ET LA FOUDRE TOMBA SUR LE DESERT

Publié le 16 Mai 2015

Niamey, Niger

- La température au sol est de 38°C. Nous vous remercions d’avoir choisi notre compagnie et vous souhaitons un bon séjour à Niamey.

La jeune femme raccrocha le micro. Steve Powells eut un sourire et pensa que le mythe de l’hôtesse de l’air à la voix suave venait d’en prendre un sacré coup. Il resta calmement assis sur son siège, observant la meute bigarrée des passagers qui se dirigeait vers les portes de l’avion. Ce n’était pas la première fois qu’il venait en Afrique mais le mélange des couleurs des boubous le fascinait et l’attendrissait toujours autant. Un petit garçon passa près de lui et lui fit un grand sourire. Powells le lui rendit puis se leva, récupéra son bagage à main et sortit de l’avion. L’aéroport de Niamey n’avait pas changé depuis son dernier voyage et n’était toujours pas équipé de passerelles automatiques. La chaleur était étouffante. Powells descendit les marches et s’installa dans le bus qui se dirigea vers l’aérogare. Il attendit patiemment dans la file qui piétinait devant le poste des douanes. Son tour arriva enfin et il tendit son passeport diplomatique au douanier qui se mit presque au garde-à- vous.

- Bienvenue au Niger, Monsieur Powells.

- Merci. Bonne journée.

Powells récupéra sa valise puis sortit de l’aéroport. Il repéra tout de suite la limousine noire à côté de laquelle, un militaire américain fumait tranquillement.

- Bonjour caporal.

Le jeune soldat jeta précipitamment sa cigarette.

- Bonjour Monsieur. Excusez-moi.

- Pas de souci. Vous voulez bien m’ouvrir le coffre ?

Les deux hommes montèrent en voiture et prirent la direction du centre- ville. Powells observait par la fenêtre. Niamey n’avait pas changé. La circulation y était toujours aussi dense et compliquée et les trottoirs toujours aussi encombrés de passants aux tenues colorées et de vendeurs. Il avait toujours été étonné de ce don qu’ont les africains de vendre tout et n’importe quoi.

- C’est la première fois que vous venez au Niger, Monsieur ?

- Non. J’ai fait un passage éclair, il y a quelques années, juste quelques jours.

Powells resta songeur quelques secondes, le temps que mirent les souvenirs de sa mission à sortir de sa mémoire. Le véhicule arriva enfin dans le quartier des ambassades. Il logea un haut mur surmonté de barbelés électrifiés puis s’arrêta devant une porte blindée.

- C’est un vrai bunker, caporal.

- Le Niger est un pays ami et relativement calme mais, depuis les attentats de Nairobi et de Dar es Salam, la sécurité a été renforcée.

- Sage précaution.

La voiture s’arrêta devant le bâtiment principal.

- Vous voilà arrivé, Monsieur. L’hôtesse d’accueil va vous emmener voir monsieur l’ambassadeur. Je me charge d’emmener votre valise dans vos appartements.

- Merci Caporal. Quel est votre nom ?

- Eckert ! Caporal William Eckert.

- Steve Powells. On a dû vous informer que j’étais le nouvel attaché militaire de l’ambassade.

- Oui, Monsieur.

- Savez- vous si des caisses sont arrivées pour moi ?

- Oui, par la valise diplomatique. Elles sont dans votre appartement.

- Parfait. Une dernière chose, Eckert. Vous avez l’air de bien connaitre la ville et la façon de circuler ici. Je vous solliciterai de temps en temps.

- A votre service, Monsieur.

Powells descendit du véhicule et se présenta à l’accueil.

- Bonjour, Mademoiselle. Je suis Steve Powells, le nouvel attaché militaire.

- Bonjour Monsieur. Je vais vous conduire auprès de Monsieur l’ambassadeur mais, tout d’abord, nous avons quelques formalités à remplir.

Powells s’acquitta des tâches administratives, récupéra son badge et suivit la jeune femme dans les couloirs. Elle frappa à une porte, et l’entrouvrit.

- Monsieur Powells est arrivé, Monsieur.

- Merci Lucy. Entrez, Monsieur Powells.

L’homme était assez rondouillard et sa jovialité n’avait rien de feint. Powells prit la main qu’il lui tendait.

- Je suis Arnold Taggard, ambassadeur des Etats-Unis dans ce beau pays.

- Steve Powells, enchanté Monsieur.

- Pas de ça entre nous, voulez-vous ? Nous allons travailler ensembles, tâchons de le faire de manière conviviale, n’est-ce pas Steve ?

- Ca me va, Arnold.

- Très bien. Je suppose, qu’à Washington, on vous a brieffé sur la situation. Le pays est tranquille. Ce qui n’est pas le cas de nos voisins. Mais, nous parlerons de tout cela plus tard. Pour le moment, je vous laisse découvrir l’ambassade et votre appartement. Retrouvons- nous pour le dîner, je vous présenterai mes collaborateurs. Disons, 20 heures, au restaurant.

- 20 heures, j’y serai.

- Vous verrez, nous avons un chef français qui fait des merveilles.

- Un chef français ?

- Oui. Les frenchies ne sont pas seulement nos alliés militaires…

Taggard éclata de rire. Powells prit congé et se dirigea vers son appartement. Le logement était vaste et situé au premier étage de l’immeuble réservé aux hauts fonctionnaires. Sa valise et trois caisses noires se trouvaient au milieu du salon. Powells vérifia qu’elles n’avaient pas été ouvertes puis sortit sur le balcon. L’appartement donnait sur le parc et le mur d’enceinte. L’homme remarqua immédiatement la petite porte à demi dissimulée derrière un buisson. Il referma la baie vitrée et commença à déballer ses affaires avant de prendre une douche. Puis il entreprit d’ouvrir les trois caisses et d’en vérifier le contenu. Tout était là. Une fois encore, il pensa en avoir trop pris mais que cela lui avait plusieurs fois sauvé la vie. Satisfait de la vérification de son arsenal, Powells referma soigneusement les caisses et les emmena dans une des chambres où il les dissimula sous le lit.

Il alluma le téléphone portable qu’il venait de récupérer dans une des caisses. La ligne était sécurisée et les communications passaient par un réseau complexe de satellites et de relais terrestres. Powells composa un numéro. Il y eut un silence puis l’appel accrocha le dernier relais, quelque part, de l’autre côté de l’Atlantique.

- Bonjour Oncle Sam. Ou plutôt, bonsoir.

- Bonsoir. Mon neveu est-il bien arrivé ?

- Oui. Mes bagages aussi. Merci pour les petits cadeaux que vous y avez glissés.

- J’ai pensé que cela pourrait t’être utile.

- J’en ferai certainement bon usage.

- Sinon ?

- Ca n’a pas beaucoup changé ici depuis mon dernier voyage. L’hôtel a l’air confortable et le patron sympathique. Je dois dîner avec lui, ce soir.

- As-tu retrouvé tes amis ?

- Pas encore. Je prendrai contact avec eux dans la soirée.

- C’est très bien. Au fait, nos cousins français s’installent pour leurs vacances.

- A l’endroit prévu ?

- Oui.

- J’essaierai de leur rendre une petite visite dans quelques jours.

- Tu les salueras de ma part. Une dernière chose, sois prudent.

- Bien sûr. Au revoir mon oncle.

Powells raccrocha le sourire aux lèvres. Cet exercice pour rendre les conversations avec son « oncle » parfaitement anodines l’amusait toujours beaucoup. Il remit soigneusement le téléphone à sa place et finit de ranger ses affaires. Son installation terminée, il sortit sur le balcon et observa les allées et venues dans le parc. Quelques employés couraient sur les allées malgré la chaleur. Powells se concentra sur les rondes des militaires et mémorisa les intervalles entre chaque passage du Hummer qui les transportait. Quarante- cinq minutes. Le moment venu, il aurait largement le temps de se rendre jusqu’à la porte et de disparaitre. Il resta un moment songeur. Ces quinze dernières années avaient été un vrai marathon. Une course contre la mort qu’il avait faite dans tous les coins du monde. Deux ans plus tôt, il avait décidé de se poser, parce qu’il avait enfin une bonne raison de le faire. On l’avait affecté aux Nations Unies et puis… Tout avait basculé quelques mois plus tôt. Depuis, sa colère ne s’apaisait pas. Il avait repris contact avec Oncle Sam et recommencer à s’entrainer, intensivement. Maintenant, il était là…

Powells consulta sa montre. Il se prépara et rejoignit le restaurant de l’ambassade. En un coup d’œil, il observa la salle. Il n’y avait là que des employés, certains en famille, d’autre formant de grande tablées de célibataires. Taggard, tout sourire, vint au- devant de lui.

- Bonsoir, Steve. Venez ! Je vais vous présenter à vos nouveaux collègues.

L’ambassadeur demanda le silence.

- Mesdames et Messieurs, je vous présente Steve Powells, notre nouvel attaché militaire et, à ce titre, un de mes plus proches collaborateurs. J’espère que vous lui réserverez le meilleur accueil.

- Merci Monsieur. Bonsoir à tous. Nous aurons tout le temps de faire connaissance dans les prochains jours. Je vous souhaite un bon appétit et une bonne soirée.

- Venez Steve. Ce soir, vous dînez à ma table.

- Dois-je considérer cela comme un privilège ?

Taggard eut un sourire.

- Disons un cadeau de bienvenue. J’aime votre esprit, Steve. Je crois que nous allons bien nous entendre.

- Je le pense aussi Arnold.

- J’ai consulté votre dossier. Impressionnant ! Diplômé du M.I.T., major de votre promotion à West Point, tireur d’élite, plusieurs fois décoré pour vos faits d’armes… Et, combien parlez-vous de langues déjà ?

- Une petite douzaine…

- Par contre, il y a quelques pages blanches dans votre dossier…

- Des choses dont je ne peux pas parler, même à un ambassadeur des Etats-Unis.

- Hummm. Je comprends. Des opérations un peu spéciales…

Powells ne répondit pas. Une femme venait d’entrer dans le restaurant. Tous les regards se tournèrent vers elle. Elle devait avoir entre quarante et cinquante ans. Son physique avantageux était mis en valeur par une courte robe très moulante et franchement décolletée. Elle s’approcha de la table de l’ambassadeur. Le jeune attaché militaire se leva pour la saluer.

- Bonsoir Harriet. Je vous présente Steve Powells…

- L’attaché militaire. Vous m’avez parlé de lui, Arnold

- Madame…

- Appelez- moi Harriet. Je suis la secrétaire de Monsieur Taggard et aussi la vôtre.

- Enchanté Harriet.

Elle regagna sa table, suivie du regard par la plupart des mâles de la salle.

- Harriet Smith. Un personnage incontournable de notre ambassade.

- Difficile de la manquer, en effet.

- Harriet est une secrétaire efficace et très compétente. Mais c’est…

- Une femme légère.

- Comment avez-vous deviné ?

- Les regards gourmands des hommes et ceux, jaloux et méfiants des épouses.

- Harriet a eu des aventures avec quelques-uns d’entre nous…

- Même avec vous Arnold ?

L’ambassadeur prit un air gêné.

- Allons, Arnold. Vous êtes le boss ici et vous êtes veuf, alors…

- Comment avez-vous deviné ?

- Pour Harriet ?

- Non, que j’étais veuf.

- Vous portez une alliance mais, depuis mon arrivée, vous n’avez jamais mentionné votre épouse, même pas pour excuser son absence ce soir. J’en ai donc conclu…

- Vous avez raison. Mon épouse était dans le Boeing de la TWA qui a explosé au-dessus de l’océan en 1996.

- Je sais. J’ai, moi aussi, consulté votre dossier.

L’ambassadeur retrouva son sourire. Les deux hommes discutèrent longuement après le dîner puis Powells regagna son appartement. Il reprit son téléphone et composa un numéro. On décrocha. Le jeune américain entendit de la musique

- Nom de code : Zoulou blanc

- Steve ! Où es-tu mon ami ?

- Ici, à Niamey.

- Tu es revenu pour faire du ménage ?

- Oui. Mais pas ici. Et ce n’est pas vraiment officiel, cette fois.

- Je sens de la colère dans ta voix.

- Il y en a. Il faut que je te voie. J’ai du travail pour toi.

- Demain soir. A l’endroit habituel, à 23 heures.

- Je serai là. A demain.

Powells raccrocha, dissimula le téléphone puis s’allongea sur son lit. Il sortit une photographie de son portefeuille et la regarda longuement avant de la ranger. Il prit quelques affaires dans une de ses caisses puis descendit dans le parc. Tapi dans l’ombre, il attendit le passage de la garde puis se glissa jusqu’à la porte. Elle n’était verrouillée que par un cadenas. Un coup de pince le fit sauter. Powells ouvrit la porte. Elle donnait sur une petite rue peu éclairée, bordée d’entrepôts et de garages. Satisfait, il referma la porte et posa un nouveau cadenas. Celui-là, il en possédait la clé.

Lorsqu’il arriva à son bureau, le lendemain, Harriet Smith était déjà là.

- Bonjour Steve.

- Bonjour Harriet.

- Vous voulez un café ?

- Oui, je veux bien.

- Je vais vous l’apporter. J’ai posé les rapports de la nuit sur votre bureau.

- Merci Harriet.

Powells s’installa à son bureau et commença à éplucher les rapports. Il n’y avait rien de bien intéressant dans ceux concernant le Niger mais le dernier attira son attention. Il concernait le Mali. Le jeune américain l’étudia longuement.

- Votre café, Steve.

- Hmmm? Oh pardon. Merci Harriet.

- Arnold voudrait vous voir d’ici une demie- heure. Il vous rejoindra. Si vous avez besoin de quoi que soit…

- Vous êtes juste à côté !

- C’est ça.

Harriet quitta la pièce en faisant claquer ses talons. Il se replongea dans la lecture du rapport. Les français avaient établi une base à proximité de Gao afin de pouvoir mieux concentrer leurs efforts sur les montagnes du Nord. Powells pensa, dans un premier temps, que ses recherches devaient aussi le conduire dans ce secteur mais quelque chose, son instinct de chasseur, le fit changer d’avis. Il mémorisa les renseignements et ses pensées. L’ambassadeur entra dans son bureau.

- Bonjour Steve.

- Bonjour Arnold.

- Alors? Bien installé ?

- Oui. Très bien même.

- J’ai toujours été épaté par la capacité de notre administration à choyer ses fonctionnaires à l’étranger. Mais, faisons le point de la situation.

- Bien. D’après les derniers rapports que je viens de lire, il semblerait que les groupes islamistes qu’on nous avait signalés dans le Nord Niger soient repartis au Mali.

- Ils ont laissé passer l’orage Serval.

- Je pense que c’était là leur idée, à défaut d’être une stratégie.

- A défaut de stratégie ?

- Oui. Soit ils sont très mal informés, soit ils sont inconscients car ils vont tomber sur un os. Nos amis français ont achevé d’établir leur base de Gao. Les possibilités de passage au nord du Mali vont se réduire comme peau de chagrin.

- Vous en pensez quoi ?

- Qu’ils vont rentrer au Niger. Je vais demander à Washington de renforcer la surveillance par satellite sur cette zone.

- Bonne idée. Mais, s’ils se montrent trop remuants ?

- Les avions de nos amis français sont largement capables de les atteindre depuis Gao. Le cas échéant, nous demanderons leur appui.

- Parfait. Je vous laisse. Je suis attendu au palais présidentiel. La dure vie d’un ambassadeur…

Les deux hommes éclatèrent de rire. Une fois seul, Powells passa un long moment devant les cartes placardées au mur. Après les avoir étudiées, il envoya un fax au Pentagone. La réponse arriva quelques heures plus tard. Le jeune homme eut un sourire. Il passa le reste de la journée à étudier les dossiers laissés par son prédécesseur. En fin d’après- midi, il regagna son appartement. Il fit une longue séance de musculation puis, après une douche, rejoignit le restaurant. Il se mêla aux employés et prit l’apéritif avec eux, bavardant avec les uns et les autres. Il faisait nuit depuis longtemps lorsqu’il rentra chez lui. Un quart d’heure plus tard, il se glissa le long du balcon et se tapit dans un fourré. Lorsque le Hummer de la patrouille fut passé, il gagna la porte et sorti dans la rue. Fouillant dans ses souvenirs, il trouva vite son chemin. L’endroit était rempli de monde. C’était une petite place d’un quartier populaire, entourée de boutiques. Un orchestre jouait sur un rythme effréné. Le son des djembés était assourdissant. Powells scrutait la foule. Il sentit une présence, juste derrière lui.

- Bonsoir Zoulou Blanc

- Moussah ! Comment vas-tu mon frère ?

- Bien. Content de te revoir, Steve. Viens ! Allons dans un coin plus tranquille.

Les deux hommes longèrent quelques rues puis entrèrent dans une maison.

- Qu’est- ce qui t’amène ici ?

- Une mission.

- Une mission personnelle si j’ai bien compris.

Powells ferma les yeux et éluda la remarque.

- Tu as entendu parler de ces trois journalistes américains enlevés au Mali il y a quelques mois ?

- Oui. On pense que c’est un coup d’AQMI. De toute façon, il n’y a qu’eux pour commettre ce genre de crimes.

- Tu n’as pas l’air de trop les aimer.

- Je suis chrétien et j’ai en travers de la gorge les crimes qu’ils ont commis au Mali.

- J’ai besoin de renseignements sur ceux qui ont fait ça. Je veux savoir qui et surtout où ils sont.

- Je vais me renseigner. J’ai de la famille dans le Nord. Il te faut autre chose ?

- Pour le moment, non. Mais il faudra peut-être que tu me trouves un véhicule capable de transporter un peu de barda.

- Ok. Reviens dans deux jours, j’aurai tes renseignements.

- Ca marche.

Les deux hommes se séparèrent sur le pas de la porte. Powells repris le chemin de l’ambassade. Il en était à quelques centaines de mètres lorsque deux hommes sortirent de l’ombre. Sans hésitation, le jeune américain marcha vers eux sans les quitter des yeux. Il les vit sortir des couteaux. Lorsqu’il arriva près d’eux, ils les pointèrent dans sa direction.

- Bonsoir Messieurs.

- Ferme-là et donne-nous ton argent.

- Mais avec plaisir.

Le premier coup frappa l’homme de droite. Un atemi porté à la gorge qui lui coupa la respiration. Le second agresseur n’eut pas le temps d’esquisser un geste. Un coup de pied l’envoya à terre. Les deux hommes furent rapidement hors de combat. Powells ramassa leurs couteaux.

- Bonne fin de soirée, Messieurs. Et soyez prudents, vous pourriez faire de mauvaises rencontres.

L’américain reprit son chemin. Il jeta les couteaux dans un container juste avant d’arriver à l’ambassade. Il s’arrêta devant la porte et consulta sa montre. Il fit un rapide calcul et tendit l’oreille. Derrière la clôture, il entendit le moteur du Hummer… Il referma soigneusement la porte et rentra chez lui. Il alluma son portable. Il y eut le souffle des étoiles puis une série de sons électroniques.

- Bonsoir Oncle Sam.

- Comment vas-tu ?

- Bien. J’ai pris contact avec mes amis. Ils vous saluent.

- Et bien, figure-toi que j’ai eu des nouvelles de nos amis du Colorado. Ils nous ont envoyé quelques belles photos de vacances. Je te les ai faites suivre par messagerie.

- Merci mon oncle. Je vais aller les regarder.

- Tu as trouvé la destination de ton prochain voyage ?

- Pas encore. Mais j’ai une petite idée. Je pense que d’ici deux ou trois jours…

- Tu me tiendras au courant ?

- Bien sûr, mon oncle. Bonsoir

- Bonsoir.

Powells raccrocha puis sortit d’une de ses caisses un ordinateur portable. Via un brouilleur, il le connecta au réseau internet de l’ambassade et ouvrit la messagerie. Il téléchargea les images puis les ouvrit l’une après l’autre. Il décida qu’il travaillerait dessus le lendemain. Il éteignit l’ordinateur et alla se coucher après avoir longuement regardé une photographie tirée de son portefeuille. Ces salopards allaient bientôt payer.

La journée du lendemain se déroula tranquillement. Après le briefing avec l’ambassadeur, Powells se fit conduire par le jeune caporal en centre- ville. Il avait quelques achats à faire et savait que, sur le marché, il trouverait tout ce qu’il lui fallait. Au retour, il prit connaissance des deniers rapports. Il allait devoir faire vite. Au Mali, les français accéléraient et passaient la région de Gao au peigne fin. En fin de journée, il regagna son appartement et s’installa devant son ordinateur. Les images du satellite étaient d’une grande netteté. Il en sélectionna une et effectua plusieurs opérations pour en améliorer la qualité et zoomer sur une zone qui avait attiré son attention. Absorbé par son travail, il sursauta au coup de sonnette. Il referma l’ordinateur et alla ouvrir. Harriet Smith se tenait devant la porte, une bouteille de vin à la main.

- Bonsoir Steve. Je ne vous dérange pas ?

- Non, pas du tout Harriet. Entrez.

Elle lui tendit la bouteille.

- J’ai pensé qu’une petite visite de courtoisie vous ferait plaisir.

- C’est le cas.

Elle s’installa sur le canapé. Powells, tout en débouchant la bouteille, l’observa avec attention. Harriet était une très belle femme, attirante sans être provocante. Il comprit pourquoi plusieurs de ses collègues avaient succombé à son charme.

- J’ai pris du vin français.

- C’est un très bon choix Harriet. Je connais ce vin, il est, en principe, excellent.

- Parlez-moi un peu de vous, Steve. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire connaissance.

- Eh bien, je suis originaire du Maine mais je vis à New York. J’ai fait quelques études…

- Oui, je sais, Arnold m’en a parlé. Le M.I.T., je crois.

- C’est ça. Un diplôme de chimie. Puis je suis entré à West Point. J’ai quitté l’armée il y a deux ans pour prendre un poste aux Nations Unies. Et vous ?

- Je viens du Connecticut. J’ai fait mon chemin dans l’administration et, alors que je travaillais aux affaires étrangères, ce poste à Niamey s’est ouvert. Personne ne le voulait et l’Afrique me faisait rêver, alors…

- Vous êtes ici depuis longtemps ?

- Une dizaine d’années.

Ils conversèrent longuement. Harriet se rapprocha peu à peu de Powells.

- Non Harriet.

Elle le regarda avec défiance.

- Vous êtes une très belle femme, mais…

- Mais vous êtes amoureux.

Powells soupira.

- Oui. Enfin, en quelque sorte. Mais ce serait trop long à vous expliquer.

- Je suis désolée.

- Vous ne pouviez pas savoir.

Ils discutèrent encore un moment puis Harriet s’en alla. Powells se replongea dans l’étude des images du satellite. Tard dans la nuit, il éteignit l’ordinateur, persuadé d’avoir trouvé l’endroit où frapper. Le lendemain soir, il sortit de nouveau de l’ambassade et rejoignit son ami.

- Tu as du nouveau, Moussah ?

- Oui. Ce groupe est dans la mouvance AQMI mais agit indépendamment, surtout dans le nord du Niger. Les américains n’ont pas eu de chance. Ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

- Tu sais où se trouve ce groupe ?

- Ils sont basés au Mali, mais je n’en sais pas plus.

- Alors je vais te le dire. Il y a une oasis, pas loin de Kidal. Je pense qu’ils sont là.

- Comment sais-tu ça ?

- Disons que j’ai de bons yeux.

- Je vois. Quand veux-tu partir ?

- Le plus tôt possible. Je veux les trouver avant les français.

- J’ai un ami qui fait du transport vers le nord avec un petit camion. Il faudra au moins trois jours pour arriver là-bas. Attends- moi ici.

Moussah passa dans la cour. Powells l’entendit parler au téléphone. Son ami le rejoignit.

- Mon ami remonte dans le Nord demain mais peux avancer le départ de quelques heures.

- Bien. Rejoignez-moi derrière l’ambassade dans quatre heures. Dans la rue où se trouvent les entrepôts.

- Je vois où c’est. On sera là.

Powells rentra à l’ambassade. Il enfila une tenue de combat et ouvrit les deux plus grandes caisses. Il prépara minutieusement son matériel. Il prit une grenade qu’il dévissa précautionneusement. Lorsqu’il eut terminé sa manipulation, il la rangea à part dans son matériel. Il prit son téléphone portable.

- Bonsoir Oncle Sam.

- Je suppose que tu sais désormais où aller…

- Oui. Je pars dans une heure. Destination le Mali. Les photos de vacances de nos amis m’ont charmé.

- Sois prudent.

- Je vous rappelle dès mon retour.

Powells raccrocha. Il fit glisser son sac le long du mur puis descendit dans le parc. Deux minutes plus tard, il passa la porte. Un camion stationnait dans la rue. Le chauffeur fit un appel de phares. Powells chargea son sac à l’arrière, grimpa dans la cabine et salua le chauffeur.

- Steve, je te présente Joseph, notre chauffeur.

- Enchanté. Allons-y.

Le camion démarra, traversa Niamey endormie et prit la route du Nord. Les trois hommes se relayèrent pour conduire afin de gagner du temps. Au soir du deuxième jour, ils s’arrêtèrent à quelques kilomètres de la frontière Malienne. Ils dissimulèrent le sac de l’américain sous les marchandises puis reprirent leur route. Afin d’éviter Gao, le chauffeur prit une piste et poursuivit sa route en direction de Kidal. Dans l’après-midi, ils s’arrêtèrent à l’abri d’une dune. Powells vérifia une dernière fois son équipement puis chargea le sac sur son dos.

- Nous y voilà, Moussah. Je serai de retour ici au coucher du soleil demain. Si je ne suis pas revenu deux heures après, vous filez, compris ?

- Oui. Bonne chance mon ami.

Le jeune américain ne répondit pas. Il consulta sa boussole et partit sous la chaleur écrasante. Le soleil commençait à descendre sur les dunes lorsqu’il arriva en vue de l’oasis. Il repéra une barre rocheuse qui la surplombait. Il grimpa, en silence et trouva l’endroit parfait. Un espace entre deux rochers qui lui permettait de surveiller l’endroit. Tout en préparant son matériel, il observa les lieux. Il y avait plusieurs bâtisses construites au bord de l’oasis. Quelques chèvres erraient dans la cour mais la présence des deux tous-terrains trahissait la présence des terroristes. Powells en vit sortir deux, kalachnikov sur l’épaule. Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres. L’américain s’allongea dans le sable et se recouvrit de la couverture de survie qu’il avait achetée quelques jours plus tôt. Elle masquerait la chaleur de son corps. Quand la nuit tomba, il prit ses lunettes de vision nocturne et étudia les bâtisses avec attention, échafaudant petit à petit son plan d’attaque. L’avion était encore loin lorsqu’il l’entendit.

Dans le rafale, le navigateur scrutait ses écrans radars. Sur celui de la caméra infra-rouge, il aperçut les bâtisses. Il fit quelques réglages de sensibilité. Il vit quelques points se déplacer sur l’écran : Du bétail. Il remarqua un point un peu à l’écart des autres. Sûrement un animal égaré, pensa-t-il. L’avion poursuivit sa route, en direction de Kidal.

Powells s’éveilla. Les premières lueurs de l’aube apparaissaient. Il but un peu d’eau et mangea un biscuit. La journée promettait d’être belle et pourtant… L’orage allait bientôt gronder. Il ouvrit son sac. Quelques minutes plus tard, tandis que le soleil éclairait l’oasis, il était prêt. Il vit deux groupes d’hommes se diriger vers les véhicules. Il fallait agir. La veille, il avait repéré un appentis sous lequel étaient stockés des bidons d’essence. La balle en frappa un qui s’enflamma puis explosa. Très vite, les autres bidons en firent autant, détruisant l’appentis et la bâtisse qui se trouvait à côté. Profitant de leur surprise, l’américain visa les terroristes, l’un après l’autre. Mais l’explosion et les cris avaient attirés à l’extérieur le reste de la bande qui commença à tirer à l’aveugle. Powells changea immédiatement de tactique. Il lança plusieurs grenades vers la cour puis, pistolet mitrailleur en main, il sortit de sa cachette en arrosant les bâtiments. Tout en se rapprochant de la cour, il lança d’autres grenades. Le silence se fit. Steve Powells s’abrita derrière un véhicule et scruta les bâtiments. Plus rien ne bougeait. Il sortit son révolver, s’approcha de la bâtisse dont les hommes avaient jaillit et y pénétra. Il entendit du bruit dans une des pièces et s’approcha. Il se trouva nez à nez avec un homme armé d’un pistolet. Powells tira. Juste une balle. Le pistolet sauta de la main du terroriste.

- Mets tes mains en l’air et recule.

- Qui es-tu ?

- Peu importe qui je suis. Assieds-toi sur la chaise et mets ça. Mains derrière le dos.

L’homme passa les menottes que lui avait jetées l’américain.

- Comment t’appelles-tu ?

- Ahmed. Ahmed Ben Aiffa.

- Qui est le chef ici ?

- Allah est le chef. C’est lui qui décide.

- Réponds à m a question !

Devant le révolver braqué sous son nez, le terroriste perdit de son arrogance.

- C’est moi !

- Alors c’est parfait. Parce que c’est toi que je voulais voir.

- Tu veux te convertir ? Tu peux. Allah te pardonnera d’avoir tué ses fils.

- Fous-moi la paix avec ton Allah ! Tu n’y crois pas plus que moi ! Il n’est qu’un prétexte pour commettre des crimes. Comme la plupart des dieux, d’ailleurs.

Powells tira une photo de sa veste de combat et la mit sous le nez d’Ahmed.

- Tu reconnais cette femme ?

- L’américaine. Oui. Elle a refusé de nous obéir et de se convertir. Elle a reçu le sort des infidèles.

- C'est-à-dire ? Parle !

- Nous l’avons décapitée, comme les deux autres. Son corps a dû être dévoré par les fennecs et le soleil. C’est dommage. C’était une belle femme. D’ailleurs mes frères et moi…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Le coup de poing qu’il reçut dans la mâchoire lui fit perdre connaissance. Quand il reprit ses esprits, il était ficelé sur la chaise. Sa tête était basculée en arrière et une grenade, solidement maintenue était enfoncée dans sa bouche. L’américain se tenait à quelques pas de lui.

- Attention Ahmed. Ne bouge pas trop. Tu vois, la goupille de cette grenade est reliée à la sangle qui maintient ta tête. Si tu la bouges, la goupille tombera et… Pas la peine de te faire un dessin.

Powells surpris la lueur dans l’œil du terroriste.

- N’y pense pas, Ahmed. J’ai modifié cette grenade juste pour toi. Il y a juste assez d’explosif pour faire éclater ta tête. C’est à peine si je serais éclaboussé par ta cervelle. Et, puisque tu vas mourir, je vais te dire qui je suis. Mon nom est Steve Powells. Je suis un « nettoyeur ». Un soldat d’élite que mon gouvernement envoie un peu partout pour se débarrasser des énergumènes de ton espèce. Sauf que cette fois-ci, je ne suis pas en mission officielle. Cette jeune femme que tu as violée et assassinée était ma fiancée. Je vais te laisser maintenant. Dans quelques minutes ou dans quelques heures, la position deviendra insupportable pour ta nuque. Nous allons voir si ton dieu te donnera autant de force que tu le prétends. En attendant, tu peux toujours lui adresser quelques prières et lui demander pardon pour les crimes que tu as commis en son nom.

Powells quitta la pièce. Il récupéra son sac et commença à placer des charges explosives sur les bâtiments encore debout. Puis il remonta sur la barre rocheuse et attendit. Deux heures passèrent. L’américain commençait à s’impatienter. Il entendit une explosion sourde. Ahmed avait fini par céder ou par se sacrifier. Powells mit son sac sur son dos et s’éloigna. Tout en marchant, il appuya sur le bouton d’une télécommande. Derrière lui, les bâtiments s’envolèrent et retombèrent en poussière. Il ne se retourna même pas.

Le soleil descendait vers l’horizon quand il arriva près du camion. Immédiatement, il se mit en alerte. Il n’y avait personne, aucune trace de Moussah et de Joseph. Powells continua à marcher vers le véhicule, une main sur la crosse de son révolver. Il en était à deux mètres lorsque la première balle siffla. Il roula au sol et se refugia derrière les roues arrière. Un coup d’œil sur sa droite et il comprit. Moussah était adossé à la cabine, la gorge ouverte. Un deuxième coup de feu claqua. La balle atteignit un pneu, de l’autre côté de l’essieu. La lumière diminuait de plus en plus vite. Tout en récupérant ses lunettes de vision nocturne et en remontant son fusil de précision, Powells engagea la conversation.

- Joseph ! Je sais que c’est toi. Pourquoi fais-tu ça ? Tu veux de l’argent ?

- Ton argent ne m’intéresse pas !

- Que veux-tu alors ?

- Je suppose que tu as tué tout le monde là-bas.

- Oui. Ils sont tous morts et partis en fumée.

- J’étais des leurs. J’assurai leur ravitaillement et Ahmed était mon frère.

- Ton frère était un assassin !

- Et toi, tu vas mourir aussi.

La nuit était tombée. Powells avait localisé l’endroit d’où venait la voix de Joseph. Il se glissa sous le véhicule. Equipé de ses lunettes, il vit joseph se lever et tirer en direction du camion. La balle atteignit le réservoir qui s’enflamma. Joseph était resté debout, prêt à faire feu sur l’américain. Celui-ci l’ajusta dans son viseur. Joseph s’écroula. Powells sortit de sous le camion et s’en éloigna avant qu’il n’explose. Il se débarrassa de ses lunettes. Sous la lumière de la lune, il suivit la piste. Il arriva dans un village dans la matinée du lendemain. Il était exténué. Il trouva des vêtements et, par chance, un camion qui repartait vers le Niger.

Deux jours plus tard, à la nuit tombée, il se glissa dans son appartement. Il prit son téléphone.

- Bonjour Oncle Sam

- Tu es rentré ? Ton voyage s’est bien passé ?

- Oui. Et j’ai veillé à tout laisser bien propre en repartant.

- C’est bien mon garçon. Quand penses-tu rentrer ?

- Je crois que mon hôte ne va pas me garder longtemps près de lui. Mais je suppose que vous le savez déjà.

- La belle Harriet a dû poser ton billet d’avion sur ton bureau.

- Vous connaissez Harriet ?

- Hé ! Hé ! Ton vieil oncle a aussi une vie. Harriet a passé quelques mois dans mon service. C’est une fille bien.

- Que voulez-vous dire ?

- Je ne t’en dirai pas plus.

Le lendemain Steve se présenta à son bureau. Harriet se jeta à son cou et l’embrassa.

- Steve ! J’ai cru qu’il vous était arrivé quelque chose.

- Tout va bien Harriet. J’avais juste quelques affaires personnelles à régler. Il est là ?

- Oui. Et ne vous attendez pas à être reçu avec des fleurs.

Powells frappa à la porte du bureau de l’ambassadeur et entra.

- Ah ! Enfin ! Dites-moi, Monsieur Powells, où vous croyez-vous ? Vous vous imaginez peut-être que dans une ambassade, on peut travailler quand on veut et disparaitre plusieurs jours sans le signaler à qui que ce soit ? Vous croyez peut-être que je suis juste là en représentation. Je vous rappelle que je suis votre patron et vous devez me rendre des comptes. Où étiez-vous ? Qu’avez-vous fait ces jours –ci ?

Powells avait laissé passer l’orage. Devant son air déterminé, Arnold Taggard baissa le ton puis se tut, un court instant. Il consulta brièvement une note posée sur son bureau, un rapport militaire puis leva les yeux vers le jeune homme.

- Non ! Ne me dites pas que…

- Si, Arnold. Je suis allé écrire une nouvelle page blanche pour mon dossier.

L’ambassadeur soupira et prit un autre papier sur son bureau.

- Ce fax m’informe qu’on vous rappelle à Washington. Je suppose qu’il vient de votre hiérarchie, celle que je ne dois pas connaitre.

- C’est probable. Je suis désolé Arnold. Votre prochain attaché militaire sera certainement plus assidu.

Deux jours plus tard

Powells boucla sa valise. Ses caisses de matériel étaient reparties la veille. Il se rendit une dernière fois à son bureau.

- Bonjour Harriet.

- Bonjour Steve. C’est votre dernier jour.

- Oui. Ma valise est prête. Je pars demain. Vous voulez me faire plaisir Harriet ?

- Bien sûr.

- Alors, venez dîner chez moi ce soir.

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #NOUVELLES

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Que du bon, mais j'ai eu chaud...Alors nous ne te voyons plus sur FB car tu étais à Niamey ?
Répondre