ses cinq prisonniers jusqu’aux policiers puis rejoignit Malewski. Celui-ci se trouvait avec les filles.

- Steve ! Nous en avons presque terminé avec ces salopards. Il y en a deux ou trois qui ont réussi à se sauver mais ils n’iront pas bien loin. Nous avons eu quelques blessés mais ça ira. Et vous, ça va ?

- Oui. C’était un bon exercice.

Powells observait le groupe de jeunes femmes. Malgré les paroles rassurantes des policiers, elles étaient terrorisées.

- Lesquelles d’entre vous sont d’Urzinec ?

Une jeune fille leva timidement la main.

- Moi !

- Vous n’étiez pas deux ?

La jeune fille fondit en larmes.

- Mon amie a refusé de faire ce qu’ils voulaient. Ils l’ont battue à mort.

Powells s’approcha d’elle et la serra contre lui.

- Je veux rentrer chez moi. Je veux voir mes parents et mon grand-père.

- Je vous y emmènerai. Mais d’abord, vous allez à l’hôpital. Je viendrai vous chercher après-demain, je vous le promets.

La jeune fille se laissa emmener. Malewski s’approcha de Powells.

- Comment des hommes peuvent-ils infliger ça à leurs semblables ?

- Parce que, malgré toute notre soi-disant civilisation, nous sommes des bêtes sauvages, Andreï. Les pires qui puissent exister. Même nous deux n’échappons pas à la règle. Mais vous avez sûrement mieux à faire qu’écouter mes pensées sur l’humanité. Je vais vous laisser travailler. Dinons ensembles demain soir.

- Ca me va.

- Je passe vous chercher au commissariat. Vers 18 heures

- A demain.

Powells rentra dans sa maison, prit une longue douche et appela Oncle Sam.

- Steve ! Quelles nouvelles ?

- Tout va bien. La chasse au loup est terminée.

- Tu vas nous ramener un beau trophée.

- C’est-à-dire que…

- Toi aussi ! On n’a pas idée de chasser dans les universités.

Les deux hommes rirent de bon cœur.

- Quand rentres-tu ?

- Je me mettrai en route après- demain. J’ai une promesse à tenir.

- Elle est jolie cette promesse ?

- Oncle Sam ! Ce n’est pas du tout ce que vous croyez.

- Je me venge comme je peux.

Powells se gara devant le restaurant.

- Le meilleur restaurant de Budapest ! Vous me gâtez, Steve.

- Je crois que je vous dois bien ça.

Les deux hommes s’attablèrent. Ils parlèrent longuement, se racontant leurs vies.

- Ah, au fait. Mon supérieur m’a annoncé que j’allais monter en grade.

Powells décela l’éclair de malice dans les yeux de l’inspecteur.

- Non, Andreï. Je peux faire beaucoup de choses mais là, je vous assure que je n’y suis pour rien.

- Vraiment ?

- Vraiment.

Le repas se termina. L’américain raccompagna l’inspecteur chez lui.

- Quand repartez-vous ?

- Demain. Mon avion décolle à 22 heures. Mais avant, j’ai une chose importante à faire.

- Je vois. En tout cas, si l’envie vous prends de venir faire un peu de tourisme dans notre pays, vous saurez où me joindre.

- Ce sera avec plaisir, Andreï.

Powells se présenta à l’hôpital le lendemain matin. Accompagné de la jeune fille, il prit la route d’Urzinec.

- Comment vous appelez-vous ?

- Marina. Et vous ?

- Steve. Je suis américain.

Il jeta un coup d’œil vers elle. Elle semblait nerveuse et inquiète.

- Qu’est-ce qui ne va pas Marina ?

- Je me demande ce qu’ils vont penser de moi quand ils vont savoir…

- Ils n’ont pas à vous juger et ils ne le feront pas. J’ai fait la connaissance de votre grand-père et de votre oncle, ce sont des hommes droits et respectueux. Ils vous aiment et ils comprendront.

Powells s’arrêta à l’entrée du camp. Le patriarche observait les hommes qui réparaient une voiture. Les regards se tournèrent vers les arrivants.

- Au revoir Marina.

- Vous ne venez pas avec moi ?

- Non. Allez ! Filez rejoindre votre famille.

La jeune fille l’embrassa puis courut se jeter dans les bras de son grand-père. Le vieil homme leva la main et salua l’américain.

Powells remonta dans sa voiture et repartit vers Bucarest. Sa mission était terminée.

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #NOUVELLES

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D
Plus long que tes autres petites histoires, mais toute aussi prenante, super François, nous sommes pris avec tes personnages et avançons tout au long de ce récit, Alors je te laisse moi aussi et au volant de ma petite voiture je fonce à Bucarest....
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P
De la belle et énergique écriture… Un univers qui m'est bien éloigné mais tu dis si bien tout de près ou de loin que je sors de ma lecture comme si je venais de quitter mon quartier, et mes voisins… Je ne sais si lorsque tu écris tu ais appel à ta mémoire ou si tu te sers de tonnes de documents, en tout cas un sacré boulot … jusqu'au nom des lieux… fictifs ou pas… mais ça n'est pas important de savoir si ils sont ou si ils sont fictifs, tant on crois en tout…<br /> <br /> Alors bonne nouvelle écriture !
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