NOUVELLE: LE CARREFOUR DE l'ARBRE MORT - 2eme PARTIE - RETOUR A ALGONA

Publié le 5 Mai 2013

Algona, trois ans plus tard…

La petite ville se réveillait après ce long hiver. Il avait fait très froid et beaucoup neigé sur l’Iowa ces derniers mois. Mais, depuis deux semaines, le soleil brillait et, s’il restait, çà et là, quelques plaques de neige, le printemps faisait une arrivée en force. Les près reverdissaient et les arbres se couvraient de bourgeons et de fleurs. En compagnie de son chien, Brad Murton trainait dans les bois. En fait, il braconnait. Sa besace contenait déjà deux beaux lapins qui, attirés par les graines de myrthe séchées, s’étaient laissés prendre à ses collets. Depuis que le séquoia géant avait brûlé, les arbustes avaient envahi l’espace. Brad Murton s’avança vers la forêt de hêtres qui s’étendait, par-delà la colline, jusqu’à Spencer. Il siffla son chien et entra sous les arbres qui s’habillaient de leurs premières feuilles. Il se souvenait avoir posé des collets là deux jours plus tôt. Il était sûr de les avoir déposés au pied de cet arbre. Mais il n’y avait plus rien, juste une touffe de poils gris. Brad appela de nouveau son chien. Il entendit une sorte de bruit métallique derrière lui, comme des lames d’épées frottées l’une contre l’autre. Il se retourna, ouvrit la bouche pour crier...

- Je vais coucher Jenny et je viens te rejoindre, James.

- D’accord ma chérie

James Warner se cala dans son fauteuil. Cette soirée de printemps était très agréable. Il faisait bon et il avait prévu de rester un moment sur la terrasse. A son retour de l’hôpital, il s’était rapproché de Sally. Il en était même tombé amoureux et ils s’étaient mariés deux ans plus tôt. Jenny, leur petite fille, était née un an après. Sally redescendit et vint s’asseoir près de James

- Vous- a- t-on déjà dit que vous êtes très belle, Madame Warner ?

- Il me semble que tu me le dis tous les jours, James. Mais je ne m’en lasserai jamais.

- C’est tant mieux parce que j’ai l’intention de te le dire encore très longtemps.

Elle se blottit contre lui. Ils restèrent un long moment sur la balancelle, observant les étoiles puis montèrent se coucher. En baissant le store, James observa la petite ville. Algona avait bien grandi, en trois ans, depuis que la conserverie s’était installée. L’usine avait amené de nouveaux habitants et beaucoup de maisons s’étaient construites, le long de Baxter Road qu’il avait fallu élargir et renforcer à cause de la circulation des camions. La petite ville perdue, où jamais personne ne venait, grandissait à vue d’œil. Elle y perdait un peu de son charme, certainement. Mais elle y gagnait de la vie. L’école s’était de nouveau remplie, les commerces tournaient à plein régime et le dispensaire obtenait plus facilement des crédits des autorités du comté. James jeta un regard vers le haut de la colline, comme il le faisait souvent. Il n’arrivait pas à effacer de sa mémoire l’image du grand arbre décharné. Sa silhouette noire le hantait, comme le souvenir de la terrible lutte qu’il avait livrée sous ses racines. Il aurait tant aimé, pourtant, effacer ces images, oublier les cris de ce monstre, créé par les hommes, qu’il avait affronté. Mais il n’y arrivait pas. Et la peau brûlée de son dos, cette partie de son corps sur laquelle il ne sentait même pas les mains de sa femme, ne l’y aidait pas. Il ferma le store, se coucha et serra Sally contre lui et chassa ses mauvais souvenirs, au moins pour un temps.

Mary Galloway avait décidé d’aller ramasser des champignons. Il avait plu la semaine précédente. Les trois jours de beau temps qui venaient de passer avaient dû les faire sortir. Son panier sous le bras, elle remonta Baxter Road jusqu’au carrefour de la route 35. Elle vit passer le bus de la Greyhound qui remontait vers Mason City et remarqua la camionnette blanche garée à l’entrée du chemin forestier. C’était celle de Brad Murton et ce chenapan devait encore être en train de braconner. Mrs Galloway était l’ancienne institutrice d’Algona. Elle avait eu la plupart des habitants comme élèves et connaissait toutes leurs petites manies. Mary traversa la route et s’enfonça au milieu des myrtes, les yeux rivés au sol. Elle pensait trouver des mousserons, ces petits champignons marrons si parfumés. Ce soir, elle ferait sûrement une bonne omelette pour sa nièce. Elle aperçut enfin ce qu’elle cherchait au pied d’un arbuste. Elle s’agenouilla et commença sa cueillette en chantonnant. Elle entendit soudain du bruit. Sûrement une biche qui venait se régaler des jeunes pousses des myrtes ou ce brigand de Brad qui lui faisait une mauvaise plaisanterie, c’était bien son genre. Elle leva la tête pour s’en assurer et resta pétrifiée…

Bill Dexter aperçut lui aussi la camionnette blanche lorsqu’il rentra de Mason City. Il songea qu’il lui faudrait avoir une petite discussion avec Brad, un de ces jours. Oh, bien sûr, ce n’étaient pas quelques lapins pris au collet qui allaient vider la forêt de son abondant gibier, mais le braconnage était interdit et le sheriff était là pour faire respecter la loi. Bill se promit d’aller faire un tour chez Murton dès le lendemain. Pour l’heure, il n’avait qu’une envie. Rentrer et retrouver son bureau. Ces quelques jours de colloque l’avaient épuisé et sa petite ville lui manquait. Il consulta rapidement les rapports de ses deux adjoints et tomba justement sur une plainte d’un fermier, voisin de Brad, dont les poules disparaissaient mystérieusement depuis quelques jours. Le jeune sheriff décida de tirer cette affaire au clair. Il prit sa voiture et se rendit chez le fermier en pensant que son vieux pote Brad s’était mis à déconner sérieusement. Dexter écouta longuement les doléances et les lamentations du fermier puis se rendit chez le braconneur. Il inspecta soigneusement les alentours de la maison mais ne trouva rien. Il décida alors d’aller attendre Brad à sa voiture et de lui faire une petite surprise. Quelques minutes plus tard, il se garait derrière la camionnette. Il descendit de voiture et regarda autour de lui, sans voir âme qui vive. Il se mit à inspecter la camionnette. A l’arrière, il trouva du fil de fer, destiné à fabriquer les collets. La cabine du véhicule ressemblait à une poubelle où l’on aurait jeté, pêle-mêle des vieux journaux, des emballages de sandwiches et des boites de bière. Dexter entendit soudain une sorte de gémissement, une plainte à peine perceptible. Il fit le tour de la voiture. A l’avant, il découvrit le chien de Brad Murton. La pauvre bête était bien mal en point, complétement affamée et déshydratée et son arrière- train n’était plus qu’une plaie béante. Dexter retourna à sa voiture, y prit une bouteille d’eau. Il mouilla doucement le museau du chien puis le fit boire dans sa main. Il ne pouvait détacher ses yeux de ses pattes arrières. Il finit par se souvenir où il avait déjà vu une telle blessure. C’était sur la poitrine de Skully* ! Dexter prit délicatement le chien dans ses bras, le déposa à l’arrière de sa voiture et se rendit au dispensaire…

- Bill ! Vous voilà donc rentré.

- Oui James. Venez voir dans ma voiture, s’il vous plait.

Warner s’approcha et découvrit le chien blessé.

*Voir la première partie

- Je ne suis pas vétérinaire, Bill. Désolé. Il vous faut aller à Spencer pour ça.

- Regardez bien la blessure, James. Elle ne vous dit rien ?

Warner se pencha sur le chien et fut horrifié. Non ! Ce n’était pas possible ! Le cauchemar recommençait !

- C’est le chien de Brad Murton. Je l’ai trouvé à côté de sa voiture, là-haut, au carrefour.

- Et Brad ?

- Pas vu. Il devait être en train de braconner dans la forêt.

- Portons ce pauvre chien à la morgue, Bill. On ne peut plus rien faire pour lui, il va falloir que je le pique.

Warner, tout en tentant de cacher son trouble, administra un anesthésiant à l’animal puis lui injecta une solution létale.

- Je vais m’occuper de l’incinérer, sheriff

- Merci. Je vais laisser une convocation à Murton.

Dexter sortit de la morgue. Le médecin préleva un peu de la matière gluante qui se trouvait dans la plaie du chien. Puis il porta le corps l’animal dans le four qui servait à brûler les déchets dangereux du dispensaire. Dans son bureau, Warner ouvrit son coffre, en sortit quelques papiers, puis il retourna dans son laboratoire. Il travailla longtemps, faisant analyse sur analyse.

- Il est l’heure de rentrer, James.

- J’ai encore un peu de travail, Sally. Vas chercher Jenny et rentres à la maison. Je vous rejoindrai.

- Tu en as pour longtemps ? Tu n’as pas oublié que Bill vient diner ce soir ?

- Bon sang, j’ai bien failli ! Et je l’ai vu tout à l’heure, en plus ! J’en ai encore pour une ou deux heures, mais je serai là pour le repas.

- Tu es sûr que tout va bien ? Tu es tout pâle.

- Tout va bien, rassures-toi. Je suis juste un peu fatigué.

- D’accord. A tout à l’heure.

Elle l’embrassa et sortit du laboratoire. Le médecin se remit à son microscope. Il eut bientôt la certitude que ce qu’il avait prélevé sur le chien était bien la même matière que celle qu’il avait prélevée sur le corps de Skully, trois ans plus tôt. Il nota que sa concentration en acide était bien plus élevée. Le monstre n’était donc pas mort et, comme dans les pires des cauchemars de Warner, il était de retour à Algona, aussi affamé qu’avant. Warner rangea ses notes et rentra chez lui. Le soir tombait. Sally s’affairait dans la cuisine.

- Me voilà. Tu veux que je t’aide.

- Non, tout est presque prêt. Jenny est couchée. Elle était très grognon ce soir.

- Je vais aller l’embrasser et me rafraichir un peu.

Il monta à l’étage. Sa fille dormait à poings fermés. Il déposa un léger baiser sur son front et se rendit à la salle de bains. Il était inquiet. Il se souvenait des paroles du monstre dans la grotte, trois ans plus tôt. D’ailleurs, comment avait-il pu parler ? Warner avait-il rêvé cette discussion ? Il se promit de se pencher sur la question dès que possible. Il entendit la voiture de Dexter s’arrêter devant la maison.

La soirée fut agréable. Dexter parla de son colloque et de son séjour à Mason City. Warner évoqua l’accroissement de population d’Algona. Il avait de plus en plus de travail au dispensaire. Bientôt, il faudrait un second médecin pour l’aider. Le sheriff acquiesça en ajoutant qu’il avait déjà songé à recruter un adjoint. Il allait en parler au prochain conseil municipal.

- Je vais vous laisser messieurs, je suis un peu fatiguée

- Bonne nuit Sally. Merci pour cet excellent repas.

- Bonne nuit ma chérie

La jeune femme les laissa.

- Un petit whisky, Bill ?

- C’est pas de refus. Vous avez incinéré cette pauvre bête ?

- Oui, c’est fait. Vous avez eu des nouvelles de Brad ?

- Non. J’ai déposé une convocation chez lui et, comme il n’était toujours pas rentré, j’ai mis un mot sur son pare-brise.

- Il n’était pas rentré ?

- Brad est un gars du coin. Ca lui arrive de partir plusieurs jours en forêt. Je ferme les yeux sur son petit braconnage. Après tout, ce ne sont que quelques lapins…

- Oui, vous avez raison.

- C’était curieux quand même… La blessure du chien

Warner attendait cette remarque. Il choisit de taire ses inquiétudes.

- Bah. Pas tant que ça en fait. Je l’ai examinée avant de brûler le chien. Il avait dû se faire prendre à un piège ou quelque chose comme ça. Si Brad l’avait emmené tout de suite chez un vétérinaire, on aurait peut- être pu le soigner.

- J’en toucherai deux mots à Brad, quand je le verrai. Il se fait temps d’aller dormir, je crois. Bonne nuit James et merci pour la soirée et le whisky.

- Bonne nuit Bill.

Le docteur James Warner ne dormit pas cette nuit- là. Il avait menti au sheriff, par omission, pour ne pas passer pour un fou. Mais, si ses craintes se vérifiaient, la ville, sa famille, courraient un énorme danger. Il fallait qu’il trouve une solution pour en écarter Sally et Jenny. Il fallait qu’il trouve ce monstre et qu’il en termine avec lui, une bonne fois pour toutes !

Le lendemain matin, il se mit à la fenêtre de son bureau et, tournant ses yeux vers le carrefour, scruta l’horizon.

- Où te caches-tu maintenant, saleté ? Je sais que tu es là. Je vais te trouver et te détruire, même si je dois raser cette forêt…

Perdu dans ces pensées, il n’entendit pas le téléphone sonner.

- James ! Tu pourrais répondre ! C’est le vétérinaire de Spencer qui cherche à te joindre.

- Excuses-moi Sally. Je pensais à autre chose.

Il décrocha le téléphone.

- James Warner ! Que puis-je pour vous Docteur Lewis ?

- Pourriez-vous passer à Spencer ? J’ai besoin de vos connaissances en médecine légale.

- Un animal assassiné ?

- C’est presque ça. Mais vous verrez par vous-même. Je vous donne l’adresse et je vous attends là-bas.

Warner nota l’adresse, passa au laboratoire prendre son matériel d’autopsie.

- Sally. Je dois me rendre à Spencer, une urgence. Ne m’attends pas pour déjeuner.

- D’accord.

Moins d’une heure plus tard, Warner garait sa voiture dans la cour d’une ferme. Lewis l’attendait en compagnie de Tom Haxley, le sheriff de Spencer.

- Bonjour Warner, merci d’être venu aussi vite.

- Bonjour Lewis. Sheriff. De quoi s’agit-il ? Vous étiez bien mystérieux au téléphone.

- Venez voir.

Les deux hommes conduisirent le médecin jusqu’à la grange. Les cadavres de deux vaches gisaient sur le sol. Warner remarqua tout de suite les blessures dans le flanc des animaux, des trous énormes et dentelés, comme si les bêtes avaient été harponnées.

- Le troupeau a été attaqué cette nuit. Il manque quatre autres vaches, d’après le propriétaire. Ces deux-là n’étaient pas mortes mais j’ai dû les achever.

Warner fronça les sourcils. D’abord le chien de Brad Murton et puis ces vaches, attaquées à l’autre bout de la forêt. Le monstre avait agrandi son territoire de chasse et il avait un grand appétit. Il se redressa après avoir noté la présence d’une matière gluante qu’il connaissait trop bien autour des plaies.

- Je pense qu’il s’agit d’un ours de grande taille. C’est la fin de l’hiver et ils sont affamés. Celui- là s’est fait un bon gueuleton, on dirait.

- C’est ce que je pensais aussi mais je voulais avoir votre avis, Warner. Je vous ai dérangé pour rien.

- Ce n’est pas grave Lewis. Et puis, ça m’a sorti un peu de mon dispensaire.

- Il faudra que je passe vous voir un de ces jours. Il parait que vous êtes bien équipé, maintenant.

- Oui. Algona s’agrandit, il faut bien suivre. Messieurs…

- A bientôt docteur.

Warner remonta dans sa voiture. Son cerveau bouillonnait. Il s’arrêta au carrefour. La camionnette de Brad Murton était toujours là. Le médecin scruta les myrtes mais ne vit rien. Il descendit vers Algona. Lorsqu’il passa devant le poste de police, Bill Dexter lui fit de grands signes. Il s’arrêta.

- Que ce passe-t-il Bill ?

- Mary Galloway, l’ancienne institutrice. Elle a disparu !

- Quoi ?

- Sa nièce est venue me voir, très inquiète. Hier soir, elle est passée chez sa tante mais elle n’était pas là. Elle a pensé qu’elle était chez une amie. Mais, ce matin, la vieille dame n’était toujours pas là et personne ne l’a vue.

- Je passe au dispensaire et je vous rejoins. Et appelez Tom Haxley, votre collègue de Spencer et dites- lui de venir le plus vite possible

- Mais…

- Faites ce que je vous dis, Bill !

Warner démarra en trombe et se rendit au dispensaire.

- Sally, ma chérie. Prends Jenny avec toi et pars chez tes parents, à Mason City. Tout de suite !

- Mais James… Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es dans tous tes états…

- Ne pose pas de questions ! Je t’expliquerai plus tard. Pour le moment, fais ce que je te dis, je t’en prie. Appelles-moi dès que tu seras arrivée, je serai avec Bill, au poste de police.

- Mais enfin, vas-tu me dire…. ?

- Pars Sally ! Pars tout de suite !

- Mais toi ? Que vas-tu faire ?

- Ne t’inquiète pas pour moi, tout ira bien. Je t’aime Sally. Je vous aime toutes les deux.

La jeune femme se mit à pleurer et se blottit dans ses bras. Il l’embrassa tendrement.

- Ne traine pas Sally.

- D’accord. Je t’appelle. Je t’aime James.

Warner rejoignit le sheriff au poste de police.

- Haxley arrive.

- Parfait ! Faites évacuer la ville.

- Quoi ? Vous vous rendez compte de…

- Faites évacuer la ville, Dexter. Nous courrons un grave danger.

- Mais quelle mouche vous a piqué ? Et je dis quoi au maire, pour justifier ce raffut ?

- Si ce n’était qu’une mouche… Faites ce que je vous dis. Expliquez au maire qu’un nuage toxique arrive sur nous.

- Ca, pour un mensonge, c’est un mensonge.

- J’en ai raconté de biens pires au Vietnam.

- Et où allons-nous envoyer tous ces gens ?

- Il y a un village de vacances à Fort Dodge. Prévenez le propriétaire.

Dexter passa quelques coups de téléphone, donna des ordres à ses adjoints. La sirène d’alarme de la ville se mit à sonner. Un à un, les habitants commencèrent à se regrouper sur la grande place, devant l’hôtel de ville. Armé d’un mégaphone, Dexter leur demanda d’évacuer la ville dans le calme et de se rendre à Fort Dodge. Bientôt la longue file de voitures s’ébranla. Tom Haxley arriva enfin et rejoignit Dexter et Warner au poste de police.

- Maintenant, James, j’espère que vous allez enfin nous expliquer ce qui se passe.

- Oui. Il le faut. Mais asseyez-vous. Parce que ce que j’ai à vous dire dépasse l’entendement.

Le médecin raconta ce qui s’était passé au carrefour trois ans plus tôt, comment il avait découvert l’existence du cafard géant et comment il avait lutté contre lui et pensé l’avoir détruit.

- Donc, vous pensez que cette bête n’est pas morte et qu’elle est revenue.

- J’en suis persuadé. Il m’a suffi d’analyser quelques prélèvements faits sur le chien de Brad pour en être tout à fait sûr. Mais quand j’ai vu ces pauvres vaches ce matin à Spencer, j’ai compris qu’il fallait agir, très vite.

- Vous auriez dû m’en parler plus tôt, James

- Je sais. Mais vous m’auriez sûrement pris pour un fou. Maintenant, il va nous falloir affronter cette bestiole et la détruire.

- Pourquoi ne pas faire appel à la garde nationale, ou à l’armée ?

- Vous vous voyez raconter cette histoire à des militaires, Haxley ?

- Non, bien sûr. Qu’allons-nous faire ?

- Débusquer cette saloperie et lui régler son compte. Bill, il nous faut des armes, avec des balles perforantes et de la dynamite.

- De la dynamite ? Je sais où en trouver. Venez avec moi.

Les trois hommes s’armèrent et se rendirent chez Murray, l’entrepreneur de travaux publics. Dexter les conduisit jusqu’à une cabane dont il fit sauter le verrou. La dynamite se trouvait là.

- Parfait ! Faisons des paquets de trois bâtons et gardons- les à nos ceintures. Et prenons-en en réserve. Quand nous aurons trouvé le trou où se cache cette bestiole, nous le ferons sauter.

Une heure plus tard, les trois hommes garèrent leur voiture au carrefour. Warner scruta la forêt qui s’étendait devant eux. Par où commencer ? Il aperçut les séquoias qui dominaient le reste de la forêt. C’était là qu’il fallait aller. Les trois hommes arrivèrent dans une clairière, au pied des arbres géants.

- Vous êtes sûr que c’est ici, Warner ?

- Le cafard géant que j’ai affronté vivait sous un séquoia. Je suis sûr qu’il est là, quelque part. Une dernière chose : Ne quittez pas ses mandibules des yeux. Dès qu’elles bougent, préparez-vous à bondir.

Sortie de nulle part, une voix métallique s’éleva

- Vous avez raison docteur Warner. Comme on se retrouve…

- Oui, mais cette fois-ci sera la dernière !

- Vous êtes toujours aussi prétentieux, docteur. Mais je vois que vous n’êtes pas venu seul. Tant mieux. Mon festin n’en sera que meilleur.

Les mandibules bougèrent, imperceptiblement. Le long harpon noir jaillit en un instant. Haxley fit un bond de côté, insuffisant. Il eut le bras arraché.

- Dexter ! Occupez-vous de lui ! Quant à toi saloperie, je te promets une belle indigestion.

- Vous croyez Docteur ? Au fait comment vont Sally et la petite Jenny ?

Le dard jaillit une nouvelle fois. Warner l’évita et arma son fusil. Il tira à deux reprises. Les balles perforantes ricochèrent sur les écailles du monstre. Dexter en avait fini avec son collègue, il tira à son tour. Le dard lui ouvrit la jambe. Warner ne quittait pas le cafard des yeux et cherchait à l’attirer loin des deux policiers. Un détail le frappa. L’abdomen du cafard était très volumineux et semblait animé de curieux mouvements. Cette saloperie portait des œufs ! Le médecin se saisit d’un paquet de dynamite, alluma la mèche et le lança entre les pattes du monstre.

- Voilà une faiblesse qui va vous coûter la vie Docteur.

- C’est ce que tu crois ! Ma femme et ma fille vont très bien, je te remercie, mais je n’en dirais pas autant de ta famille.

Il avait gagné les deux ou trois secondes nécessaires. La dynamite explosa sous l’abdomen du monstre qui poussa un cri terrible. Warner lança encore trois paquets de dynamite. Le monstre eut les pattes arrachées et s’affaissa. Il lança encore son dard que le médecin évita facilement. Il s’approcha du cafard terrassé. Il glissa les paquets de dynamite qui lui restaient sous la carapace noire, groupa les mèches et les alluma.

- Tu as encore perdu, on dirait.

Le médecin se recula. L’explosion fut terrible et le cafard vola en éclats.

- Vous l’avez eu, James ! Vous avez fait sauter cette saloperie.

- Oui. Comment va votre jambe ?

- Ca ira. Occupez-vous plutôt de Tom.

Le sheriff Haxley était inconscient. Il avait perdu beaucoup de sang. Warner pensa qu’il ne pourrait pas le ramener à la voiture et ramener aussi Dexter. Comme au Vietnam, il allait devoir faire un choix. Il retourna près de Dexter et commença à examiner sa jambe

- Comment vous l’avez explosée cette saleté, James !

- Un marine est toujours un marine, Bill. Je n’ai pas perdu la main. Elle…

Il se figea sur le dernier mot qu’il avait prononcé : Elle. Pourquoi n’y avait-il pas pensé ? Il n’était pas expert en reproduction des cafards, mais si celui-là portait des œufs, il s’agissait forcément d’une femelle. Il y avait donc…

Le long dard noir le frôla et se ficha sans la terre. Un mâle ! Warner tourna lentement la tête. Le nouveau venu était encore plus gros. Le médecin sentit un mouvement près de lui. Rassemblant ses dernières forces, Haxley s’était levé et avançait en titubant vers le cafard. Warner le vit allumer plusieurs mèches de dynamite.

- Haxley, non !

- Je suis foutu Warner. Alors autant finir en beauté. Eh, toi ! Vas-y ! Bouffe- moi !

Le long dard noir jaillit et frappa le sheriff à la poitrine. Le cafard le ramena jusqu’à sa gueule qui se referma. Warner comptait les secondes. Il n’entendit pas l’explosion. Le monstrueux insecte eut une sorte de hoquet. Son rostre vola en éclats. Sa tête se détacha et roula sur le sol, terminant sa course tout près des deux hommes. Ils restèrent un long moment silencieux puis Warner banda la jambe du jeune sheriff et récupéra ses bâtons de dynamite.

- Attendez-moi ici, Bill.

Le médecin commença à faire le tour des grands arbres. Il finit par trouver ce qu’il cherchait. Une cavité au pied d’un séquoia adossé à un talus. Il fourra tous les bâtons de dynamite dans son sac après les avoir reliés à une mèche lente qu’il déroula. Il alluma la mèche et retourna près de Dexter.

- Allez, Bill. Grimpez sur mon dos !

Les deux hommes s’éloignèrent, lentement. La dynamite explosa quelques minutes plus tard. Le séquoia vacilla puis s’abattit sur la forêt. Warner le regarda s’écrouler et reprit sa marche. En arrivant à la voiture, le médecin passa un appel radio pour demander des secours.

- A mon tour de vous envoyer à l’hôpital, Bill

- Juste retour des choses. Merci James. Merci pour tout. Mais il va nous falloir expliquer tout ça et la mort de Haxley.

- Je m’en charge, Bill. Ne vous en faites pas. Soignez-vous

- C’est grave ? Je veux dire ma jambe ?

- Une blessure un peu profonde. Il va falloir vous recoudre et vous aurez une belle cicatrice. Mais, si je peux me permettre, vous devriez faire un petit régime…

Les deux hommes éclatèrent de rire.

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #NOUVELLES

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