ECCE HOMO

Publié le 5 Février 2014

Voici donc l’homme, dans toute sa splendeur. Ou plutôt, dans toute son horreur. Le vieux Ponce Pilate peut bien se laver les mains tant qu’il le voudra, il n’arrivera jamais à effacer nos tâches. Comment pourrait-il gommer les défauts d’une espèce humaine qui a oublié à ce point qu’elle n’est qu’une espèce animale, qu’elle n’est que le résultat et la longue évolution d’une chimie du hasard, celui de la rencontre de quelques atomes en un lieu, un temps et des conditions biens particuliers et qu’il suffirait d’une simple chiquenaude de ce même hasard pour qu’elle disparaisse, (sans oublier, bien sûr, les moyens qu’elle a mis au service de son autodestruction)? Non. Le brave Ponce aura beau frotter et frotter encore, il n’effacera rien de nos tares, de nos crimes et de notre mépris pour cette nature qui nous a créés. Le pire est que l’évolution bien naturelle que nous avons connue est l’outil qui nous a conduits à ce mépris et à l’oubli de nos origines. Alors revenons en arrière, (à l’échelle du temps de notre planète cela ne représente que quelques secondes), là où tout a commencé pour nous, en Afrique. Pauvre Afrique, notre berceau à tous, que nous pillons sans vergogne, dont nous avons fait le terrain de nos jeux guerriers. Combien de temps, de misères et de morts nous faudra-t-il pour comprendre que, blancs ou noirs, nous avons tous les mêmes ancêtres?

Oui, nous descendons tous de ces petits êtres qui, un jour, au cœur du rift ou du Tchad, se sont mis debout et se sont lancés dans la grande aventure de notre humanité. Ils en ont fait du chemin, couru des dangers, mais… Avançons un peu. Nos lointains aïeux australopithèques sont petit à petit devenus des homo- erectus. Oh, ils ne sont pas encore savants, mais ils savent déjà se fabriquer des outils et des armes dont ils se servent uniquement pour chasser et se défendre et, surtout, il y a entre eux un lien solide, indéfectible. Un lien qui aujourd’hui, chez certains d’entre nous a disparu : La solidarité. Il est encore beau, le petit monde d’erectus jusqu’au jour où tout bascule. Parce que l’un d’entre eux pense que la peau de bête de son voisin était plus chaude que la sienne, il l’a lui demande gentiment et comme l’autre refuse… Erectus est devient un assassin et il va le rester. Avançons un peu plus…

Homo est devenu sapiens, à force de découvertes, à force d’apprendre. Il a conquis le monde, sa morphologie et son aspect physique se sont adaptés aux milieux dans lesquels il vit. Son esprit aussi a évolué. Manger, se reproduire, se protéger des prédateurs ne sont plus les seules pensées qui le préoccupent. Sapiens a découvert les sentiments, l’amour mais aussi la jalousie, la cupidité. Il a aussi découvert le pouvoir. Il y a encore des choses qu’il ne comprend pas, alors, pour se leur donner une explication, il invente des êtres fabuleux qu’il appelle des dieux et comprend le pouvoir qu’il peut tirer de ces croyances. Un pouvoir qui, à travers son histoire, va l’amener à commettre les pires crimes. Homo sapiens va découvrir la notion de propriété et il n’aura de cesse de posséder toujours plus, n’hésitant pas, s’il le faut, à massacrer son voisin. Il va inventer l’argent et en vouloir toujours plus, la politique pour régner en maitre sur ses congénères… Pour vivre, il va exploiter les ressources de la terre, jusqu’à l’asphyxie.

Alors, bien sûr, vous allez me dire que tout ça n’est que de l’histoire, de la préhistoire même, que nous avons progressé, qu’aujourd’hui, nous arrivons à vaincre les maladies, que nos petits ont plus de chances de survivre, que nous vivons dans le confort. Certes. Mais, en y regardant de plus près…

Nous vivons tous dans des tribus, plus ou moins grandes, plus ou moins fédérées en peuples et en nations, tout comme nos ancêtres. Nous avons tous en nous ce vieux réflexe animal, cette crainte et cette méfiance de celui qui est différent, ce racisme identitaire et congénital qui nous fait croire que, celui qui ne vit pas comme nous ou ne nous ressemble pas, est mauvais. Nous avons tellement usé de nos ressources qu’elles commencent à s’épuiser et notre terre devient peu à peu une immense poubelle.

Si Lucy et Tumaï, nos lointains aïeux, revenaient aujourd’hui, que verraient-ils de leur terre? Que penseraient-ils, eux qui grimpaient se cacher dans un arbre au moindre grognement, des prédateurs que nous sommes devenus? Que feraient-ils en nous voyant nous entre-tuer pour un bout de terre ou au nom d’un dieu invisible ?

J’ai dans l’idée qu’ils se prendraient la tête à deux mains et pleureraient.

Rédigé par LIOGIER François

Publié dans #BILLETS D'HUMEUR

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