LE BOUCHER DE SARTENE

Publié le 30 Juillet 2015

« Le monde est devenu complètement dingue » murmura Ahmir Ben Amar. Assis à son bureau du commissariat de Bastia, il consultait les pages info sur internet. Le jeune homme coupa sa connexion et se relaxa sur son fauteuil. Finalement, la Corse, comme premier poste, c’était plutôt sympa. Un poste qu’il avait obtenu à la force du poignet, en se classant premier de sa promotion à l’école de police. Pas mal pour un jeune sortant d’une banlieue que les médias et les politiques qualifiaient pudiquement de difficile. Cela faisait déjà deux mois qu’il était arrivé et, ce weekend- là, c’était sa première astreinte en solitaire. Le téléphone sonna.

- Inspecteur Ben Amar, j’écoute.

Son sourire s’estompa au fur et à mesure que son interlocuteur parlait. Il nota quelques mots puis raccrocha, pris son revolver et les clefs de sa voiture. Vingt minutes plus tard, il se présenta aux abords de la plage de la Marana à Furiani. La route était barrée par un ruban jaune. Le policier en faction s’approcha et Ben Amar lui montra sa carte. Il se gara face à la plage.

- Bonjour Messieurs.

- Bonjour Inspecteur. Je vous préviens, c’est pas beau à voir.

- Vous avez appelé le légiste ?

- Oui. Il va arriver d’un moment à l’autre.

- Parfait, j’y vais.

Le jeune homme s’approcha du groupe de policiers postés sur la plage. Il eut un haut le cœur en découvrant le corps. Ou plutôt… Les morceaux du corps ! Un raclement de gorge lui fit reprendre ses esprits.

- Bonjour. Je suis le docteur Cavalli, médecin légiste.

Le jeune inspecteur senti un léger frisson lui parcourir le dos. Malgré son jeune âge, Cavalli était une sommité, un des meilleurs légistes du moment. Ses études et ses publications sur les insectes nécrophages étaient mondialement connues.

- Bonjour. Inspecteur Ben Amar.

- Ah ! C’est vous le petit nouveau ? Bienvenue dans le monde du crime.

Les mots, comme le sourire, se voulaient apaisants. Ben Amar se détendit un peu.

- J’aurais espéré mieux comme cadeau de bienvenue.

- Voyons voir ça.

Cavalli s’approcha des morceaux humains posés sur le sable. Il en fit le tour puis se recula de quelques pas et resta pensif un instant.

- Bel étalage.

- Pardon ?

- Venez voir.

Ben Amar rejoignit le médecin.

- Regardez comme les morceaux sont rangés. Les membres d’un côté, les abats de l’autre. Et vous avez remarqué comme moi que les extrémités des membres sont emmaillotés dans de la résille. A quoi cela vous fait-il penser, inspecteur ?

- je ne sais pas… Si ! A un étal de boucher !

- Exactement ! Vous faites l’inventaire avec moi ?

- Vous y tenez vraiment ?

- Oui. Et puis je crois que vous n’avez pas le choix, je n’ai pas d’assistant aujourd’hui.

Les deux hommes se rapprochèrent du morbide étalage et entreprirent d’étiqueter les morceaux, de les photographier un à un.

- Bien, je crois que nous avons fait le tour.

- Si je peux me permettre, Docteur, je crois qu’il nous manque des morceaux.

- Et lesquels ?

- La tête et les parties génitales.

- Bien observé. Même si le corps a été soigneusement épilé, je saurais vite s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Par contre pour la tête, je ne vais pas vous être d’un grand secours, je le crains.

- Nous chercherons dans les fichiers des personnes disparues…

- Bien. Vos hommes vont m’aider à emballer et emporter tout ça. Je vous tiens au courant de mes résultats.

- Merci Docteur. Voici ma carte avec mon numéro de portable.

- Bon courage pour l’enquête.

La journée était bien avancée lorsque le jeune inspecteur rentra au commissariat. « Et ben, Ahmir, t’as tiré le gros lot pour la première » murmura-t-il tout bas une fois dans son bureau. Il se détendit un moment puis alluma son ordinateur et rédigea son rapport. Puis il se plongea dans le fichier national des personnes disparues. Mais sans le visage du mort, la recherche s’avéra ardue. Il nota quelques noms puis attendit la relève. Il rentra chez lui en début de soirée. Son portable se mit à sonner, numéro inconnu. Ben Amar décrocha.

- Bonsoir inspecteur. Docteur Cavalli. Votre collègue m’a dit que vous étiez rentré.

- Vous travaillez encore ?

- Ma femme et mes gosses sont en vacances sur le continent… Et puis ce cadavre m’intrigue.

- Vous avez du nouveau ?

- J’ai lancé quelques analyses A.D.N. Je saurais bientôt quel est le sexe de notre victime. J’ai envoyé les résilles au labo. Elles seront analysées dès demain. Mais j’ai fait deux ou trois constatations intéressantes.

- Lesquelles ?

- Pour l’épilation, le corps a été ébouillanté. On pratique de la même façon pour plumer les volailles.

Le jeune homme avala sa salive.

- Vous êtes toujours là, Ben Amar ?

- Oui. Je vous écoute.

- Le plus étonnant, c’est qu’il n’a pas été nettoyé à l’eau mais plutôt avec de l’alcool. Ca m’intrigue. Autant que la précision des découpes. Celui qui a dépecé et apprêté ce corps savait exactement ce qu’il faisait. Je vous envoie un premier rapport demain et je vous rappelle dès que j’ai des résultats.

- Merci. Docteur Cavalli ?

- Oui.

- Vous avez déjà vu ça ? Je veux dire, un corps découpé ?

- Non, jamais. Mais, si vous consultez les archives criminelles vous trouverez des cas similaires. Même si à chaque fois, cela se terminait par du cannibalisme.

- Merci Docteur. Bonne soirée.

- Bonne soirée, Inspecteur.

Ahmir Ben Amar dormit très mal cette nuit- là. Il revoyait sans cesse les morceaux du corps étalés sur la plage. Mais, dans son cauchemar, ils étaient étiquetés et une voix gouailleuse en vantait la qualité et la tendreté. Il arriva tôt au commissariat le lendemain et se plongea dans les archives de la police. Il trouva quelques affaires dont le mode opératoire se rapprochait de la sienne. Le commissaire principal entra dans son bureau.

- Bonjour Ben Amar. Je viens de lire votre rapport. Sale affaire.

- Oui.

- Vous avez une petite mine.

- C’est que…

- Ca vous a secoué. C’est normal. A l’école de police, on apprend à mener des enquêtes. Pas à se frotter à la mort. Vous avez avancé ?

- Pas vraiment. Il nous manque la tête de la victime. Sans son visage, les recherches sont difficiles. J’ai lancé un avis.

- Et du côté du légiste ?

- Le docteur Cavalli doit me transmettre son rapport dans la journée.

- Cavalli ? Vous avez de la chance. C’est un bon. Il va vous aider.

- Vous me confiez l’enquête ?

- Il faut bien commencer un jour. Trouvez-moi le taré qui a fait ça.

- Oui Monsieur.

Le jeune inspecteur se replongea dans les archives, notant tout ce qui pouvait le faire avancer. Il ne vit pas passer les heures. La sonnerie de son portable le fit sursauter.

- Ben Amar ? C’est Cavalli.

- Bonjour docteur. Du nouveau ? Parce que, de mon côté, je patauge.

- Oui. D’abord, notre victime est un homme. Assez grand, 1.90 mètre, selon mes estimations et plutôt sportif, d’après la texture de ses tissus musculaires.

- Bien. Cela va m’aider et restreindre un peu le cercle de mes recherches.

- Autre chose. La résille trouvée sur le corps est la même que celle utilisée en charcuterie. On peut s’en procurer assez facilement…

- L’assassin serait peut- être…

- Vous savez combien il y a d’éleveurs de porcs qui fabriquent leur propre charcuterie dans ce beau pays ?

- Beaucoup !

- Bon courage. Je vous envoie mon rapport.

- Merci Docteur.

Les journées passèrent. Ahmir Ben Amar se démenait corps et âme pour faire avancer son enquête. Il demanda des analyses complémentaires pour savoir où la résille avait été fabriquée, espérant ainsi remonter jusqu’aux revendeurs et aux clients. En parallèle, il avait commencé le recensement des producteurs porcins et des charcutiers de l’île et le croisait avec le fichier national des casiers judiciaires. Cela faisait presque deux semaines que le corps avait été découvert et il n’avait presque rien. Il était à son bureau ce matin-là lorsque son téléphone sonna.

- Inspecteur Ben Amar, bonjour.

- Bonjour inspecteur. Adjudant Favier, gendarmerie nationale.

- Que puis-je pour vous, adjudant ?

- Je suis à Murato. Nous avons découvert un cadavre.

- Je ne vois pas en quoi cela me concerne, mais je vous écoute.

- Le corps est coupé en morceaux.

- Nom de Dieu ! Vous y avait touché ?

- Non, nous arrivons juste sur place. Je savais que vous aviez eu un cas similaire à Furiani. J’ai préféré vous appeler tout de suite.

- Merci. Je préviens le docteur Cavalli et nous arrivons.

- J’envoie un de mes hommes à l’entrée du village pour vous guider.

L’inspecteur raccrocha et resta quelques secondes hébété. Il appela Cavalli.

- Bonjour Ben Amar.

- Nous avons un deuxième corps découpé !

- Où ça ?

- A Murato. Les gendarmes viennent de me prévenir.

- OK. J’envoie mon équipe et je passe vous chercher.

- Mais, je…

- Ne discutez pas. Au son de votre voix, je sais que vous n’êtes pas en état de conduire.
Le médecin raccrocha. Quelques minutes plus tard, les deux hommes roulaient vers Murato.

La voiture s’arrêta devant le portail d’une grande maison. A cette saison, le quartier résidentiel était presque désert. Le gros 4X4 s’engagea dans l’allée. La porte du garage s’ouvrit et le véhicule s’y engouffra. Au volant, la silhouette noire appuya sur la télécommande de fermeture. Le garage se retrouva dans la pénombre. Se détendre, évacuer le stress et l’adrénaline. Le conducteur appuya ses mains sur le volant et se cala contre l’appuie-tête, respirant lentement et profondément. Au bout de quelques minutes la silhouette vêtue de noir se glissa hors du véhicule, fit quelques mouvements d’assouplissement puis ouvrit une porte. Il y avait encore du travail, tout à ranger et nettoyer. Même si le prochain client n’arrivait que dans cinq jours…

Le gendarme guida Ben Amar et Cavalli jusqu’à la châtaigneraie. Les morceaux du corps étaient alignés sous un arbre. Le médecin observa attentivement la scène.

- De mieux en mieux. Il ne manque que les étiquettes, vous ne croyez pas ? Ben Amar ? J’ai dit une bêtise ?

Le jeune inspecteur parla brièvement de son cauchemar.

- Excusez-moi. Bien, comme pour le premier corps, il manque la tête et les organes génitaux et les morceaux du corps ont été soigneusement épilés et préparés. Le médecin saisit un bras, retira la résille à une extrémité et observa la découpe.

- Je ne sais pas qui est l’assassin, ni ce qu’il veut. Ce que je sais, par contre, c’est que c’est un as de la découpe. Regardez Ben Amar, c’est quasi chirurgical. Du travail d’artiste !

- Je ne suis pas sûr de vraiment aimer l’œuvre de ce boucher aux doigts d’or.

- Oui, je comprends. Bien, nous allons rapatrier tout ça sur Bastia et je me mets au travail.

Cavalli s’en alla donner des consignes à son équipe. Le jeune inspecteur rejoignit l’adjudant Favier.

- C’est la première fois que je vois ça, Inspecteur.

- Pas moi, hélas. Dites-moi, Adjudant, sans vouloir empiéter sur vos plates-bandes, j’aimerais bien enquêter sur ce crime.

- Ca va de soi. Vous êtes déjà chargé de l’enquête sur le premier meurtre. C’est votre première affaire ?

- Oui. Une drôle d’affaire. Bon, je prends la direction des opérations mais cherchez de votre côté. En conjuguant nos efforts, nous éviterons peut-être un troisième…

- Etalage ! Je vous ai entendu en parler avec le médecin. Ok, je marche avec vous. On va coincer ce salopard.

Ben Amar ne décrocha pas un mot jusqu’à Bastia. Au commissariat, il se rendit dans le bureau de son supérieur et le mit au fait des événements de la matinée.

- Bien. Si les gendarmes collaborent, nous avancerons peut-être plus vite. Je ne dis pas ça pour vous, Ben Amar. Je sais que vous faites le maximum. Ca donne quoi le fichier des personnes disparues ?

- Rien. J’ai étendu les recherches à toute l’Europe, via Interpol. J’espère que Cavalli va trouver quelque chose sur le deuxième corps, ne serait-ce qu’un indice. Parce que là…

- Ne vous découragez pas. Tôt ou tard, ces types commettent une erreur. Et se font prendre. Reste à espérer que celui-ci la commettra très vite.

Ben Amar retourna à son bureau. Depuis le premier jour, il était persuadé que l’assassin était un boucher. Il fit une recherche sur ceux de cette profession qui avaient eu des démêlés avec la justice. Deux résidaient en Corse et, même s’ils avaient été condamnés pour des escroqueries, le jeune inspecteur décida de les convoquer. Quand il rentra chez lui, il appela ses parents, à Trappes.

- Bonsoir papa.

- Bonsoir mon fils. Comment vas-tu ?

- Je vais bien. Juste un peu fatigué. J’ai une grosse enquête sur les bras.

- Les corps découpés ? J’ai vu ça à la télé.

- C’est très difficile…

- Souviens-toi de ce que je t’ai toujours dit : Même si le mur est haut, on peut toujours passer par-dessus.

- Oui papa. Je n’oublierai jamais tes conseils. La famille va bien ?

- Oui. Tes sœurs sont venues avec leurs maris. Tes cousins d’Alger viennent d’arriver.

- Et maman ?

Il y eut un petit rire au bout du fil.

- Elle est très occupée. Tu penses, ça fait au moins trois jours qu’elle n’a pas discuté avec la cousine. Je te la passe.

- Allo ? C’est toi mon fils ?

- Oui maman. Tu vas bien. ?

- Oui. Et toi ?

- Je suis un peu fatigué. Papa t’expliquera.

- Tu manges au moins ?

Ben Amar leva les yeux au ciel en souriant. Sa mère était incorrigible, comme toutes les mères.

- Mais oui, maman.

- Quand viens-tu nous voir ?

- Je ne sais pas. Peut-être à l’automne. J’ai du travail, tu sais.

- Mon fils est un grand policier ! Je le disais encore hier à Madame Al Kiffer. Il faut que je retourne à la cuisine. Au revoir.

- Au revoir maman.

Ben Amar discuta un moment avec ses sœurs puis il raccrocha. Il s’installa sur son canapé et se détendit. Il pensait à son grand-père, à la fierté qui faisait briller ses yeux quand il ramenait de bonnes notes de l’école. Quant à son père, il ne le remercierait jamais assez de l’avoir poussé dans les études et gardé coûte que coûte sur le droit chemin. Mouammar Ben Amar avait forgé vie à force de travail. Il avait mené l’éducation de ses enfants comme sa vie avec pour seul carcan celui de son autorité. Il les avait laissés faire leurs propres choix, quitte à ce qu’ils fassent des erreurs. Pour apprendre ! Ahmir souriait. Même à distance, ce moment en famille lui avait fait du bien. Cette nuit-là, il ne fit pas de cauchemars. Il rêva du délicieux couscous que préparait sa mère.

Le docteur Riva était dans son bureau. Il vit le taxi s’arrêter devant la porte et la passagère en descendre. Le médecin se leva et sortit pour l’accueillir.

- Madame Merck ?

- Oui. Bonjour docteur.

- Venez dans mon bureau.

Le médecin eut un long entretien avec sa visiteuse.

- Vous pouvez le faire, Docteur ?

- Bien sûr. Mais peut-être pas en une seule fois.

- J’aimerais que ce soit le plus rapide possible.

- Dans ce cas, ce sera une opération assez longue et donc une grosse anesthésie.

- Je pense que je peux la supporter.

- Soit. C’est vous qui décidez. Je vais, de toute façon, vous examiner. Vous m’avez amené vos bilans sanguins ?

- Les voici.

Le médecin examina longuement la feuille de résultats.

- Tout me semble en ordre.

- Je vous ai également préparé ceci, Docteur. J’espère juste que le résultat sera à la hauteur.

Madame Merck tendit une enveloppe au médecin. Il l’ouvrit et en sortit plusieurs liasses de billets de 500 euros.

- Vous ne serez pas déçue, je vous l’assure. Merci Madame. Venez avec moi.

Le docteur Riva montra sa chambre à sa visiteuse. L’opération était prévue pour le surlendemain. Dans la soirée, le médecin descendit au sous-sol et s’assura que tout était prêt.

- Asseyez-vous, Monsieur Carlotti.

Ben Amar s’installa à son bureau.

- Puis-je savoir pourquoi je suis ici, Inspecteur ?

- Monsieur Carlotti, vous avez été condamné il y a dix ans…

- J’ai payé pour ça !

- Je sais et ce n’est pas ça qui me préoccupe. Quelles sont vos relations avec votre ancien patron ?

- Bonjour, bonsoir, quand nous nous croisons, c’est tout. Nous habitons le même village.

- Pas de dispute ? Avec qui que ce soit ?

- Aucune.

- De quoi vivez-vous aujourd’hui ?

- J’ai repris la ferme de mes parents avec ma compagne.

Le jeune inspecteur tressaillit.

- Vous élevez des cochons ?

- Non. Des chèvres et quelques vaches. Pour le lait. Nous fabriquons des fromages.

Ben Amar poursuivit l’entretien un long moment puis renvoya Carlotti. Il était le premier des deux bouchers qu’il avait convoqués. La deuxième audition se termina tard dans l’après-midi. Le jeune inspecteur s’étira et réfléchit un long moment. Les deux hommes menaient une vie rangée et calme depuis leurs condamnations. Rien qui puisse les relier aux crimes. Il avait fait chou blanc. Un peu découragé, il se prépara à rentrer chez lui. Son portable sonna.

- Ben Amar ? C’est Cavalli.

- Bonjour Docteur.

- Ca n’a pas l’air d’aller très fort.

L’inspecteur raconta brièvement sa journée.

- Vous avez quelque chose de prévu ce soir ?

- Euh… Non.

- Passez chez moi, nous dinerons et nous parlerons.

- D’accord.

- Disons 20 heures. Je vous donne l’adresse.

Ben Amar raccrocha et rentra chez lui. Cavalli habitait au nord de Bastia, dans un quartier résidentiel. A 20 heures précises, le jeune homme sonna chez le médecin.

- Pile à l’heure !

- J’ai horreur d’être en retard.

- Il vous faudra expliquer votre méthode à ma femme. Elle n’arrive jamais à être à l’heure.

Les deux hommes rirent puis s’installèrent au salon et discutèrent un moment. Cavalli se leva.

- Excusez-moi. Je vais voir où en est mon tajine.

- Un tajine ?

- Oui. J’ai pensé que cela vous ferait plaisir. Mais, soyez indulgent. Je suis moins doué pour la cuisine que pour la médecine.

- J’essaierai de ne pas comparer votre tajine à celui de ma mère.

Le médecin s’absenta quelques minutes puis rejoignit son invité.

- D’où venez –vous ? Je veux dire, votre famille ?

- D’Alger. Mon grand-père est venu en France avec sa famille après l’indépendance. Je suis né et j’ai grandi à Trappes. Mon père travaillait chez Renault.

- Trappes. Et vous en êtes sorti. Beau parcours.

- Mon père me disait toujours que je n’aurai que ce que je méritais. Alors j’ai travaillé.

- Major de votre promotion à l’école de police, à ce que j’ai entendu dire.

- C’est ma seule fierté. Et pour le moment, j’ai le sentiment que cela ne me sert pas à grand- chose.

- Nous verrons ça. Et si nous buvions quelque chose ? Pas d’alcool, je présume.

- Je considère que ma religion m’interdit de me soûler, pas de boire raisonnablement. Je crois que c’est aussi ce que préconise vos évangiles, à vous, les catholiques.

Cavalli regarda le jeune homme par en-dessous puis eut un grand sourire.

- Catholique, moi ?

- ???

- Je suis juif. Le vrai nom de notre famille est Heyman. Quand Hitler a pris le pouvoir en Allemagne, mon grand-père a tout de suite senti le danger. Il est venu s’installer ici et a changé de nom. Il était médecin et s’est installé à Corte.

- Au milieu des allemands ?

- « On n’est jamais plus en sécurité qu’au milieu de ses ennemis », disait mon grand-père. Mais il a fait tout ce qu’il fallait pour se fondre dans la population corse et faire oublier ses racines. Après la guerre, il a gardé son nom d'emprunt : Cavalli.

Ben Amar se mit à rire.

- Qu’est-ce qui vous amuse ?

- Nous deux ! Un juif et un musulman qui travaillent main dans la main, du jamais vu !

- C’est vrai que c’est assez rare pour être amusant. Il ne manquerait plus que nous réussissions.

- Je l’espère.

Les deux hommes dinèrent puis sortirent sur la terrasse. Cavalli proposa un cigare

- Non merci. Je ne fume pas.

- Et vous avez bien raison.

- Votre Tajine était excellent. Sincèrement.

- Merci. Mais si votre mère veut me donner sa recette, je suis preneur. Bien ! Parlons de notre affaire.

- Nous sommes coincés. Toutes les pistes que je suis mènent dans des culs- de- sac.

- Faisons un peu de psychologie. Notre tueur veut sûrement faire passer un message. Ces mises en scène macabres ne sont pas dues au hasard.

- Je me suis posé la question pour essayer de le cerner mais j’en arrive toujours à la même conclusion : C’est un boucher ou quelqu’un qui fréquente ce milieu- là.

- Je ne crois pas trop à la théorie du boucher vengeur ou déçu.

- Mais, parfois…

- Parfois, quoi ? Poursuivez !

- Je doute. Notre tueur pourrait essayer de brouiller les pistes, de nous faire croire que…

- J’y avais songé moi aussi. Mais alors, quel est le message qu’il nous envoie ?

- Je n’en sais rien.

Le jeune inspecteur se plongea dans sa réflexion. Cavalli le guettait du coin de l’œil en tirant sur son cigare. Ce gamin lui plaisait. Il avait une volonté de fer et était d’une grande intelligence. Ses parents, sa famille devaient être très fiers de lui. Et ils avaient raison !

- Et si… Et si c’était un de ces écolos… ?

- Je ne vous suis pas, Ben Amar.

- S’il essayait de nous montrer que nous ne valons pas mieux que ces animaux que nous vendons dans nos boucheries, que nous pourrions connaitre le même sort en présence d’une espèce qui nous serait supérieure.

- Votre théorie se tient. Mais, à ce moment-là, les bouchers deviennent victimes.

- Exact. Voilà qui nous donne une autre piste à suivre.

Le jeune homme se leva et prit congé.

- Merci pour cette soirée, Docteur. Elle m’a fait du bien.

- C’était le but. Bonne nuit, Inspecteur.

La nuit était tombée depuis plus d’une heure. Une nuit sans lune. La silhouette noire se glissa derrière le volant. Le gros 4X4 sortit de la villa et prit la direction du centre- ville. Les doigts gantés de noir se crispèrent un peu sur le volant lorsque le véhicule croisa une patrouille de gendarmerie. Le conducteur jeta un œil sur le G.P.S. posé sur le tableau de bord et accéléra doucement, la route allait être longue. Deux heures plus tard le 4X4 quitta la route entre Ponte Leccia et Bastia et s’engagea sur un chemin forestier…

Ben Amar arriva à son bureau au moment où le téléphone sonnait. Il se précipita sur l’appareil.

- Bonjour Inspecteur. Adjudant Favier.

- Bonjour. Vous avez des nouvelles ?

- Oui. Et pas vraiment réjouissantes. Nous avons trouvé un autre corps. Enfin, les morceaux d’un autre corps. J’ai appelé le docteur Cavalli.

Ben Amar nota les renseignements et se mit en route. Au prix de quelques acrobaties et de deux flashes de radar, il fut sur place en moins d’une heure. Cavalli arriva avec son équipe quelques minutes plus tard. Il s’arrêta à hauteur de l’inspecteur.

- Tiens, c’est étrange.

- L’emballage de cellophane ? Je trouve ça curieux, moi aussi.

Cavalli regarda autour de lui.

- En fait, ce n’est pas si surprenant. Nous sommes proches d’une étable, il y a beaucoup de mouches… Et puis, la nuit était humide, il y a encore de la rosée.

- Vous voulez dire qu’il a fait ça pour protéger les morceaux ?

- Exactement. Il tient à ce que nous trouvions sa « marchandise » intacte. Il la protège. En tout cas, voilà qui colle à votre dernière théorie, Inspecteur. Dommage pour moi, je ne vais pas pouvoir vérifier ma dernière théorie sur les nécrophages.

- Comment faites- vous Docteur ?

- Comment je fais quoi ?

- Pour prendre ces horreurs avec autant de détachement ?

- L’habitude. Et puis… La médecine légale est une vocation.

- Je vois.

Les deux hommes examinèrent longuement les morceaux humains. Un gendarme s’approcha.

- Venez voir, Inspecteur. Nous avons trouvé des traces de pneus.

Ben Amar suivit le gendarme. Apparemment, il s’agissait d’un gros véhicule qui n’avait rien avoir avec celui du berger qui avait découvert le corps. L’inspecteur demanda qu’on fasse un moulage de l’empreinte laissée par le pneu et chargea Favier de faire les recherches sur le véhicule. Cavalli rejoignit le jeune policier.

- Bien, je rentre sur Bastia. Je vous tiens au courant.

Ben Amar attendit que les gendarmes soient partis et s’engagea sur le chemin, marchant lentement, les yeux rivés au sol. Il se mit à murmurer. Il avait pris cette habitude de se parler pendant son enfance et ne l’avait plus lâchée. Cela l’aidait à réfléchir.

« Alors ? Dis-moi d’où tu viens, enfoiré. Dis-moi ce que tu veux. C’est quoi ton message ? Tu crois que tu vas me balader longtemps comme ça ? Tu me connais mal. Je vais pas te lâcher »

L’inspecteur suivit la piste jusqu’à la route puis remonta à sa voiture. Celui qui l’aurait croisé se serait demandé qui était ce fou qui marchait en montagne en chaussures de ville et en murmurant tout bas. Avant de mettre le contact, il prit une profonde inspiration. Il s’était trompé depuis le début. Mais maintenant…

Cavalli l’appela dans la soirée.

- Vous m’avez l’air bien joyeux, Docteur.

- Notre assassin a fait une erreur ! Il a laissé une trace !

- Expliquez-moi.

- Quand j’ai déballé les morceaux du corps, j’ai trouvé un cheveu sous la cellophane. Je l’ai envoyé au labo en demandant une comparaison avec l’A.D.N. de la victime. Nous aurons les résultats d’ici quarante-huit heures.

- J’ai fait une promenade après votre départ. Constructive.

- Je vous écoute.

- Il n’est pas d’ici. Pas de Bastia, peut-être même qu’il n’est pas de Haute Corse. Il vient juste « exposer » dans la région. Notre assassin est un pervers méthodique, il est intelligent. Il veut faire passer un message mais, en même temps, il brouille les pistes pour qu’on ne le retrouve pas. Quant au message qu’il nous envoie, je pense que ma théorie n’en n’est pas loin.

- Un assassin intelligent ! La pire espèce ! Mais nous allons le coincer. Autre chose, notre dernière victime est une femme.

- Quoi ? Vous êtes sûr ?

- J’aurais la confirmation par l’analyse A.D.N., mais l’examen des membres et du bassin est sans appel.

- Merci docteur.

- De rien. Je vous rappelle dès que j’ai les résultats.

Ben Amar raccrocha. Pour la première fois depuis quelques jours, il avait le sourire. Il interrogea le fichier des personnes disparues axant la recherche sur les femmes. Le logiciel se mit à tourner, interrogeant les bases de données de la police, de la gendarmerie et d’Interpol. Au bout d’une demie- heure, il trouva une réponse. Ben Amar consulta longuement la fiche et l’imprima. Puis il monta voir son supérieur. Il contacta ensuite Interpol. Une heure plus tard, deux policiers se présentèrent devant une grande maison de la banlieue d’Anvers. En début de soirée, un avion décolla de Belgique, emportant vers Bastia, un anodin mais précieux chargement.

Le docteur Riva s’allongea sur le bain de soleil au bord de la piscine et pris son livre. Le rangement pouvait attendre. Le prochain patient ne serait là que dans deux semaines. Cela laissait le temps à sa commande d’arriver…

Ben Amar attendit une bonne partie de la nuit l’arrivée de l’avion et amena lui-même son précieux chargement à l’institut médico- légal. Il laissa des consignes à l’équipe de nuit. En début d’après-midi, Cavalli débarqua dans son bureau de la P.J.

- Ben Amar! J’ai du nouveau!

- Bonjour Docteur. Je vous écoute.

- Asseyez-vous, parce que c’est du lourd. Notre victime est bien une femme mais le plus étonnant n’est pas là.

- Ne tournez pas autour du pot, Docteur.

- Le tueur est… Une tueuse !

- Pardon?

- Vous vous souvenez de ce cheveu que j’ai trouvé sur le corps? Son A.D.N a parlé et il s’agit de celui d’une femme. Au fait, c’est quoi ce peigne que vous avez amené cette nuit ?

- Il appartient à une personne signalée disparue. Une femme d’affaires belge, Eliane Merck. J’ai demandé une comparaison avec l’A.D.N. de la victime. On devrait avoir les résultats ce soir. Mais, si notre assassin est une femme, elle doit être sacrément costaude. Les deux premières victimes n’étaient pas des freluquets.

- Et leurs corps ne présentaient aucune trace de coups, aucune blessure. Mais, elle peut leur avoir fracassé le crâne ou tiré une balle dans la tête.

- Ce qui expliquerait pourquoi elle ne les exposait pas.

- Mais pourquoi faire disparaitre les organes génitaux ?

- Ca, je ne sais pas.

Le téléphone du médecin sonna. Il resta un moment éberlué puis enclencha le haut- parleur.
- Je suis avec l’inspecteur Ben Amar. Vous pouvez nous répéter ce que vous venez de me dire ?

- Oui. Nous avons analysé les résilles trouvées sur le dernier corps. Elles sont identiques aux précédentes à l’exception de deux. Ces dernières ne sont pas des résilles utilisées en charcuterie mais celles que l’on emploie en chirurgie.

- Vous êtes sûr ?

- Certain. Nous avons les mêmes au laboratoire.

Cavalli raccrocha.

- Il n’y a qu’un seul grossiste en matériel médical sur toute l’île. Il fournit tout le monde, les hôpitaux et tous les médecins indépendants, les cabinets infirmiers... Vous comprenez, Ben Amar ?

- Très bien ! Je sais où chercher. Merci Cavalli.

Le jeune homme fut surpris de cette soudaine familiarité mais le médecin se contenta de sourire et sortit. Ben Amar lança ses recherches. La tâche était vaste. L’inspecteur commençait à perdre courage lorsqu’il eut soudain une idée. Il prit son téléphone.

- Docteur ? Vous connaissez du monde au conseil de l’ordre ?

- J’y ai quelques relations, pourquoi ?

Le policier expliqua au médecin son idée.

- Ca ne va pas être facile. Notre monde est assez fermé et discret sur ce genre de choses.

- Et avec une commission rogatoire ?

- Ah, là, ce sera différent. Je vais vous donner le numéro d’un de mes amis à Paris. Appelez- le de ma part et n’oubliez pas de lui envoyer une copie de la commission rogatoire.

Ben Amar raccrocha et téléphona au tribunal. Deux heures plus tard, il entrait en conversation avec un médecin parisien. La discussion fut très longue. Quand il raccrocha, le jeune inspecteur souriait. Un sourire radieux, le même que celui qui illuminait son visage d’enfant quand il découvrait ses cadeaux d’anniversaire ou de Noël.

Le quartier résidentiel se trouvait un peu à l’extérieur de Sartène. La rue qui desservait les grandes villas était calme. Le docteur Riva était dans son bureau. Le médecin goûtait son plaisir. Enfin l’heure de la revanche avait sonné. Et elle était terrible ! Autant que toutes ces années. Il fallait tout effacer. Cette infime erreur qui avait fait de sa vie un cauchemar, la lâcheté puis le rejet de ses confrères, la prison pendant quelques semaines, l’humiliation publique, l’exil. Bientôt, tout cela serait loin derrière. Perdu dans ses pensées, le médecin ne vit pas les voitures de police se garer devant sa villa et en bloquer les issues. La sonnerie fit sursauter le médecin qui alla ouvrir.

- Madame Florence Riva ? Docteur Florence Riva ?

- Oui. C’est moi.

- Bonjour. Inspecteur Ben Amar, P.J. de Bastia.

- Que puis-je pour vous inspecteur ?

- Me laisser exécuter ce mandat de perquisition.

Le médecin blêmit, ce qui n’échappa pas à l’inspecteur. Florence Riva s’écarta pour laisser passer les policiers qui investirent la maison. Ben Amar lui passa les menottes.

- Mais….

- Simple précaution, Madame.

Elle alla s’asseoir sur un canapé et observa, désemparée, le ballet des policiers. L’un d’eux s’approcha de Ben Amar qui le suivit. Il revint quelques minutes plus tard et se planta devant le médecin.

- Madame Riva, connaissez-vous Madame Eliane Merck ?

- Non, pas du tout.

- Ca, c’est étonnant. Parce que voyez-vous, dans une de vos chambres, nous avons trouvé une valise. Une valise qui contient des vêtements qui, manifestement, ne vous vont pas mais aussi les papiers de cette dame.

- Je n’ai rien à vous dire ! Je ne dirai rien, surtout pas à un …

- Arabe ? Vous commettez là un délit de « sale gueule », comme on dit. Mais, je ne mentionnerai pas cela dans mon rapport. Je crois qu’il sera déjà assez chargé comme ça. Cependant, pour votre gouverne personnelle…

- Inspecteur ! Venez !

Ben Amar suivit son collègue au sous-sol. Il nota la présence du gros 4X4 noir dans le garage et entra dans la pièce que les policiers venaient de découvrir. Médusé, il fit le tour de l’endroit. Un bloc opératoire ! Le docteur Riva avait installé un bloc opératoire chez elle. Dans quel but ? Le jeune inspecteur s’approcha d’une armoire et l’ouvrit. Il se détourna et faillit vomir. Sur une étagère, dans des bocaux remplis de formol, les têtes des trois victimes lui faisaient face. Il reprit ses esprits.

– Bon. Messieurs, laissons travailler nos collègues de la scientifique. Les gendarmes leur tiendront compagnie. Nous rentrons. Madame Riva a beaucoup de choses à nous dire.

Ben Amar prit le temps de rendre compte à son supérieur et de souffler un peu avant de commencer l’interrogatoire de Florence Riva. Elle commença par refuser de parler puis craqua. Ses nerfs la lâchèrent et elle raconta tout. Depuis l’erreur pendant une opération qui, dix ans plus tôt, avait envoyé son patient à la morgue jusqu’à son installation à Sartène. C’est là qu’elle avait commencé à opérer clandestinement et mis, petit à petit son plan machiavélique au point. Un policier vint informer Ben Amar de l’identité des deux premières victimes et lui confirma que la dernière était bien Madame Merck. Florence Riva avoua les trois meurtres.

- Pourquoi les tuer ? Il vous suffisait de réussir ces opérations pour prouver que vous étiez un bon chirurgien.

- Parce que vous croyez que l’on m’aurait donné une seconde chance ? Vous connaissez mal le milieu médical, Inspecteur.

Le jeune homme se remémora sa discussion de la veille avec le médecin du conseil de l’ordre. La tueuse marquait un point.

- J’ai une dernière question, Madame Riva.

- Laquelle ?

- Pourquoi cette mise en scène avec les cadavres ?

- Vous n’avez donc pas compris ? Regardez un peu notre monde. Nous passons notre temps à nous vendre. La seule chose qui compte c’est notre apparence. Il faut être beau, bien présenter. C’est ce que voulaient mes trois patients. La chirurgie devait augmenter leur atout « charme » pour leur permettre de gagner encore plus ou d’obtenir un poste plus important.

- Je comprends mais était-ce bien nécessaire de tuer pour le dire ?

- Chacun sa méthode. J’espérais que cela produirait un électrochoc.

- Avez- vous autre chose à ajouter ?

- Non.

- Je vais vous faire ramener en cellule. Dans un moment vous serez déférée devant un juge.

Un policier vint chercher Florence Riva. Dans le couloir, elle croisa le docteur Cavalli.

- Bonjour cher confrère.

- Confrère ? Non Madame. Certainement pas. Vous avez trahi notre serment, celui qui nous pousse à sauver des vies, pas à les arrêter.

- Et c’est vous qui passez votre vie à découper des corps qui me dites ça !

- Mon travail consiste à expliquer à des familles dans la peine pourquoi un de leurs proches est mort, rien de plus. Vous êtes une meurtrière. Nous n’avons rien en commun.

Ahmir Ben Amar sortit du bureau du commissaire. Celui-ci venait de le féliciter. Le jeune inspecteur sortit dans la cour et composa le numéro de ses parents.

- Ahmir, mon petit ! On a vu à la télé que tu avais arrêté cette criminelle. Comment vas-tu ?

- Je vais bien maman. J’ai une nouvelle. Je vais venir.

Le cri de joie lui vrilla le tympan.

- Quand ?

- Dans quelques jours. J’arriverai samedi.

- Je vais te préparer un bon repas. Pourquoi tu ne viens pas plus tôt ?

- Parce que j’ai encore des choses à faire ici. Je serai là samedi maman. Dans trois jours.

Ben Amar raccrocha. Le soir, à 20 heures précises, une bouteille de vin algérien sous le bras, il sonna à la porte du docteur Cavalli.

- Bonsoir Ahmir.

- Bonsoir Simon.

Les deux hommes s’installèrent sur la terrasse. Cavalli déboucha la bouteille de vin.

- Voilà. Vous avez résolu votre première affaire. Et brillamment !

- Vous m’avez bien aidé. Encore merci pour votre soutien.

- Que pensez-vous de cette femme ?

- Que la rancœur est le premier pas vers la folie. Finalement, même si je ne peux pas l’excuser, je la plains.

- Je partage votre avis.

- Cette affaire m’a épuisé. Mais, avouez que pour une première…

- Je vais vous donner un dernier conseil, Ahmir. Soufflez un peu, laissez retomber la pression. Ce genre d’affaires laisse toujours des traces, bien plus profondes qu’on ne le croit.

- Je vais aller passer quelques jours à Trappes.

- C’est une bonne chose. La famille est toujours une excellente bouée quand on a besoin de sortir la tête d’une eau trouble. N’oubliez pas de demander la recette de son Tajine à votre mère.

- Je n’y manquerai pas. Et si nous trinquions ?

Cavalli servit deux verres.

- A notre fructueuse collaboration, Docteur.

- A notre amitié, Inspecteur.

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #NOUVELLES

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