FAUX- SEMBLANTS

Publié le 22 Novembre 2014

MALL OF AMERICA, Bloomington, Minnesota

Michael Briggs marchait dans l’allée du centre commercial, portant ses sacs à bout de bras. Il détestait cet endroit mais, comme tous les ans, Margaret, son épouse, l’avait trainé là, au moment des soldes. Margaret. Elle avait bien changé depuis leur rencontre vingt ans plus tôt. A force de passer le plus clair de son temps à discuter avec ses amies en mangeant des cookies, elle s’était empâtée et elle discourait sans cesse, comme en ce moment. Son babillage incessant se perdait dans le brouhaha environnant, les cris des gamins et les annonces publicitaires. Michael se contentait d’acquiescer de temps en temps. Son regard se porta sur son ventre. Lui aussi avait pris de l’embonpoint. Il sourit. Finalement, il était encore fou amoureux de sa femme et ce petit supplice d’une journée n’était pas si méchant que cela. Ils n’avaient pas eu d’enfant et Margaret avait reporté toute son affection sur Amy, leur nièce, qu’elle gâtait tant qu’elle le pouvait.

- Je vais aller voir dans cette boutique. Je voudrais trouver des T-shirts pour Amy. Tu m’écoutes, Michael ?

- Oui, oui ! Vas- y, chérie. Je vais t’attendre ici, sur ce banc, je suis un peu fatigué. Tout ce bruit…

- D’accord, je n’en ai pas pour longtemps.

Elle déposa un baiser sur sa joue et s’enfonça dans la boutique. Michael s’assit sur le banc, posa ses sacs entre ses jambes. Il savait qu’il avait un petit moment devant lui. Il se mit à observer les allées et venues dans l’allée. Les gens venaient ici en famille, formant des petits groupes, les parents portant les sacs, les enfants tournant autour, demandant sans discontinuer quand la famille irait à l’aquarium ou au parc d’attractions. Michael s’attarda un moment sur les jambes d’une jolie petite blonde en mini- jupe puis il reporta son regard vers la boutique, cherchant à y apercevoir la chevelure rousse de Margaret.

Sur le parking, un homme composa un numéro sur son portable et appuya sur la touche d’appel…

Michael vit un éclair au fond de la boutique. Il ouvrit la bouche pour crier. Un morceau d’aluminium, arraché de la devanture, vint se ficher dans sa gorge. L’instant d’après, son corps se soulevait du banc.

L’onde de choc se propagea à grande vitesse dans les allées, faisant exploser les vitrines, entrainant avec elle les éclats de verre et de métal, mortels projectiles qui mitraillaient tous ceux qui se trouvaient sur leur passage. Elle bouscula les piliers de soutènement. Une partie des étages supérieurs s’affaissa. L’onde poursuivit son chemin en grondant, balayant tout sur son passage, suivie de la fumée et des flammes de l’incendie allumé par l’explosion.

Sur le parking, l’homme entendit le bruit sourd. Il lui sembla voir l’immense bâtiment trembler. Il eut un léger sourire. Il appuya une nouvelle fois sur la touche de son téléphone…

La deuxième explosion eut lieu dans un local technique de l’aquarium. Elle fit voler en éclat la vitre d’un bassin. L’eau se déversa dans le centre commercial, s’infiltra partout, provoquant des court-circuits et de nouveaux incendies. Une seconde onde de choc, encore plus puissante que la première balaya le bâtiment et tout ce qui s’y trouvait. Prise de panique, la foule se rua sur les issues, se piétinant. Rendues folles par un court-circuit dans une armoire électrique, les portes de verre se transformèrent en guillotines.

Sur le parking, l’homme monta dans sa voiture et quitta le centre commercial, au moment où les premiers véhicules des pompiers arrivaient.

WASHINGTON

Jeremy Watson était dans son bureau. Il étudiait avec attention les dossiers des postulants au remplacement de Tom*. Son téléphone sonna.

- Oui, Bill ?

- Monte dans mon bureau, Jimmy. C’est urgent !

Le jeune enquêteur rejoignit son supérieur.

- Qu’y- a- t-il de si urgent, Bill ?

- Regarde !

Bill Huxley tendit la main vers le grand écran installé dans son bureau. CNN retransmettait, en direct, les images provenant du Mall of America. Le bâtiment semblait intact mais d’épaisses colonnes de fumées s’en dégageaient. D’autres images montraient des gens blessés et hagards et de nombreux corps, enfermés dans des housses blanches.

Huxley afficha un plan du centre commercial sur l’écran.

- D’après des témoins, il y a eu deux explosions. Une dans une galerie commerciale, à peu près ici et l’autre au niveau de l’aquarium.

- Il y a beaucoup de victimes ?

- Difficile à dire pour le moment mais, ce sont les soldes et le centre était plein à craquer. Il faut s’attendre au pire.

Les deux hommes se regardèrent, sans dire un mot. Mais ils pensaient tous les deux à la même chose.

- Je suppose qu’on nous charge de ce boulot. Mais, c’est plutôt celui de la C.I.A….

- L’ordre vient de très haut. Du président, en personne. Il veut que ce soit toi qui suives cette affaire.

- Vraiment ?

- Oui ! Ca t’apprendra à sauver la vie de la première dame !** Bien. On prépare un avion pour nous en ce moment à La Guardia. Toi et moi, nous partons là-bas le plus tôt possible. Will restera ici et nous aidera avec son fatras informatique.

- Un fatras qui nous est bien utile.

- Et Will est un type formidable.

Watson redescendit à son bureau. Il avait toujours un sac et quelques affaires, au cas où. Il envoya un sms à sa fiancée et se rendit au bureau de Will.

- Salut Jimmy ! Huxley vient de me mettre au courant. Je suis déjà sur le coup. Tu auras un topo sur ce centre commercial dans quelques minutes, plans compris. Tu as besoin d’autre chose ?

- Non, je te ferai mes demandes au fur et à mesure. Appelle tous les candidats au poste de Tom et dis- leur que leurs entretiens sont reportés.

- Ca marche. Tiens, je t’imprime le dossier.

Watson récupéra les papiers et rejoignit Huxley. Une heure plus tard, leur avion décollait de La Guardia.

L’homme attendit que la porte de l’entrepôt soit refermée. Il descendit de voiture et prit son sac dans le coffre. Suivant un long dédale de couloirs, il arriva dans son antre. Il s’approcha d’un ordinateur, celui qui contrôlait tout le système. L’homme s’assura que personne n’avait tenté de le pénétrer puis il envoya un message électronique. Il se débarrassa ensuite du contenu du sac et pris une douche. La réponse à son message arriva :

« Excellent travail. Envoyez un message à qui vous savez dans vingt-quatre heures. Vous aurez bientôt une nouvelle cible. »

L’homme esquissa un sourire et effaça le message. Les échanges avec son correspondant avaient beau être codés, passer par un réseau complexe de serveurs, il ne fallait laisser aucune trace. Il ouvrit un dossier crypté, celui qui contenait ses documents personnels. Les yeux rivés sur l’écran, la bouche crispée, il visionna une vidéo, celle d’un jour qu’il n’oublierait jamais, la source de sa colère et de sa vengeance.

L’avion du F.B.I. se posa sur l’aéroport de Saint Paul – Minneapolis. Les deux enquêteurs en descendirent. Une voiture les emmena directement au centre commercial. Watson n’y avait jamais mis les pieds. Il fut surpris par le gigantisme du bâtiment. Les colonnes de fumée noire avait disparu. Quelques fumerolles indiquaient, çà et là que le feu couvait encore. Il y avait foule sur le parking. Sous les tentes blanches, des médecins recevaient les blessés, les soignaient et les orientaient vers les hôpitaux dans un incessant ballet d’ambulances. A l’écart, sous une autre tente gardée par des policiers, des hommes alignaient des housses blanches. Huxley et Watson finirent par trouver le chef de la police locale.

- Bonjour. Huxley et Watson, F.B.I.

- Bonjour. Dwight Coleman, chef de la Police de Minneapolis. On m’a averti de votre arrivée.

- Où en sommes-nous ?

- Les pompiers ont maitrisé les incendies. Ils commencent à fouiller le centre commercial. Une partie des étages s’est effondrée, ça ne va pas être facile.

- Beaucoup de victimes ?

- Un bon millier de blessés, pour le moment, et déjà cent cinquante morts, sans compter tous ceux qui sont encore là-dedans.

L’homme avait du mal à cacher son émotion.

- Vous en savez un peu plus sur les explosions ?

- Non. Les hommes de la scientifique vont bientôt aller sur les lieux de la première. C’est le seul coin qui soit accessible.

- Je vais les accompagner, Bill.

- Ok, Jimmy. Fais gaffe.

Le jeune homme rejoignit l’équipe d’hommes en combinaisons blanches. Il en passa une. Ils entrèrent dans le centre commercial. Il y régnait une atmosphère étrange. L’odeur de la fumée et de la mort planaient dans l’air saturé de poussière. Guidés par des sauveteurs, quelques rescapés, hagards, se dirigeaient vers la sortie. Un groupe de pompiers remontaient de l’étage inférieur, portant deux corps enveloppés dans des housses. Pour la première fois de sa jeune carrière, Watson se trouvait confronté à un massacre. Il observait, éberlué, ce qui se passait autour de lui. Le chef de la section scientifique lui posa la main sur l’épaule.

- On ne s’y fait jamais, Watson. Venez ! C’est dans ce secteur qu’a eu lieu la première explosion. Nous allons le passer au peigne fin.

Les hommes se mirent au travail, fouillant chaque recoin, récoltant et répertoriant le moindre indice. Au fond de ce qui avait été une boutique de vêtements, ils trouvèrent ce qu’ils cherchaient. L’endroit exact ou le cauchemar avait commencé. Watson observa les alentours. Il n’y avait plus de doute possible, il s’agissait bien d’une bombe.

- Nous faisons des prélèvements, Watson. Je les envoie au labo tout de suite. Mais je me doute déjà de ce que nous allons découvrir.

- Je m’en doute aussi. Quand aurez-vous le résultat ?

- Au mieux demain, en fin de journée.

- Je serai peut-être rentré à Washington. Voilà mes coordonnées.

- Merci. Nous allons faire au mieux.

Des secouristes passèrent, portant d’autres corps.

- Vous m’avez dit tout à l’heure qu’on ne s’y faisait jamais…

- J’étais à « Ground Zero », il y a douze ans.

- Je comprends. Tenez-moi au courant, pour l’explosif.

Le jeune homme rejoignit son supérieur. Ils passèrent une bonne partie de la nuit à essayer de reconstituer le scénario des explosions et à échafauder des théories sur les auteurs de l’attentat et leurs motivations. En début de matinée, tandis qu’Huxley retournait au centre commercial, Watson se rendit dans un des hôpitaux de la ville pour y recueillir les témoignages des blessés. Il passa un long moment avec eux. La plupart avaient le corps criblé de morceaux de verre. Il finit par rencontrer un témoin de la seconde explosion. L’homme avait eu de la chance. Lui et sa femme avaient été propulsés dans un recoin par l’eau du bassin et avait échappé au souffle meurtrier. L’homme parla longuement. Watson ressortit de l’hôpital quelques heures plus tard, secoué par ce qu’il venait d’entendre et par la terreur qu’il avait vue dans les yeux des victimes. Il était dans l’entrée lorsque les portes s’ouvrirent sur un groupe d’hommes vêtus de costumes noirs. Au milieu du groupe, le jeune enquêteur aperçut le président.

- Monsieur Watson !

- Oui, Monsieur.

- Avez-vous avancé ?

- Très peu. Je viens de m’entretenir avec quelques blessés et nous aurons les résultats des premières analyses sur les explosifs en fin de journée.

- Trouvez ceux qui ont fait ça !

- Ce sera fait, Monsieur.

Les deux enquêteurs du F.B.I. reprirent l’avion dans l’après-midi. A leur arrivée à Washington, Will les attendait.

- Jimmy ! Huxley ! Venez voir !

- Tu as du nouveau ?

- CNN vient de nous transmettre un mail qu’ils ont reçu il y a quelques minutes. Regardez !

Le jeune informaticien afficha le message sur le grand écran :

« Le monde occidental a sombré dans une décadence dont nous allons détruire tous les symboles. Il devra se soumettre aux lois d’Allah et de l’islam ou être anéanti. L’attentat d’hier n’était qu’un avertissement.

Groupe Islamique de Libération de l’Occident »

- C’est quoi ce bordel ? Tu as déjà entendu parler de ce groupe, Jimmy ?

- Jamais, Bill.

- J’ai fait quelques recherches avant votre arrivée, ce groupe est totalement inconnu.

-Bon, on se met là-dessus. Vous cherchez d’où vient ce nouveau groupe terroriste et toi, Will, tu me trouve d’où vient ce message. Je m’occupe de faire accroitre la surveillance dans tous les centres commerciaux, les parcs d’attractions, les théâtres.

- Qu’est-ce qu’on fait pour CNN ?

- Qu’ils en disent le moins possible. Inutile de paniquer tout le monde et de faire de la publicité à ces salopards.

Huxley allait remonter dans son bureau lorsque le téléphone de Watson sonna. Le jeune homme vérifia le nom de son correspondant et enclencha les haut-parleurs.

- Bonjour, Watson. J’ai les résultats des analyses. C’est bien de l’explosif, du SEMTEX.

- Un grand classique. Il est facile de s’en procurer sur les marchés parallèles, surtout dans les pays de l’Est.

- Oui. Sauf que…

- Quoi ?

- Celui qui a servi dans l’attentat d’hier a été fabriqué ici, aux Etats-Unis.

- Vous êtes sûr ?

- Certain. Je peux même vous dire que sa fabrication remonte à plusieurs années et c’est là que nous avons un problème.

- Je ne vous suis pas.

- Cet explosif a été fabriqué avant que la réglementation internationale n’impose d’y ajouter du dinitrate d’éthylène ou du DMDNB.

- Ce qui, en clair, veut dire ?

- Qu’il est indétectable ! Si le ou les terroristes en possèdent suffisamment, nous avons du souci à nous faire.

- Je croyais que les explosifs avaient une durée de vie limitée.

- C’est le cas pour la plupart, sauf pour celui-ci. S’il est stocké dans de bonnes conditions, on estime que le SEMTEX est utilisable pendant au moins quarante ans. Je poursuis les analyses pour essayer d’en savoir plus et je vous tiens au courant.

- D’accord, merci.

Watson coupa la communication. Livide, Huxley mâchouillait son cigare.

- Nous voilà dans de beaux draps !

- Nous avons au moins un début de piste. Will, il faut savoir si une quantité de cet explosif a disparu des stocks de l’armée.

- Je m’y mets tout de suite.

L’homme boucla sa valise et quitta sa cachette. Quelques minutes plus tard, il se garait sur le parking de l’aéroport Kennedy. Il prit son avion sans aucune difficulté, juste avant que la police ne se mette à fouiller systématiquement tous les bagages des vols « sensibles ».

PARIS

- Je vous souhaite un bon séjour en France, Monsieur Wilson.

L’homme rendit son sourire au douanier et reprit son passeport. Il sortit de l’aéroport et prit un taxi. C’était la première fois qu’il venait à Paris mais, il avait autre chose à faire que du tourisme. Arrivé à son hôtel, il observa un moment la tour Eiffel puis il découpa, avec précaution, la doublure de son sac de voyage.

La place Beaubourg était noire de monde et de longues files d’attente s’étiraient devant les entrées du centre Georges Pompidou. La foule se pressait pour admirer l’exposition consacrée à Samuel Droubet, un jeune artiste, plutôt secret, dont les œuvres, mêlant les techniques traditionnelles et le numérique, s’arrachaient déjà à des prix exorbitants. Anonyme au milieu des visiteurs, Samuel écoutait d’une oreille attentive les commentaires. Il se glissa dans un groupe en admiration devant un tableau représentant une baigneuse inspirée de celles de Cézanne, lascivement allongée au milieu d’un décor psychédélique. Sans un mot, le jeune homme observait son œuvre, y cherchant des défauts. Il lui sembla que le tableau se déformait. Il n’eut pas le temps d’en voir plus.

L’explosion secoua le bâtiment et souleva les plafonds du hall d’exposition qui retombèrent avec fracas. Elle pulvérisa les vitres de la façade dont les débris furent projetés en pluie sur les visiteurs massés à l’extérieur. Des corps furent projetés par le souffle. Une passerelle se décrocha de la façade et s’écrasa au sol, juste devant l’entrée.

Près de la fontaine des innocents, à quelques rues de là, l’homme envoya un sms. La seconde explosion eut lieu dans le hall d’entrée, sous le socle d’une sculpture dont les longues feuilles de tôle furent projetées comme autant de poignards. Le souffle écrasa tous ceux qui se trouvaient là. En une fraction de seconde, les escaliers s’écroulèrent, bloquant ceux qui se trouvaient dans les étages. Quand le fracas de l’explosion se tut et que la fumée se dissipa, le hall était jonché de corps. Quelques blessés tentaient de sortir du centre culturel. Sur la place, la foule semblait hésiter entre la panique et l’hébètement.

L’homme termina tranquillement son café. Le quartier résonnait des sirènes des pompiers et de la police. Il se leva et prit la direction des boulevards. Sa jambe commençait à lui faire mal. Il héla un taxi et rentra à son hôtel. Il en ressortit un moment plus tard, tirant sa valise. Malgré l’analgésique, la douleur se faisait plus intense. Il prit un nouveau taxi. Trois heures plus tard, son avion s’envolait pour New York.

CAHORS

Antoine Plantier s’apprêtait à quitter son bureau. Ce soir, il devait diner avec Estelle*** pour fêter sa promotion. Il venait d’être nommé commissaire divisionnaire. Et puis, après avoir longuement réfléchi, il avait l’intention de demander à la jeune femme de vivre avec lui. Il enfilait son blouson quand le téléphone sonna.

- Commissaire Plantier !

Il se figea en entendant le nom de son correspondant. La conversation dura quelques minutes. Le policier raccrocha puis composa un numéro sur son interphone.

- David ? Rejoins-moi dans mon bureau. Tu devrais déjà être là !

- J’arrive !

L’inspecteur Maurel fut vite là.

- C’est quoi le truc urgent ?

- Un attentat ! A Beaubourg ! Je viens d’avoir le chef de cabinet du ministre, on nous colle l’affaire.

- Mais, et l’anti-terrorisme ?

- Il faudra travailler avec eux. J’espère que tes affaires sont prêtes, le Falcon est déjà en route pour nous récupérer.

- Je vais prévenir mon ex- femme, pour qu’elle récupère la petite à l’école.

- Je passe chez moi. On se rejoint à Lalbenque.

- OK. A tout à l’heure.

Plantier rentra chez lui et récupéra son sac. Il appela sa compagne.

- Oui, Antoine.

- Je dois partir, à Paris…

- Pour l’attentat ? Ils viennent de l’annoncer à la radio.

- Oui. On me charge de l’enquête. Je suis désolé pour notre diner.

- Pas de problème. On verra ça à ton retour.

Une fois à l’aérodrome, le commissaire donna, par téléphone, quelques ordres à son équipe. Quand l’avion se posa sur la piste, elle était déjà au travail. Plantier et Maurel grimpèrent à bord et le Falcon redécolla. Une heure plus tard, il se posa sur la piste de la base de Villacoublay. Une voiture emmena les deux policiers sur les lieux de l’attentat. Ils rejoignirent l’équipe de la brigade anti-terroriste dont les experts s’affairaient déjà dans le bâtiment. L’accueil du chef de groupe fut glacial.

- Tiens, voilà les affaires spéciales ! Messieurs les superflics, bonjour ! Regardez bien, les gars ! Ces messieurs vont nous apprendre à travailler.

- Je ne suis pas là pour vous apprendre votre boulot ! Comme vous, je suis là pour découvrir le type qui a tué tous ces gens. Et si nous pouvions travailler la main dans la main, ça m’arrangerait…

- Désolé commissaire. Je suis sur les nerfs.

- Moi aussi ! Mais chacun son style… On peut se mettre au travail ?

- Oui, bien sûr. Voilà où nous en sommes. Il y eu deux explosions, espacées d’une minute ou deux, d’après les témoins. Une au troisième étage. Nous avons de la chance que l’essentiel de la structure soit à l’extérieur, sinon, le bâtiment se serait effondré. La seconde a eu lieu dans le hall d’entrée. Celle-là était vraiment faite pour tuer un maximum de gens.

- Justement…

- Cent-vingt morts et plusieurs centaines de blessés dont les plus graves ne passeront sûrement pas la nuit. Ils n’ont pas fait semblant, cette fois-ci.

- Putain ! Bon, je vous laisse faire votre travail. Je file au ministère. Retrouvons-nous là- bas, Commandant ?

- Commandant Rivière !

- Commissaire Antoine Plantier.

- Je sais qui vous êtes, commissaire. Excusez-moi encore pour tout à l’heure.

- A quel sujet ?

Le commandant eut un sourire gêné.

- Je vous tiens au courant dès que j’aurai du nouveau, commissaire. Je crois que j’ai vais rester un long moment ici avec mon équipe.

Ils échangèrent leurs numéros de portables. Maurel et Plantier se rendirent au ministère de l’intérieur et prirent possession du bureau qu’on leur avait aménagé en urgence. Le ministre les rejoignit.

- Sale affaire, Plantier. Vous avez une idée ?

- Il est trop tôt. Bien sûr, il y a la piste islamiste…

- Hmmm. Il va falloir marcher sur des œufs côté communication sinon, nous allons avoir des débordements.

- On ne peut rien contre la bêtise collective, vous le savez bien, Monsieur.

- Je me charge de la communication avec mon équipe mais, je veux être tenu au courant de la moindre avancée de l’enquête.

- Vous le serez ! Mon équipe va rester dans ses locaux à Cahors, nous avons tout ce qu’il nous faut là-bas pour travailler. Ici nous utiliserons les moyens de l’anti-terrorisme.

- Comme vous voudrez, Plantier.

- Une dernière chose, Monsieur. Il y a eu un attentat il y a quelques jours au Etats-Unis. J’aimerais être mis en rapport avec celui qui dirige l’enquête là-bas. On ne sait jamais…

- Je vais faire mon possible. Au fait, toutes mes félicitations pour votre promotion, Monsieur le divisionnaire.

Le ministre quitta la pièce. Le commissaire se retourna vers son adjoint.

- Au travail, David. Faisons le point.

- Bien. Deux explosions, conçues pour tuer et elles ont atteint leur but.

- Attends ! L’attentat dans le Minnesota a eu lieu dans un centre commercial.

- Au moment des soldes, il y avait foule ! C’était la même chose à Beaubourg. Cette exposition attire des gens de toute l’Europe. Ils étaient sûrs de faire un carnage.

- J’ai vu un ou deux rapport sur le site d’Interpol. Les américains pensent que l’effet de souffle des bombes était très calculé.

- Leur attentat a été revendiqué par un groupe islamiste inconnu. Tu crois qu’on a affaire aux mêmes ?

- Ca y ressemble mais il est encore trop tôt pour le dire. Il nous faut attendre les premières conclusions du labo. Et puis, nous n’avons pas de revendication. Nous ne l’aurons sûrement pas avant demain, au mieux. Mets l’équipe là-dessus.

Le vol en provenance de Paris se posa à Kennedy Airport. L’homme en descendit en boitant. Il attendit patiemment pendant que les services de l’immigration fouillaient sa valise. Son sac de voyage était resté en France, dans les poubelles de son hôtel. Il prit sa voiture et rejoignit l’entrepôt. Les couloirs lui parurent très longs mais il avait l’habitude des longues et pénibles marches. On l’avait entrainé pour ça. Il prit une douche et envoya un message avant de prendre des médicaments. Allongé sur son lit de camp, il sombra dans un profond sommeil. Quand il s’éveilla, la réponse à son message était arrivée. Il envoya un nouveau message. Sa jambe le faisait moins souffrir. Il se dirigea vers une armoire et y prit un paquet qu’il posa délicatement sur son plan de travail avant de l’ouvrir. Il en sortit une pincée d’une pâte grisâtre qu’il malaxa entre ses doigts…

- Antoine ! Viens voir ça !

- Qu’est-ce que c’est ?

- Un message que Radio France vient de recevoir.

Le commissaire lut le texte avec attention. Il s’agissait d’un long discours sur le dévoiement de l’Occident qui allait bientôt rentrer dans le droit chemin de l’islam. Il se terminait par la menace d’autres attentats sur le territoire français et européen. La signature était la même que pour l’attentat américain.

- On en sait un peu plus sur ce groupe terroriste ?

- Non, rien. On cherche du côté de la nébuleuse proche d’Al-Qaïda.

- Bon, on transmet le message au ministre.

Le portable de Plantier sonna.

- Rivière.

- Bonjour commandant. J’ai du nouveau pour vous. Nous avons une revendication. La même qu’aux US.A.

- Ca ne m’étonne pas vraiment. J’ai moi aussi du nouveau. Le labo a analysé l’explosif. Du SEMTEX.

- Hmmm. Vous savez d’où il provient ?

- Attendez deux secondes…. Nom de Dieu ! Il a été fabriqué aux U.S.A. !

- Il me semble que le rapport des américains a établi la même chose…

- Exact !

- Merci, Rivière, vous avez fait du bon travail.

Plantier raccrocha au moment où le ministre, la mine défaite, entrait dans le bureau.

- Alors, c’est bien les islamistes.

- Apparemment, oui.

- Apparemment ? Vous n’êtes pas sûr ?

- Je le serai quand je connaitrai la vérité, Monsieur.

- Que devons-nous dire ?

- Sauf votre respect, ce n’est pas mon boulot. Manipuler l’opinion, c’est votre job.

- Le politicien pourrait vous faire payer cher votre impertinence, commissaire ! Mais, l’homme apprécie votre franc-parler. Je vais faire au mieux avec mon cabinet. Du nouveau ?

- L’anti-terrorisme a analysé l’explosif. Du SEMTEX, le même que celui utilisé dans le Minnesota.

- Nous avons donc affaire à un groupe international.

Plantier ne répondit pas. Le ministre lui tendit un papier.

- Tenez ! Ce sont les coordonnées de votre collègue américain. Un policier chargé des affaires spéciales au F.B.I.

- Au F.B.I ? Bizarre. Merci, Monsieur. Je vais prendre contact avec lui.

Le ministre quitta la pièce. Plantier consulta sa montre. Il devait être bien tard à Washington. Il hésita un moment puis composa le numéro sur son téléphone. La communication mit de longues secondes à s’établir. Il y eut deux ou trois sonneries…

- Jeremy Watson, F .B.I., que puis-je pour vous ?

Plantier se présenta et bredouilla une pâle excuse au sujet de son anglais. La réponse fusa.

- Nous pouvons parler français, commissaire Plantier. Je connais votre langue.

- J’espère qu’il n’est pas trop tard…

- Vous savez, en ce moment, les horaires….

- Bien. Je suis chargé de l’enquête sur l’attentat de Paris et…

- Faisons une visio-conférence, dans… Disons deux heures. Nous discuterons plus facilement avec une connexion sécurisée.

- Vous avez raison. J’ai quand même une question. Juste entre vous et moi. Pourquoi est-ce le F.B.I. qui suit cette affaire ?

- Ce serait un peu long à vous expliquer, commissaire. Disons juste que l’ordre vient de très haut.

- Je vois. A tout à l’heure.

Plantier raccrocha, satisfait de ce premier contact. Il informa son adjoint qui se chargea d’organiser la conférence puis se plongea dans le rapport de la section anti-terroriste qui venait de lui parvenir. Maurel le rejoignit quelques minutes plus tard

- Tout sera prêt dans les temps. Ah ! Nos collègues m’ont fait passer une liste de tous les types proches des milieux islamistes. Elle est très longue.

- Commence à l’étudier. Je te rejoins dès que j’ai fini de lire ce rapport.

Les deux heures passèrent vite. Averti par Plantier, le commandant Rivière arriva à son tour. La salle de visio-conférence était sombre. Seul un bureau était éclairé. Les deux hommes s’installèrent et s’équipèrent de leurs oreillettes de traduction. Les écrans en face d’eux s’allumèrent. Deux hommes apparurent, dans un décor aussi minimaliste.

- Bonjour commissaire. Je suis Jeremy Watson et voici Bill Huxley, mon supérieur. Nous travaillons tous les deux sur cette affaire.

Plantier fut surpris par la jeunesse de son interlocuteur mais surtout par la détermination qui se lisait dans son regard.

- Bonjour. Voici le commandant Rivière, chef de groupe à la brigade anti-terroriste. Maintenant que les présentations sont faites, mettons-nous au travail, Messieurs.

- Vous avez eu une revendication ?

- Oui, signée par le même groupe terroriste, ce fameux « Groupe Islamique de Libération de l’Occident » dont personne ne sait rien.

Rivière prit la parole.

- Les groupes terroristes naissent et disparaissent au gré des guerres de chefs au sein de la mouvance terroriste. Mais ils ont tous le même idéal et n’hésitent pas à s’allier. Si vous le permettez, Messieurs, j’ai quelque chose à vous montrer.

Il connecta une clé USB à l’ordinateur.

- Voilà. Nous avons modélisé les deux explosions d’hier au centre Beaubourg. Voici la première. L’explosif était caché au dos d’un tableau accroché à un mur extérieur et donc solide. Au vu des dégâts, nous avons pris pour hypothèse qu’il y avait entre trois et quatre cent grammes de SEMTEX. Le souffle s’est propagé dans la galerie. Il a balayé tout l’étage sans abimer la structure du bâtiment. Mais, l’explosion des vitres de la façade a fragilisé les attaches des passerelles dont une s’est décrochée. Cette explosion devait surtout faire des dégâts et déclencher la panique.

- C’est à peu près la conclusion de nos experts à Minneapolis concernant la première explosion. Poursuivez commandant.

- La seconde attaque avait pour but de tuer. Nous pensons que la charge d’explosif était presque deux fois plus puissante. L’explosion a eu lieu dans un espace ouvert. L’onde de choc pouvait rayonner dans toutes les directions. Un véritable massacre programmé.

Huxley pris la parole.

- Qu’en concluez-vous commandant ?

- Que nous avons affaire à la pire espèce de terroristes, ceux qui connaissent suffisamment les explosifs pour prévoir les effets d’une déflagration. Une dernière chose : Le SEMTEX vient de chez vous, Messieurs. Un lot assez ancien.

Les deux agents du F.B.I. se regardèrent, médusés. Plantier reprit la parole.

- Un problème ?

- C’est que…. Notre laboratoire a établi que cet explosif était indétectable. Nous cherchons sa provenance exacte. Je vais vous mettre en rapport avec nos scientifiques commandant. Que pensez-vous de ce groupe terroriste, commissaire ?

- Je ne suis pas expert, Watson. Mais je les prends très au sérieux. Surtout parce qu’ils ont proféré des menaces. Nous avons renforcé la surveillance sur tout le territoire et averti les autres pays via Interpol.

- Sage précaution. Vous avez trouvé l’origine du message de revendication ?

- Mon équipe y travaille.

- Bien, nous cherchons de notre côté. Tenons –nous au courant les uns et les autres de la moindre avancée. Au revoir Messieurs.

- Messieurs.

La communication fut coupée et les écrans s’éteignirent. Plantier s’étira.

- Remerciez votre équipe Rivière, ils ont bien bossé.

- Et maintenant ?

- Allons nous reposer un peu. Un enquêteur fatigué ne vaut rien.

Antoine Plantier rejoignit son bureau dans les étages de l’hôtel de Beauvau. Maurel était au téléphone.

- Je dois te laisser ma puce.

Le jeune inspecteur raccrocha, rougissant.

- Ta fille va bien, David ?

- Euh… Oui. Alors ?

- Les américains sont très coopératifs. C’est notre intérêt à tous, de toute façon. Mais ils ne sont pas plus avancés que nous. Tu as commencé à éplucher la liste ?

- Oui. Mais pour le moment ça ne donne rien. Ce sont des cas isolés, sans aucun autre lien entre eux que leur fanatisme religieux.

- Laisse tomber ça pour ce soir. Allons souffler un peu. On nous a réservé des chambres dans un hôtel, pas loin d’ici.

- D’accord. Je tiens plus en l’air, moi.

Ils quittèrent le ministère de l’intérieur et se rendirent à leur hôtel. Plantier prit une douche puis il appela Estelle.

- Bonsoir chérie.

- Bonsoir. Ca va ?

- Je suis crevé et nous n’avançons pas beaucoup.

- Ils ont parlé de cent quarante morts tout à l’heure à la télé. Et quatre cents aux Etats-Unis.

- Je sais. Des blessés de Beaubourg n’ont pas survécu. Je suis, nous sommes en face d’un truc monstrueux.

- Je comprends de moins en moins l’espèce humaine. Antoine ?

- Oui.

- J’ai envie de te rejoindre.

- Je préfère que tu restes en sécurité à Cahors et que tu évites les déplacements.

- C’est grave à ce point ?

- Oui. Et puis, tu sais, ce n’est pas une enquête comme les autres. Je ne pourrai pas te voir.

- Je comprends. Tu me manques, Antoine.

- Tu me manques toi aussi.

Ils discutèrent un long moment puis raccrochèrent.

L’homme quitta son plan de travail. Il avait terminé. Ces quelques jours de calme lui avaient fait du bien. Sa jambe ne le faisait plus souffrir. Il se connecta à internet et réserva deux billets d’avion. Monsieur Wilson repartait en Europe. Il attrapa un sac de voyage dans une armoire…

Trois jours plus tard.

Dans leur bureau, Plantier et Maurel étaient penchés sur la liste noire des islamistes français. Ils avaient bien isolé quelques suspects mais rien ne permettait d’établir un lien entre eux et l’attentat. Quant aux recherches sur le groupe terroristes, malgré tous les efforts des services de renseignements européens et américains, elles n’avançaient pas.

- Putain ! On tourne en rond, David ! Et qu’est-ce qu’ils foutent à Cahors ? Pourquoi on a toujours pas trouvé l’origine de ce message ?

- Du calme, Antoine ! Les américains n’y sont pas arrivés, eux non plus. Les gars font tout ce qu’ils peuvent.

- Excuses-moi, David. Cette histoire me prend la tête.

- Pas grave. On est tous à cran, tu sais. Ca fait presque une semaine qu’on bosse comme des dingues, pour pas grand-chose.

Plantier allait répondre quand son téléphone bipa.

« Visio-conférence, 20h, heure de Paris, juste nous deux. Ca vous convient ? Watson »

Le commissaire répondit par l’affirmative puis il se retourna vers son collègue.

- Allez, viens ! Je t’emmène dans un resto dont tu vas me dire des nouvelles.

Ils empruntèrent une voiture du ministère et prirent la direction des Champs- Elysées puis bifurquèrent vers l’ile de la Cité.

- La circulation ne s’est pas améliorée.

- C’est parce que tu n’es plus là pour t’en occuper, Monsieur le divisionnaire.

- Très drôle.

Plantier s’engagea dans une petite rue près de Notre Dame et s’arrêta devant un restaurant.

- C’était ma cantine quand j’étais au 36.

Le patron reconnut le commissaire.

- Antoine ! Ca alors ! Tu es de retour ?

- Juste pour un moment Pierrot…

- Je vois. Installez-vous.

Ils se mirent à table.

- Je te conseille le foie gras. Celui de Pierrot est le meilleur de Paris.

- Je te fais confiance.

Ils passèrent commande et déjeunèrent tranquillement. Plantier parla à son adjoint de ses projets avec Estelle. Il se garda bien d’évoquer la décision qu’il avait prise la veille…

Ils rentrèrent à leur bureau. Peu avant vingt heures, Plantier conseilla à Maurel de rentrer à l’hôtel puis il descendit dans la salle de visio-conférence. Il se fit expliquer le fonctionnement du système puis congédia le technicien. Quelques minutes plus tard, les écrans s’allumèrent.

- Bonsoir Watson.

- Appelez-moi Jimmy.

- Ok, moi, c’est Antoine.

- Je sais. Comment allez-vous ? Et comment va Estelle ?

- Je vois que le F.B.I. est bien renseigné. Estelle va bien. Mais, je manque à tous mes devoirs. Comment va Jenny ?

Les deux policiers éclatèrent de rire.

- Puisque nous sommes seuls, vous m’expliquez, Jimmy ?

- Quoi donc ?

- Pourquoi vous êtes sur cette affaire.

Le jeune enquêteur raconta le kidnapping dont avait été victime la première dame.

- Si je comprends bien, le président Obama vous a à la bonne.

- C’est cela. Nous tournons en rond, Antoine. Et je ne voudrais pas que ces terroristes restent impunis.

- Moi non plus.

-Si j’ai voulu cette conférence, c’est que, depuis quelques heures, j’ai l’impression qu’un détail nous a échappé. Un détail qui est la clé de cette affaire.

- Reprenons ce que nous savons. Nous avons eu deux attentats, conçus selon le même mode opératoire et perpétrés, par une ou plusieurs personnes qui connaissent parfaitement le maniement des explosifs. Et le SEMTEX utilisé était le même.

- Nous avons fini par trouver d’où il venait. Il a été volé il y a quelques mois dans un dépôt des marines.

- Il y a ensuite les messages de revendication, signés d’un groupe inconnu.

Plantier vit le visage du jeune enquêteur s’éclairer.

- Les messages ! Antoine ! Elle est là, la solution !

- Je ne vous suis pas, Jimmy.

- Comment font-ils, d’habitude ? Je veux dire pour revendiquer les enlèvements ou les attentats.

- Ils envoient des vidéos, le plus souvent à Al Jazeera… Non ! Ne me dites pas que…

- Si, Antoine ! Je crois que nous promène depuis le début. Ce groupe terroriste n’existe pas. On nous a volontairement envoyé sur sa trace.

- Putain de bordel de merde !

Plantier vit le sourire sur le visage de Watson.

- Vous comprenez nos gros mots ?

- J’ai suivi une formation complète sur votre langue. Elle incluait les gros mots. Reprenons. Notre enquête repart à zéro.

- On dirait. Si ce ne sont pas les islamistes, alors qui ? Des indépendantistes ? Les irlandais ? La liste est longue et je n’ai pas envie d’attendre les revendications des prochains attentats pour comprendre.

- Moi non plus ! Mais il peut s’agir de quelque chose de beaucoup plus pervers.

- Un lobby ?

- Vous imaginez l’intérêt qu’il y a à entretenir une guerre contre les islamistes ?

- Les enjeux financiers sont colossaux. Nous allons mettre les doigts dans un drôle d’engrenage.

- Peu importe. Du nouveau sur l’origine de ces messages ?

- Non. Quels que soient ceux qui ont fait ça, ils sont sacrément malins et prudents.

- Je vais voir où en est mon petit génie de l’informatique. On se recontacte Antoine. Bonne soirée.

- A bientôt, Jimmy.

Plantier éteignit le système de visio-conférence et rentra à son hôtel. De son côté, Watson se rendit dans le laboratoire de Will.

- Où en es-tu sur le message de revendication. Il faut absolument trouver d’où il vient.

- Je suis tombé sur un os. Le cryptage des données est un code inconnu. J’ai enfin compris comment il fonctionne. Je suis en train d’écrire un programme pour le casser.

- Fais le plus vite possible. Je vais voir Huxley.

Dans le hall de l’aéroport de Roissy, l’homme avait pesté toute la journée. A cause d’une grève, son avion pour Berlin était annulé. Le prochain vol ne partirait que le lendemain et il serait trop tard. Il s’approcha du comptoir d’Air France. Il restait des places sur le vol pour New- York. L’homme prit un billet. Au moment où il décollait, dans une rue de Paris, des policiers interpellèrent un S.D.F.

Antoine Plantier était dans son bureau. Il repensait à sa conversation avec Watson. Il avait vite éludé l’hypothèse d’autres groupes terroristes. Ils tenaient trop à parler de leurs causes respectives pour se faire passer pour d’autres. Non. L’américain avait raison. Il s’agissait d’un lobby. Mais qui était impliqué ? Des politiciens ? Des industriels de l’armement ? Sûrement. Y avait-il des complicités dans le monde ? Le commissaire avait longtemps hésité puis il avait décidé de ne rien dire à son ministre. Il ne pouvait faire confiance à personne. Il était absorbé par ses pensées lorsque Maurel fit irruption.

- Antoine ! Rivière vient de m’appeler. Il faut qu’on aille le voir tout de suite.

Ils traversèrent Paris et se rendirent dans les locaux de la brigade anti-terroriste.

- Bonjour Rivière. Du nouveau ?

- Oui ! Hier soir, une patrouille du 11ème arrondissement a interpellé un S.D.F. qui trainait un sac de voyage beaucoup trop luxueux pour lui. Ils ont eu la bonne idée de nous envoyer le sac.

- Et ?

- Le sac est de marque américaine. Nous avons trouvé que la doublure était bizarrement découpée alors nous avons fait des analyses…

- Et vous avez trouvé des traces du SEMTEX utilisé pour l’attentat.

- Exactement !

- Où est ce S.D.F. ?

- Ici ! Nous sommes en train de l’interroger.

- Je vais aller le voir.

Plantier entra dans la salle d’interrogatoire et demanda aux autres policiers de sortir.

- Bonjour, je suis le commissaire Plantier.

- J’ai déjà tout raconté plusieurs fois à vos collègues.

- Je veux juste savoir où vous avez trouvé ce sac.

- Dans une poubelle. Près d’un hôtel, un jour que je trainais vers la tour Eiffel.

- Vous pourriez me montrer l’endroit ?

- Pour sûr !

Plantier sortit, accompagné du S.D.F. Rivière s’approcha.

- Ce monsieur va nous montrer où il a trouvé le sac. On y va, David. Vous venez Rivière ? Prenez l’objet du délit.

Le S.D.F guida les trois policiers jusqu’à l’arrière- cour de l’hôtel.

- Voilà. C’est dans ce container que je l’ai trouvé.

La porte de service de l’hôtel s’ouvrit. Un employé, chargé du ménage, sortait les poubelles. Il regarda les quatre hommes puis le sac.

- Mais… Mais c’est le sac de Monsieur Wilson ! Voleur !

- Doucement. Cet homme a trouvé le sac dans vos poubelles. Vous avez parlé d’un monsieur Wilson.

- Oui. C’est un américain. Il est venu plusieurs fois ces dernières semaines.

- Et la dernière fois, c’était quand ?

- Vendredi dernier. Oui, c’est ça, le jour de l’attentat. Il est parti dans l’après-midi.

Les trois policiers se regardèrent, stupéfaits

- Rivière. Je crois que vous pouvez relâcher ce monsieur. Mais d’abord, vous allez nous déposer au ministère.

- Gardez la voiture. Je vais appeler mes collègues.

Plantier et Maurel rejoignirent la place Beauvau. En route, le commissaire mis son adjoint au courant de sa conversation avec Watson. Maurel passa quelques coups de téléphone.

- Voilà. Monsieur James Wilson. Il voyage avec un passeport diplomatique. Il est arrivé la veille de l’attentat et est reparti quelques heures après pour New York.

- Super !

- Ce n’est pas tout. Il était là hier. Il avait une réservation sur un vol pour Berlin. Le vol a été annulé et il est reparti par le vol Air France du soir.

- Qu’est- ce qu’il y a d’important à Berlin en ce moment.

- Je ne sais pas… Si ! Il y a une cérémonie au parlement demain. La commémoration de je ne sais plus quoi. Il doit y avoir plusieurs ministres européens.

- David, nous l’avons échappé belle. Je préviens Watson.

WASHINGTON

Watson se trouvait dans le bureau d’Huxley lorsque son téléphone sonna.

- Bonjour Antoine. Je suis avec Huxley.

- Alors mettez le haut- parleur sur votre téléphone. J’ai une grande nouvelle !

- Voilà, nous vous écoutons.

Plantier expliqua ce qu’il avait découvert. Il y eut un silence.

- C’est à vous de jouer Jimmy. Nous continuons à localiser l’origine du message.

- Ok. Merci Antoine.

- Pas de quoi. Bon courage.

Watson raccrocha. Will fit irruption dans le bureau.

- J’ai réussi, Jimmy ! J’ai cassé le code et j’ai localisé la source du message !

- Il vient d’où ?

- D’un entrepôt, dans la banlieue de New- York.

- On fonce !

Quelques heures plus tard, Watson donna ses dernières consignes. Un à un, les hommes des troupes d’élite se glissèrent dans l’entrepôt

L’homme réfléchissait. Puisque sa dernière mission avait échoué, il n’aurait pas travaillé pour rien. Il fallait qu’il trouve une cible. Sur l’écran de son ordinateur, une vidéo tournait en boucle. Il n’eut pas le temps de faire le moindre geste lorsque les policiers investirent son local.

Jeremy Watson entra dans la salle d’interrogatoire.

- Alors, Monsieur Williams ? Ou peut-être préférez-vous que je vous appelle Monsieur Wilson ?

- Je ne vous dirai rien.

- Soit ! Si vous voulez porter seul la responsabilité de la mort de quatre cents personnes, c’est votre choix.

- Le Minnesota ne pratique plus la peine de mort.

- Certes. Mais votre cas relève d’un jugement fédéral et, dans l’état de Washington… Et puis, voyez-vous, je crois que les jurés ne vous feront pas de cadeau.

- Vous voulez quoi ?

- Tout ! Surtout les noms de vos commanditaires.

L’homme avala sa salive. Il se mit à parler. Il raconta tout, longuement. Son engagement dans les marines. L’attentat en Irak, qui lui avait broyé la jambe. Et il donna des noms. Lorsqu’il eut terminé, Watson rejoignit son supérieur dans la pièce voisine. Huxley dévorait son cigare.

Le sénateur Porter entra dans l’immeuble où se trouvait son bureau. Il n’eut même pas un regard pour la réceptionniste. Les hommes du F.B.I firent irruption dans son bureau quelques minutes plus tard.

- Clive Porter ?

- Oui.

- Jeremy Watson, F.B.I. Je vous arrête pour conspiration et complicité dans des actes terroristes.

L’enquêteur lui lut ses droits. Le sénateur le toisa.

- Vous n’avez rien contre moi.

- J’en sais assez pour faire passer de longues nuits blanches à vos avocats. En route, Monsieur Porter.

- Sénateur Porter !

- Plus maintenant. Allons-y.

Sur les conseils de ses avocats, Porter avoua tout et donna les noms de tous ceux qui de près ou de loin, aux Etats-Unis ou en Europe, l’avaient aidé dans son projet. Watson envoya la liste des français impliqués à Plantier puis il l’appela

- Vous avez reçu mon message ?

- Oui. Nous allons faire un peu de ménage. Merci Jimmy.

- C’était un plaisir de travailler avec vous, Antoine.

- Plaisir partagé.

- Pourquoi ne viendriez-vous pas à Washington. Pourquoi pas avec Estelle ? Jenny et moi serions très heureux de vous recevoir.

- C’est que…

- Dites-moi quand vous serez prêts. Je m’occuperai du reste. Le département d’état vous doit bien ça.

- Je vais voir. A bientôt Jimmy

- Au revoir Antoine.

Plantier et Maurel passèrent à leur hôtel.

- Je rejoins à l’aéroport, David. J’ai une petite course à faire.

CAHORS

Plantier rejoignit Estelle chez elle La jeune femme avait tenu à s’occuper du diner. Après le repas, ils s’installèrent sur le canapé. Antoine la serra contre lui. Ils s’embrassèrent longuement.

- Ca te dirait un voyage à Washington ?

- Pourquoi Washington,

- Comme ça. J’ai pensé que ce serait original pour un voyage de noces.

Il sortit une petite boite de sa poche et la donna à la jeune femme. Elle regarda longuement la bague.

- Estelle, veux-tu m’épouser ?

La jeune femme ne répondit pas tout de suite. Elle passa la bague à son doigt et l’admira.

- Washington, disais-tu ? Ca me va.

* Voir "Le génie d'Atlanta"

** Voir "Kidnapping"

*** Voir "Rencontres mortelles" et "L'inconnu du Pic du Midi"

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #NOUVELLES

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