LA VILLE ROSE SANG

Publié le 1 Juin 2015

Antoine Plantier se faufilait dans la circulation toulousaine, suivant les indications de David Maurel, son adjoint.

- Tu connais bien le coin, on dirait.

- Je suis né ici, aux Minimes. Tiens, tu vois, mes parents habitaient cet immeuble.

- Les Minimes et leurs briques rouges si chères à Nougaro…

- C’est exactement ça !

- Il ne reste plus beaucoup de petites maisons en briques dans le coin.

- Mais l’esprit de Nougaro est toujours là. Prends à gauche au prochain feu. Le boulevard Sémard est l’avenue qui longe le canal. Au fait, tu sais pourquoi on nous a appelés ?

- Pas vraiment. Mais le patron de la P.J. est un vieux copain. Tu le connais d’ailleurs. C’est Philippe, celui qui racontait toutes ces histoires drôles le jour de notre mariage.

- Ah ! Je vois. Mais je doute que celle qu’il va nous raconter aujourd’hui soit aussi amusante.

- J’en doute aussi.

Plantier gara la voiture sous les arbres qui bordaient le canal, juste en face du commissariat central. Un homme qui descendait d’une voiture de patrouille se précipita.

- Vous ne pouvez pas vous garer ici, Monsieur.

Plantier exhiba sa carte. L’homme se mit presque au garde –à- vous.

- Non seulement, je vais laisser ma voiture là mais, en plus, je vous charge de la surveiller. Ce serait sympa si je n’étais pas obligé de la récupérer à la fourrière.

- Personne n’y touchera Monsieur le divisionnaire !

- Nous venons voir le commissaire Tessier.

- La P.J. est au deuxième étage.

- Merci.

Les deux hommes entrèrent dans le bâtiment, se présentèrent au planton puis montèrent au deuxième étage.

- Bonjour Philippe.

- Bonjour Antoine. Et bonjour David. Vous avez fait vite.

- Cahors, tu sais, c’est pas le bout du monde. Bon, j’aimerais que tu nous expliques. A moins que tu aies juste eu envie de voir à quoi ressemblait un jeune marié.

- On a trouvé un cadavre ce matin.

- Les cadavres sont de votre ressort, il me semble. Nous ne traitons que les affaires spéciales.

- Et justement, c’en est une. Vous m’accompagnez à l’I.M.L. ? Le légiste nous en dira un peu plus.

- Allons-y.

Les trois hommes descendirent et prirent la voiture de Plantier.

- Vous avez les moyens aux affaires spéciales !

- Bah ! C’est juste une voiture de fonction.

- Tu veux voir la mienne ?

Ils traversèrent Toulouse puis montèrent jusqu’au C.H.U. de Rangueil. Dans le couloir, ils croisèrent une infirmière qui leur indiqua où se trouvait le légiste. Maurel resta un moment immobile.

- Bon, tu viens David ?

- J’arrive.

Les trois hommes suivirent un dédale de couloirs.

- Salut docteur. Je vous présente le commissaire Plantier et l’inspecteur Maurel, de la section des affaires spéciales.

- Enchanté Messieurs.

- Vous avez avancé ?

- Oui. Je sais comment notre homme est mort. On l’a émasculé. Il a succombé à l’hémorragie.

- Vous voulez dire que…

- Oui. Il était vivant quand on l’a amputé. J’en suis certain. Comme je suis certain qu’on ne l’a pas tué là où nous l’avons trouvé.

- Comment pouvez-vous en être sûr ?

- Voyez- vous, commissaire Plantier, il n’y avait aucune trace de sang sur ses vêtements et les hommes de la scientifique n’ont rien trouvé dans le container où le corps de ce pauvre homme a été déposé. Ce garçon a été assassiné ailleurs et celui qui l’a tué l’a sûrement regardé mourir avant de le nettoyer, de le rhabiller et de transporter son corps.

- On connait son identité ?

- Oui. Florent Rival. C’était un jeune avocat.

- Où l’avez-vous trouvé ?

- Dans un container, à l’entrée de la Prairie des Filtres.

Maurel agita son téléphone.

- Je vais dire aux gars de se pencher sur son dossier.

- Excellente idée, David. Il faut qu’on sache tout sur ce Rival. Docteur, avez-vous retrouvé ses parties génitales dans le container ?

- Oui… Dans sa bouche !

- Quoi ????

- Vous avez bien entendu, commissaire.

Plantier avala sa salive. Les trois hommes discutèrent un long moment puis les deux commissaires reprirent le dédale de couloirs.

- Qu’est-ce que tu en penses Antoine ?

- Soit nous avons affaire à un cocu très en colère, soit il s’agit d’un vrai tordu. Nous allons t’aider sur cette affaire, si tu veux bien.

- D’après toi, pourquoi je t’ai appelé ?

Ils rejoignirent Maurel. Celui-ci discutait avec l’infirmière qu’ils avaient croisée en arrivant.

- Bon. On reste en contact, Philippe. Nous allons à notre hôtel et je vais organiser le boulot de mon équipe. Envoie- leur les billes que tu as à cette adresse mail.

- Je vais faire le nécessaire. Où avez-vous votre hôtel ?

- A Lasbordes.

- Ok. Je vais me débrouiller pour rentrer au commissariat par le métro, vous n’aurez qu’à me laisser à la station de Ramonville. On dîne ensemble ce soir ?

- Pourquoi pas ?

Maurel les rejoignit.

- On pourrait aller « Chez Eugène ».

- Bonne idée ! 20 Heures ?

- Ca marche.

Ils montèrent en voiture et déposèrent Tessier à la station de métro.

- C’est une jolie femme.

- Qui ça ?

- L’infirmière. Ne fais pas l’innocent David.

- On peut rien te cacher à toi.

- Tu connais mon surnom : Œil de lynx !

- Ouais. Elle est très mignonne, c’est vrai. Et sympa, en plus !

- Bon, écoute. Je te laisse tes soirées mais tu gardes ton portable allumé, ok ?

- Ca me va, chef.

- Au fait, qu’est- ce qu’il a de particulier ce resto ?

- On y mange le meilleur cassoulet de Toulouse !

- Quoi ? Vous voulez manger du cassoulet ce soir ? Avec cette chaleur ?

- Ben alors ? Et puis, comme dit un de mes copains, comme ça, les draps te toucheront pas de la nuit.

- Très drôle.

Plantier passa un long moment au téléphone pour organiser le travail de son équipe. Il en avait choisi chacun des membres et les avait regroupés à Cahors. Une dizaine de flics, experts dans différents domaines et surtout hyper efficaces. Quant à David, son adjoint, il faisait tout son possible pour le faire monter en grade. Il appela ensuite Estelle, sa jeune épouse. A 20 heures, ils retrouvèrent Tessier sur la place saint Georges, devant le restaurant. Le repas fut gai. Les trois hommes discutèrent longuement. Maurel leur parla de sa ville et de son enfance, des matches de rugby dans le vieux stade des Sept Deniers et de ses études au lycée Déodat…

Le lendemain matin.

Maurel rejoignit Plantier dans la salle de restaurant de l’hôtel.

- Bien dormi David ?

- Salut. Oui, et toi ?

- Ca peut aller. J’ai ouvert la fenêtre en grand ce matin.

Ils se mirent à rire. Le téléphone de Plantier émit un bip.

- Oui Philippe.

- Salut Antoine. Désolé d’interrompre ton petit dèj. Vous pouvez me rejoindre sur les quais de la Daurade ? Je veux que tu voies ça.

- On arrive.

Plantier raccrocha.

- Tu finiras ton croissant en route, David. On décolle !

- Hmmm ! On va où

- Quai de la Daurade !

- Ok. Je vais te guider. Mais, à cette heure-ci, tu peux mettre le gyro et la sirène.

Plantier démarra en trombe. 20 minutes plus tard, il se gara dans la rue qui surplombait les quais. La rue était remplie de policiers. L’un deux leur indiqua l’endroit où se trouvait le corps. Les deux hommes descendirent au bord de la Garonne. Tessier les vit arriver.

- Ah ! Vous voilà. Venez voir !

- Tu as un nouveau cadavre ?

- Je vous préviens, c’est pas beau à voir.

Les trois hommes s’approchèrent du mur de briques.

- Oh putain !

- Je vous avais avertis.

L’homme était crucifié sur le mur. On avait planté des pitons dans ses mains et dans les joints de maçonnerie. Un piton était planté dans sa bouche et ses yeux avaient disparu. Le médecin légiste se retourna.

- Bonjour Messieurs.

- Alors Docteur ?

- Il était vivant quand on lui a arraché les yeux. Mais mort quand on l’a crucifié.

- Tiens ! C’est étrange.

- Pourquoi Antoine ?

- Cet homme est d’une corpulence moyenne mais crucifier son corps inerte n’a pas dû être facile. D’ailleurs, il n’est pas complètement debout.

- Vous avez raison commissaire. Je vais déterminer la cause exacte de sa mort. Je peux le faire emmener à l’I.M.L. ?

- Oui, bien sûr, docteur.

- Je vous donne des résultats le plus vite possible.

Les trois policiers s’éloignèrent du corps.

- Tu as son identité, Philippe ?

- Il avait ses papiers sur lui. Maurice Bertin. Il vivait pas loin d’ici. C’était un retraité de l’Aérospatiale.

Ils rejoignirent le commissariat. Maurel se chargea de l’équipe de Cahors puis rejoignit celle des enquêteurs toulousains. Puis il suivit Plantier dans le bureau de Tessier.

- Qu’est- ce que tu en penses, Antoine ?

- Si c’est le même tueur, nous avons affaire à un type qui a beaucoup de sang- froid. Il a déposé les corps dans des endroits où, même en pleine nuit, il pouvait être vu.

- Et c’est un sacré tordu !

- C’est ça qui me gêne.

- Tu crois qu’il les choisit au hasard ?

- Peut-être David. Mais je n’y crois pas trop.

- Pourtant, il n’y a aucun lien entre les deux victimes.

- Il doit sûrement y en avoir un mais nous ne le voyons pas. Attendons d’en savoir un peu plus sur la vie de ces deux hommes.

- Les enquêtes de voisinage nous le diront peut-être.

- Je l’espère.

Les trois hommes se plongèrent dans la lecture des auditions des voisins de Rival. En milieu d’après-midi, le médecin légiste les appela.

- Messieurs, je sais comment notre homme est mort. Et j’ai fait une découverte.

- Nous vous écoutons.

- Non seulement on lui a arraché les yeux mais on lui a aussi coupé la langue ! Son cœur n’a pas résisté et a lâché. Et, j’avais raison, on l’a crucifié post-mortem. Mais, cette fois-ci, l’assassin n’a pas pris la peine de nettoyer les plaies.

- Soit il n’a pas eu le temps, soit il était dans une colère qui lui a fait perdre une partie de sa lucidité. Merci Docteur.

- Bonne fin de journée messieurs.

Plantier resta un moment perdu dans ses pensées.

- Si je comprends bien, nous avons un fou furieux qui traine en ville.

- Je crois, qu’hélas, tu comprends bien, Philippe. Pourtant, quelque chose me dit qu’il n’est pas si fou que ça. Je ne sais pas, une intuition. Remettons-nous au travail.

Ils se replongèrent dans les dossiers d’audition. Le téléphone de Maurel bipa.

- Les collègues nous envoient les renseignements sur Rival !

- Déjà ? Vous êtes efficaces !

- Nous avons surtout accès à tous les fichiers informatiques de toutes les administrations et à d’autres… Dis-nous tout David.

- Florent Rival, 39 ans, originaire de Paris. Inscrit au barreau de Toulouse depuis six ans. Avocat spécialisé dans la finance. Célibataire, pas d’enfant.

- Un type normal, en somme.

- Pas tant que ça, en fait.

- Comment ça ?

- Regardez ! Rival était homosexuel, il fréquentait beaucoup de sites internet et était membre d’un club, ici, à Toulouse.

- Tiens donc. Dis aux gars de creuser de ce côté-là.

- Attends Antoine. Je ne l’ai pas vu tout de suite mais Rival habitait le même quartier que Bertin.

- C’est où ?

- Vers l’église Saint Sernin. C’est peut-être le point commun que tu cherchais, Antoine.

- Possible. C’est un début de piste en tout cas. Il faut voir s’ils ont pu se croiser. Nous verrons ça demain, messieurs.

- Tu as raison et puis j’ai un rendez-vous important. A demain.

Plantier remarqua que le visage de son ami était devenu grave. Il descendit à la voiture avec Maurel.

- Je te laisse ce soir Antoine.

- Ok. Téléphone allumé, hein ?

- Pas de problème.

Plantier rentra à son hôtel. Il appela Estelle.

- Tout va bien chéri ?

- Oui. Un fou furieux se balade dans Toulouse et tue des gens de manière horrible, le train-train habituel, quoi.

- Idiot !

- J’essaie juste de relâcher la pression ma douce.

- Je sais. Tu as l’air préoccupé.

- C’est Philippe. Je crois qu’il me cache quelque chose d’important.

- Il est peut-être amoureux…

- Non. Je le connais, c’est un célibataire incorrigible. Je pense que c’est plus grave que ça.

- Parles-en avec lui.

- Je vais essayer de trouver un moment pour le faire. Tu me manques, tu sais.

- Toi aussi. Je serais bien venue mais nous sommes en plein bilan trimestriel et j’ai un boulot monstre. Mais, si tu restes à Toulouse ce weekend, je te rejoindrais, promis.

- Voilà une bonne nouvelle ! La meilleure de la journée ! Tu es un ange.

- C’est pour ça que tu m’as épousée, non ?

- Pour ça et pour d’autres choses…

- Dis donc !

- Je pensais à tes talents de cuisinière…

- Tu t’enfonces, Antoine.

- Au fait, je crois que David ne sera pas avec nous ce weekend.

- Pourquoi ? Non ! Ne me dis pas que…

- Si ! Une petite infirmière rousse croisée à l’I.M.L. Il passe la soirée avec elle.

- Eh bé ! Il a raison. Et puis, c’est un chic type.

- Tu as raison. Bonsoir Chérie.

- Bonsoir.

Plantier raccrocha puis composa un autre numéro.

- Bonsoir Antoine. Je comptais t’appeler demain.

- Je suis en mission à Toulouse. Tu as du nouveau ?

- Oui. C’est signé ! Décision applicable au premier Août.

- Envoie- moi le dossier au commissariat de Toulouse, à la P.J., dès que tu peux.

- Tu l’auras après- demain.

- Je te remercie.

- Si on se rend pas service entre copains…

- Je sais. Salut !

Sophie Vernier arrangea les fleurs dans le vase en chantonnant. Son visiteur l’avait gâtée. Elle s’allongea sur le canapé et alluma la télévision tout en regardant le bracelet qui brillait à son poignet. Celui-là pourrait revenir, au moins encore une fois. On sonna. Elle se leva et, en rajustant son peignoir, alla ouvrir.

- Vous ?

Elle reprit lentement connaissance. Elle était nue, attaché sur son lit et un bâillon obstruait sa bouche. L’homme se tenait au pied du lit. Elle vit ensuite le bidon d’où sortait un tube. L’homme ouvrit le robinet. Dès que les premières gouttes de liquide pénétrèrent dans son ventre, elle hurla.

Plantier montra sa carte aux policiers qui soulevèrent le cordon jaune et noir pour le laisser passer. Accompagné de Maurel, il rejoignit Tessier. Il le trouva pâle et préoccupé.

- C’est un passant qui l’a découverte, tôt ce matin.

Plantier s’approcha du corps de la jeune femme.

- Alors docteur ?

- Je ne peux rien vous dire pour le moment, Plantier.

- Pas de blessures apparentes, juste des traces de liens aux poignets et aux chevilles mais pas de mutilation cette fois-ci.

Plantier rejoignit ses collègues.

- Sophie Verdier. Secrétaire. Elle habitait rue de la Concorde, pas loin d’ici.

- On peut aller chez elle ?

- Nous n’avons pas ses clés mais je vais faire appeler un serrurier.

- Ok. David, prends la voiture. On se rejoint là-bas. Nous, on va y aller à pied. J’ai à te parler, Philippe.

Lees deux commissaires se mirent en route.

- De quoi voulais-tu me parler ?

- De toi.

- Tu sais, le sujet n’est pas passionnant.

- Vraiment ? Qu’est-ce que tu as Philippe ? Qu’essayes-tu de me cacher ?

- J’oubliais que tu vois tout. Voilà, j’ai un cancer. De l’estomac. Je l’ai su juste après ton mariage.

- C’était ça ton rendez-vous, hier soir ?

- Oui. Je devais voir mon oncologue et passer un scanner.

- Et ?

- La chimio a freiné cette saloperie mais je vais devoir passer sur le billard. Ca me fout les jetons.

- Je comprends. Tu sais que si tu as besoin…

- Je sais Antoine. Merci. En attendant, je profite de la vie tant que je peux. Nous voilà arrivés.

Ils rejoignirent Maurel. Le serrurier arriva et se mit au travail. Les trois policiers entrèrent dans l’appartement.

- Ben dis donc, elle se refusait rien, Mademoiselle Verdier. La classe cet appart !

- Un peu trop pour une simple secrétaire, vous ne trouvez pas ?

- Oui.

Plantier se dirigea vers la chambre. Dès qu’il ouvrit la porte, une odeur bizarre chatouilla ses narines. Il s’approcha du lit. Tessier le rejoignit.

- Appelle la scientifique. Je crois que ce lit a beaucoup de choses à nous dire. Je voudrais surtout savoir ce qui a fait ce trou dans les draps et le matelas.

- On dirait une brûlure.

- Sauf que notre victime ne fumait pas. Il n’y a aucune odeur de tabac dans l’appartement, pas de cendrier non plus et je suis persuadé qu’on ne trouvera aucune cigarette. David ?

- Nos copains sont déjà au travail.

- Parfait ! On va laisser bosser nos collègues, maintenant.

Ils rentrèrent au commissariat. Plantier offrit un café à son adjoint.

- Alors ?

- Nous avons beaucoup parlé et…

- Tu es rentré tard cette nuit !

- C’est une fille bien, je crois.

- Alors fonce ! Je t’arrangerai le coup pour tes permanences le weekend.

- Va falloir que j’explique ça à la petite.

- Ton ex-femme s’est bien recasée, elle.

- Tu as raison.

- Allez, on se met au boulot. Il faut trouver ce que cherche ce type.

- J’ai dit à ceux de Cahors de se booster un peu.

- Ce qui m’intrigue, c’est la dernière victime. Je me demande comment il l’a tuée.

La réponse arriva quelques heures plus tard. Le médecin légiste les convoqua à la morgue.

- Eh bien, messieurs nous avons affaire à un sacré fou.

- Comment est-elle morte, docteur ?

- Brûlée à l’acide. Ce fou lui a injecté de l’acide sulfurique pur dans le vagin.

Maurel réprima un haut- le –cœur.

- Quoi ?

- Vous avez bien entendu Tessier. Il va falloir l’arrêter et très rapidement.

- On fait tout pour ça mais je vous avoue que nous pataugeons. Merci d’avoir fait aussi vite.

Les trois policiers regagnèrent leur voiture.

- Tu as une idée Antoine.

- Non. Je ne comprends pas la logique de ce type.

- On sait seulement que les trois victimes habitaient le même quartier. Il doit y vivre lui aussi.

- Vous avez raison Maurel. Je vais faire augmenter le nombre de patrouilles dans le secteur.

Ils revinrent au commissariat. Maurel alluma son ordinateur. Les trois hommes prirent connaissance des renseignements que leur avait envoyés l’équipe de Plantier. La vie de Sophie Verdier semblait assez ordinaire en dehors du fait qu’elle était inscrite sur plusieurs sites de rencontres. Maurel allait refermer le dossier lorsqu'un détail, quelques mots, attirèrent son attention.

- Attendez ! J’ai peut-être trouvé un lien entre les trois victimes

Les deux commissaires s’approchèrent. Maurel ouvrit les trois dossiers et les lut rapidement.

- Voilà, j’y suis. Nos trois victimes fréquentaient régulièrement l’église Saint Sernin. Je pense que les enquêtes de voisinage nous le confirmeront.

- J’ai vu passer des témoignages sur le sujet. Bien joué, David. Suis-moi.

- Où va-t-on ?

- A l’église. Révise tes prières.

Un quart d’heure plus tard, Plantier gara la voiture près de l’église. En entrant, il vit un homme disparaitre derrière une porte. Le prêtre s’avança vers eux.

- Bonjour Messieurs. Je suis le Père Mathieu. Que puis-je pour vous ?

- Bonjour mon Père. Commissaire Plantier et voici le lieutenant Maurel. Nous aimerions vous parler.

- A quel sujet ?

- Trois de vos paroissiens sont morts ces derniers jours. Des morts violentes sur lesquelles nous enquêtons.

- Oh ! De qui s’agit-il ?

- Florent Rival, Maurice Bertin et Sophie Verdier. Vous les connaissez ?

- Mes paroissiens sont nombreux mais je les connais tous. Maurice Bertin était très actif dans l’association paroissiale. Quant à Florent et Sophie, ils étaient toujours là quand j’avais besoin d’eux.

- Que savez-vous de leurs vies ? Ils vous ont peut-être fait des confidences…

- Je suis tenu par le secret de ma confession, commissaire ! Ce qui se dit ici reste entre mes paroissiens et Dieu. Je ne peux rien vous dire.

- Soit. Merci mon Père. Nous reviendrons vous voir, si besoin.

- L’église est tout le temps ouverte mais, si jamais je n’étais pas là, adressez- vous à la cure, juste en face.

- Au revoir mon Père.

- Au revoir Messieurs.

Plantier et Maurel regagnèrent leur voiture.

- A quoi penses-tu, Antoine ? Tu crois que notre tueur est aussi un paroissien ?

- J’en suis à peu près persuadé. Tu as entendu ce qu’a dit le curé à propos des victimes ? Elles étaient toutes très actives dans la paroisse et donc mises en lumière

- Tu crois qu’il agit par jalousie ?

- C’est trop facile. Non, je crois qu’il a une autre motivation mais je n’arrive pas à la deviner.

Plantier passa la journée du lendemain à tourner en rond, échafaudant des hypothèses sur le tueur, cherchant un lien entre les victimes, sans résultat. En fin de matinée, une enveloppe arriva pour lui au commissariat. Son contenu lui redonna le sourire pendant quelques instants puis il se replongea dans sa réflexion. Il refusa de sortir déjeuner.

- Quand il est comme ça, pas la peine de lui demander quoi que ce soit.

- Je sais Maurel.

- Vous vous connaissez depuis longtemps ?

- Depuis l’école de police. Il était déjà très fort. Rien ne lui échappait. On l’avait surnommé…

- Œil de lynx ! Il m’en a parlé.

En début d’après- midi, Plantier s’enferma dans la salle de conférence et se planta devant le tableau sur lequel étaient affichées les photos des victimes. Il murmura :

- Dis-moi ce que ces trois- là t’ont fait. Dis-moi ce que tu veux nous faire comprendre.

Maurel passa la tête à la porte en fin d’après-midi.

- Tu as vu l’heure ?

Plantier sortit de sa torpeur.

- Oui, tu as raison. Estelle va bientôt arriver.

Ils sortirent dans la rue.

- Tu peux garder la voiture. Estelle vient avec la sienne.

- Ok. Merci.

- Tu fais quoi ce weekend ?

- je vais voir ma belle infirmière, ce soir et puis on verra.

- A ta place, j’irai acheter une bouteille de champagne.

- Du champagne ? Pourquoi faire ?

- Je ne sais pas. Pour fêter ça, peut-être.

Plantier tendit à son adjoint l’enveloppe qu’il avait reçue le matin.

- Toutes mes félicitations capitaine Maurel !

- Hein ? Antoine…

- Je n’ai rien fait ! Et puis tu le mérites.

Un coup de klaxon les fit sursauter.

- Alors les garçons, on papote ?

- Bonjour Estelle.

- Figures-toi que David vient d’être nommé capitaine.

- Félicitations David ! Vous allez fêter ça sur le trottoir.

- Non. Je file. J’ai des courses à faire.

- Bon weekend David !

- A vous aussi.

Plantier s’installa à côté de son épouse.

- Où va-t-on ?

- A l’hôtel !

La jeune femme démarra. Ils passèrent le weekend à se promener autour de Toulouse, poussant jusqu’au lac de Saint Férreol où ils restèrent un long moment. Estelle repartit vers Cahors en début de soirée.

- Tu penses rentrer quand ?

- Je ne sais pas. Nous avons affaire à un fou furieux et nous n’avançons pas. Je te tiendrai au courant. Tu m’appelles quand tu es arrivée ?

- Tu t’inquiètes ?

- Je tiens à toi.

- Je crois que moi aussi.

Lundi matin.

Plantier et Maurel arrivèrent au commissariat.

- Salut Philippe. Du nouveau ?

- Non. Pas d’autre victime. Peut –être que les patrouilles plus nombreuses ont rendu notre tueur méfiant.

- Je l’espère.

Le téléphone de Tessier sonna. Plantier le vit blêmir.

- Je crois que nous avons parlé trop vite. Il y en a un autre.

- On y va !

La rue longeait le palais de justice et donnait sur la place du Salin. Les trois hommes s’avancèrent jusqu’à l’arrière du bâtiment. Le corps de l’homme gisait sur le sol.

- Bonjour docteur

- Messieurs. Bon, celui-ci, on lui a coupé les deux mains. Il s’est vidé de son sang. Mais pas ici.

Je vous fais mon rapport le plus vite possible.

Les trois policiers retournèrent à leur voiture.

- Il s’appelait Pierre Marsal. Il était employé à la mairie. Il habitait le même quartier que les trois autres.

- Rentrez au commissariat, vous deux. Je vous rejoindrai plus tard.

- Où vas-tu aller Antoine ?

- A l’église ! J’ai un curé à confesser.

Plantier marcha jusqu’à l’église Saint- Sernin. Sur la place du Capitole, il demanda son chemin à un passant.

- Suivez la rue du Taur. Vous y arriverez directement.

Le commissaire entra dans l’église. Elle semblait vide. La porte de la sacristie s’ouvrit et le père Mathieu apparut.

- Bonjour commissaire.

- Bonjour mon Père. Pierre Marsal, vous connaissez ?

- Oui, bien sûr. C’est un de mes paroissiens. Il s’occupe des jeunes.

- S’occupait.

- Ne me dites pas que…

- On a retrouvé son corps ce matin. Il va falloir parler mon Père.

- Je vous ai déjà dit que…

- Le secret de la confession, je sais ! Et l’entrave à la justice, vous savez ce que c’est ? Ne m’obligez pas à vous mettre en garde-à-vue, mon Père. J’en serai le premier navré.

Le prêtre soupira.

- Soit. Mais, pas ici. Suivez-moi jusqu’à la cure.

Les deux hommes parlèrent un long moment. En rentrant au commissariat, il appela Tessier et Maurel puis se planta devant le tableau.

- David, toi qui connais bien la ville, que peux-tu me dire sur les lieux où l’on a trouvé les victimes ?

- Et bien, la prairie des Filtres est le lieu de rencontre des homosexuels.

- Et Rival était homosexuel. Continue.

- Les quais de la Daurade sont très fréquentés et le rendez-vous romantique des amoureux, Il s’y passe et s’y dit beaucoup de choses. La rue Denfert- Rochereau un lieu de prostitution. Quant au palais de justice, tu sais ce qu’on y fait.

Plantier ne répondit pas. Il réfléchissait.

- Il les punit.

- Quoi ?

- Le père Mathieu m’a parlé des victimes. Elles avaient toutes un « vice ». Elles ont été tuées à cause de ça et le tueur a placé leurs corps dans des endroits en rapport avec leurs pêchés.

- Tu es sûr ?

- Rival était homosexuel, Bertin espionnait les paroissiens et médisait, Sophie Verdier était vénale et se servait des sites de rencontres pour rencontrer des hommes riches. Quant à Marsal, il était cleptomane.

- Belle déduction. On sait au moins pourquoi il tue. Mais on ne sait toujours pas qui il est.

Plantier se replongea dans ses pensées.

- Je crois que je sais.

- Tu nous expliques ?

- La première fois que nous nous sommes rendus à l’église, j’ai vu un homme disparaitre dans la sacristie à notre arrivée et, ce matin, le père Mathieu s’est plaint à plusieurs reprises de son absence.

- Et c’était qui ?

- Le bedeau.

- Tu as son nom ?

- On va aller à Saint Sernin.

Tessier donna quelques ordres puis les trois hommes se rendirent à l’église.

- Où est votre bedeau, mon Père ?

- Je ne sais pas. Je ne l’ai pas vu ce matin.

- Où habite-t-il ?

- Je vais vous donner son adresse.

Quelques minutes plus tard, Plantier se gara dans une petite rue.

- Voilà, c’est là-bas, au numéro 8.

- Ton dispositif est en place, Philippe ?

- Oui. J’ai trois voitures dans la rue. Les deux hommes qui discutent sur le trottoir sont des inspecteurs.

- Parfait. Regardez le type qui arrive.

L’homme s’avança dans la rue. Il s’arrêta devant la maison et scruta les alentours puis il sortit ses clés et entra.

- On fonce !

Les policiers se précipitèrent vers la maison. Plantier sonna.

- Messieurs ?

- Commissaire Plantier. Vous êtes Monsieur Salart ?

- Oui. Mais que signifie ?

Plantier entra suivi des policiers et leur donna l’ordre de fouiller la maison.

- Je peux savoir ce que vous me voulez ?

- C’est très simple. Vous êtes soupçonné de quatre meurtres. Il est 12h35. A compter de cette heure, vous êtes en garde- à-vue, Monsieur Salart.

Un inspecteur s’approcha.

- Vous pouvez venir voir commissaire ? Je crois que cela va vous intéresser.

Plantier, Maurel et Tessier suivirent l’homme au sous-sol de la maison. Un recoin était maculé de trainée de sang.

- C’est ici qu’il a tué les trois hommes.

Plantier ouvrit l’armoire qui se trouvait à l’autre bout de la pièce.

- Venez voir !

L’armoire contenait des dossiers concernant les paroissiens de Saint Sernin.

L’interrogatoire de l’homme commença dès son arrivée au commissariat. Très vite il avoua et expliqua les raisons de sa folie meurtrière. Il parla de foi, de Dieu, de punition divine dont il était le bras. Derrière la vitre sans tain de la salle d’interrogatoire, Plantier et Maurel écoutaient sans un mot.

- Y’a quand même de sacré fous ! Mais, je croyais que les bedeaux étaient des laïcs.

- Je le croyais aussi, David. Viens.

Les deux hommes s’en allèrent prendre un café.

- Bon, je crois qu’on a fini notre boulot. On va rentrer.

- Oui. Et il me tarde.

Plantier remarqua le regard de son adjoint.

- Tu en es où ?

- On va essayer de faire un peu de chemin ensembles. Ca ne va pas être simple mais on va y arriver.

- Tu veux rester ce soir ?

- Ben, c’est-à-dire que…

- Rentre demain. Je viendrai te chercher à la gare.

- Merci. T’es vraiment sympa.

- Ouais, bon. C’est plutôt que les adjoints de ton calibre, c’est plutôt rare sur le marché.

Tessier les rejoignit.

- Putain ! Quel fou furieux ! C’est le juge qui va rigoler. Vous partez ?

- Je crois que notre mission est terminée.

Plantier prit son ami par le bras.

- Viens, j’ai à te parler.

- Allons dans mon bureau.

- Ca va aller ?

- Oui. J’ai les jetons à cause de cette saloperie qui me bouffe l’estomac mais les toubibs sont optimistes.

- L’opération ?

- Dans une semaine. Après, je vais prendre un peu de repos. Bien obligé.

- Tu sais que…

- Je sais Antoine. File ! Et embrasse Estelle.

- Bon courage Philippe.

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #NOUVELLES

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A
J'ai bien aimé: les draps ne te toucherons pas de la nuit, une très bonne image, mais mince, tu crucifie un retraité de l'Aérospatiale, en plus par un bedeau, faut l'écrire ça...non, superbe récit. (y)
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