HISTOIRE DE TROTTOIR
Publié le 23 Janvier 2014
On retiendra qu’il ne faut point railler
Ceux dont on ignore les qualités.
J’en veux pour preuve cette histoire
Qui arriva sur un bout de trottoir.
Deux malheureux mendiaient en vain
Quelque argent pour payer leur vin.
Las, les passants par trop pressés
Devant eux, allaient, venaient,
Suivant, absorbés, leur chemin
Et les regardant avec dédain.
La soif poussant son humeur
A connaitre des jours meilleurs,
L’un d’eux eut soudain une idée
Et se proposa de chanter.
« Ne crois-tu pas avoir assez d’ennuis,
Pour, en plus, faire venir la pluie ? »
Ricana le second d’un air perfide
Pointant du doigt le ciel limpide.
"Chantes donc, si cela te plait
Mais moi, je ne veux pas me mouiller."
Laissant là son pauvre ami,
Sur un autre trottoir, il alla faire sa vie.
Notre mendiant, la bouche bée
Le regarda lentement s’éloigner
Pensant : « Mon pauvre vieux, tu as tort ».
Retrouvant sa belle voix de ténor,
Il se mit à chanter, plein de confiance,
Des airs appris dans son enfance.
Les passants par sa voix charmés
Eurent tôt fait de s’attrouper.
Le sort voulu que par bonheur
Vint à passer un producteur
Flairant de l’homme le vrai talent
Et, sans doute, beaucoup d’argent.
On peut aisément, sans être devin
De cette histoire trouver la fin
Car si le hardi connut la gloire,
Le railleur resta sur le trottoir.